La démission d’Emmanuel Macron a éclipsé la disparition subite du mystérieux secrétariat d’Etat à l’Egalité réelle, né tout aussi soudainement en février dernier. Mais qui va donc se charger de son indispensable mission de « décloisonnement et d’ouverture de la société » ?
Le secrétariat d’Etat à l’Egalité réelle n’était-il qu’un prétexte ? On n’osait le croire… Et pourtant, le mini-remaniement du mardi 30 août donne beaucoup de raisons de le penser. L’information a été éclipsée par le départ fracassant d’Emmanuel Macron, mais un autre membre du gouvernement a également présenté sa démission : la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin, a souhaité « mettre un terme à ses fonctions ministérielles pour des raisons personnelles », a laconiquement annoncé l’Elysée. François Hollande l’a aussitôt remplacée par Ericka Bareigts, qui occupait depuis le 11 février dernier le poste de secrétaire d’Etat à l’Egalité réelle.
Mais une angoisse nous saisit : qu’advient-il donc de ce fameux secrétariat d’Etat dont l’intitulé a été tant raillé cet hiver – presque autant que le « Redressement productif » d’Arnaud Montebourg en 2012 ? Le cabinet d’Ericka Bareigts n’a pour l’instant pas répondu à nos appels inquiets. Même silence à Matignon, tandis qu’à l’Elysée, on nous invite à attendre sagement les décrets d’attribution à venir. Autrement dit, les missions d’Ericka Bareigts seront récupérées par un autre ministère et l’ex-secrétaire d’Etat ne sera pas remplacée poste pour poste.
Pourtant, lors de la création du secrétariat d’Etat – rattaché au Premier ministre – en février, « l’égalité réelle » semblait être subitement devenue une urgence pour l’exécutif. Face à la circonspection générale, Matignon avait tout de même dû préciser de quoi il retournait. La nouvelle secrétaire d’Etat – à qui l’on avait dégoté des bureaux dans une aile du ministère de la Santé – était en fait chargée de « mettre en œuvre les mesures d’égalité réelle, de décloisonnement et d’ouverture de la société, annoncées par les Comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (Ciec) et le Comité interministériel aux ruralités ». Il s’agit, ajoutaient les services de Manuel Valls, de « permettre de décloisonner et d’ouvrir une société parfois trop fermée, pour qu’elle donne sa chance à chacun », car « l’égalité formelle ne suffit plus ». Sic.
Né avec l’arrivée d’Ericka Bareigts au gouvernement, le secrétariat d’Etat à l’Egalité réelle n’aura donc pas survécu à son transfert aux Outre-mer. Est-ce à dire que brusquement, en cette fin août 2016, « l’égalité formelle » suffit à nouveau ? Ou bien que la société française est désormais décloisonnée, ouverte et qu’elle « donne sa chance à chacun » ?
Certes, les mauvaises langues trouveraient d’autres explications à la très éphémère existence de ce secrétariat d’Etat, visiblement taillé essentiellement pour faire entrer Ericka Bareigts au gouvernement. Par exemple la nécessité, à quelques encablures de l’élection présidentielle, de soigner les délicats équilibres de la représentation des territoires d’outre-mer : La Réunion, où Ericka Bareigts est élue, a plébiscité François Hollande à 71% au second tour en 2012 – ce qui en fait le deuxième département ayant le mieux voté pour lui. Mais ne comptez pas sur nous pour colporter ce genre de supposition pleine de mauvaise foi…
Le secrétariat d’Etat à l’Egalité réelle n’aura tenu que six petits mois. Mais ce n’est pas le portefeuille le plus éphémère de la Ve République. Le 27 mai 1974, à l’aube du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Jacques Servan-Schreiber – le fondateur de L’Express – est nommé… « ministre des Réformes », un intitulé étrange puisqu’il suggérait que ses petits camarades pouvaient tranquillement se tourner les pouces ! Mais l’aventure tourne court. Quelques jours plus tard, « JJSS » critique la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique, au grand dam du Premier ministre Jacques Chirac, qui limoge l’effronté le 9 juin et fait disparaître son ministère, qui n’aura duré que 13 jours.
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