Taxer la malbouffe au détriment des plus modestes, la nouvelle idée du Trésor

Dans sa lettre mensuelle de septembre, le Trésor propose la mise en place d’une nouvelle taxe nutritionnelle calculée en fonction des calories des produits. Derrière l’idée louable de taxer la malbouffe, ce sont les ménages les plus modestes qui risquent d’être les premiers touchés.

Après la taxe soda de 2012, voilà la taxe malbouffe. Constatant l’échec de la contribution sur les sodas et son rendement bien en-deçà des espérances (elle rapporte 3 millions d’euros à la sécurité sociale contre les 45 attendus), la direction générale du Trésor, rattachée au ministère de l’Economie et des Finances, propose différentes pistes pour lutter contre ce phénomène. En première ligne de son étude intitulée « Obésité : quelles conséquences pour l’économie et comment les limiter ? » publiée ce jeudi 1er septembre, une nouvelle taxe sur les produits dépassant un certain seuil de calories. L’objectif est de lutter contre le comportement des consommateurs qui, voyant le prix des sodas augmenter, se reporteraient sur d’autres boissons tout aussi néfastes pour la santé. « La seule taxation des sodas peut entraîner une substitution de ces derniers par des jus de fruits très sucrés« , peut-on lire dans cette lettre de préconisation de septembre 2016 destinée à Bercy.

Si cette possibilité est justifiée par une urgence de santé publique, 15% des Français étant obèses et 32,3% en surpoids selon un rapport OBEPI de 2012, et par le « coût social » de la surcharge pondérale estimée à 20 milliards en 2012 (soit 1% du PIB), la mesure devrait faire une victime collatérale. « Les foyers les plus modestes le paieront cash« , souligne pour Marianne François Carlier, délégué général de l’association Consommation, Logement, Cadre de vie (CLCV). Les ménages les plus pauvres consacrent en effet une partie plus importante de leur budget à l’alimentation et, parallèlement, sont plus exposés aux problèmes d’obésité. François Carlier cite également en exemple :

« D’après nos constatations, du fait que ces derniers ne peuvent pas, bien souvent, partir en vacances, ils s’offrent le plaisir de bien remplir le frigo avec des produits qu’ils ont l’habitude de consommer. Même si le prix augmente, ils continueront à acheter ces produits. Ce sont des habitudes de vie qui ne se changeront pas avec des taxes.« 

Une « mesure de redistribution » en contrepartie

Dans sa lettre, le Trésor mentionne la possibilité de recourir à une « modulation » de la TVA destinée à « majorer le coût des produits les plus nocifs pour la santé » sur le modèle du Royaume-Uni ou encore du Mexique. « Pour que ce soit vraiment efficace, il faudrait imaginer une augmentation des taxes comparable à celle sur le tabac« , réagit François Carlier. « Mais on ne peut pas l’imaginer sur les produits alimentaires. Du coup l’augmentation restera de quelques centimes, ça ne freinera pas la consommation et les plus modestes ne seront que plus en difficulté.« 

Le Trésor, dans cette étude, reconnaît ce risque de perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes et imagine une possibilité de contreparties pour équilibrer la balance. Celle d’adjoindre à cette taxation une mesure de redistribution « éventuellement une prestation attribuée sous conditions de ressources visant à restaurer le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes« , précise t-il. Une proposition complexe et jugée « inutile » par le délégué général du CLCV : 

« Nous préférons d’autres solutions comme celle de s’attaquer à la publicité sur les créneaux pour enfants ou encore la mise en place d’un étiquetage pédagogique qui désigne les bons et les mauvais produits. Il faut préférer la sensibilisation à des mesures socialement agressives qui ne résoudront rien. »

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