A Montpellier, dans l’Hérault, une entreprise de BTP française a fraudé pendant un an l’Urssaf grâce à un ingénieux système de fraude aux cotisations sociales et une boîte d’intérim fantoche…
Nouvel exemple des dérives générées par la directive européenne sur les travailleurs détachés, qui permet depuis 1996 aux membres de l’Union d’avoir recours à la main d’oeuvre bon marché des pays de l’Est ou du Sud payée en fonction des salaires en vigueur dans le pays d’embauche – le SMIC en France -, mais selon les charges sociales établies dans le pays d’origine. A Montpellier, dans l’Hérault, une entreprise de BTP française, dont le siège social est installé à Perpignan, a ainsi mis en place un ingénieux système de fraude aux cotisations sociales. Selon une information de France Inter ce vendredi 2 septembre, la combine consistait à avoir recours à des travailleurs portugais, via une agence d’intérim immatriculée au Portugal, où les charges sociales sont 25 à 30% inférieures à celle pratiquées en France.
Problème : après enquête de la préfecture de l’Hérault, l’agence d’intérim n’avait pas d’activité connue au Portugal, mais quasiment uniquement en France, ce qui est interdit par la législation. Sur les chantiers d’un promoteur immobilier de la région, 130 travailleurs détachés portugais, spécialisés dans le gros oeuvre, ont donc travaillé pendant un an sous un statut auquel ils n’avaient pas droit, peu coûteux pour l’employeur et non respectueux des droits du salarié. « Le préjudice pour l’Urssaf n’a pas été estimé mais il est colossal », explique la journaliste.
Suspendues pour une durée de trois mois par la préfecture, les deux entreprises épinglées devront toutefois continuer à payer les salariés portugais pendant ce temps. Le promoteur immobilier devra, lui, trouver de nouveaux prestataires. Face à l’ampleur du problème, le ministère du Travail n’a cessé quant à lui de multiplier les contrôles, essentiellement dans le secteur du BTP (pour plus des trois quarts des interventions). En un peu moins d’un an, de juin 2015 à mars 2016 les inspections réalisées sont en effet passées de 600 à 1 504.
Des contrôles toutefois insuffisants auxquels tentent de remédier plusieurs responsables européens, français et allemands notamment, qui souhaitent inscrire dans la refonte de la directive de 1996, actuellement à l’étude, un nouveau principe : « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ». Autrement dit la prise en compte de l’ensemble des avantages salariaux : les primes, indemnités tickets-restaurant etc. pour chacun des employés, y compris les travailleurs détachés. Un principe repris à son compte par la commissaire européenne à l’Emploi, Marianne Thyssen, qui préconise également de réduire la durée maximale autorisée des missions des travailleurs détachés, de 30 mois à deux ans. Pas question en revanche de toucher pour l’instant à la question des cotisations sociales.
En France, la frilosité de l’Union sur le sujet est contestée à gauche. Au gouvernement, Manuel Valls se fait de plus en plus menaçant. « Le gouvernement français cherche aujourd’hui à convaincre – et beaucoup de pays sont d’accord avec lui – qu’il faut changer, qu’il doit y avoir une égalité de traitement, par le haut, pour lutter contre le dumping social, qu’on doit payer les cotisations sociales les plus élevées », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls sur TF1, dans l’émission Vie Politique, au mois de juillet. Et de conclure : « Si on ne nous entend pas, il faudra dire que la France n’applique plus cette directive. »
Suspendre la directive, c’est justement ce que propose Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif et futur candidat à l’élection présidentielle. « Le dumping social à domicile c’est importer le chômage des autres pays européens », explique-t-il dans les propositions esquissées lors de sa rentrée politique, à Frangy-en-Bresse le 21 août. En attendant, le nombre de travailleurs détachés déclarés en France continue d’augmenter. Selon des données provisoires transmises à la Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI), en 2015 la France comptait 286.025 travailleurs détachés. + 25% par rapport à l’année précédente…
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