Rentrée de Mélenchon à Toulouse : "Prendre de la hauteur" pour "ouvrir les esprits"

Jean-Luc Mélenchon a tenu ce dimanche 28 août son « pique-nique » de rentrée à Toulouse. Loin des débats sur le burkini, le candidat du Parti de gauche à la présidentielle a voulu lancer sa campagne sous le signe de la raison.

À Toulouse, le temps est lourd mais l’ambiance festive, au pique-nique organisé par « la France Insoumise » ce dimanche 28 août pour la rentrée politique de Jean-luc Mélenchon. Entre un meeting politique traditionnel et une kermesse, 2.500 personnes se sont retrouvées selon les organisateurs. « Manifestement, il y a plus de monde derrière Jean-Luc qu’en 2012 », se réjouit Eric Coquerel, co-coordinateur politique du Parti de gauche, qui parie sur une « dynamique citoyenne » autour de son candidat.

Stand sur le programme, table des parrainages permettant aux soutiens du leader de gauche de démarcher les précieuses signatures… « Notre enjeu est de ré-impliquer massivement les citoyens », indique Danielle Simonnet, l’autre dirigeante du PG. À 14 heures, le candidat s’avance sur la tribune, et les « Résistance ! » fusent du public. « Vous me pardonnerez, j’ai tombé la veste », s’excuse Mélenchon. Le tribun commence alors un discours fleuve d’une heure et quart, empruntant au lyrisme de son ancienne campagne de 2012. 

« Elever le niveau de compréhension »

Il souhaite ainsi susciter « des votes raisonnés, conscients, éduqués », et « élever le niveau de compréhension de la masse de notre peuple ». « Nous ne sommes pas là pour hypnotiser les gens, les abrutir, les fasciner » mais pour « ouvrir les esprits ». Le candidat à la présidentielle détaille ensuite quelques points de son futur programme  –  constitué à la fois par celui de 2012, « l’Humain d’abord », et par la synthèse de 2.000 contributions recueillies ces dernières semaines -, qui ne sera « pas seulement une addition de mesures » mais aussi « une vision du monde, une pensée sur notre époque », ambitionne-t-il.

Il répète d’abord son intention d’« abolir la monarchie présidentielle », en convoquant « une Assemblée Constituante » qui permettra « au peuple de devenir l’acteur de l’Histoire ». Au passage, il tacle Arnaud Montebourg qui, selon lui, ne souhaite plus aboutir à une véritable 6eme République… Il déroule ensuite les autres thèmes qu’il développera durant la campagne : le partage des richesses, la planification écologique, la sortie des traités européens actuels – « Nous sommes la France, un très grand pays, on ne peut pas faire l’Europe sans nous », assure-t-il. Mais attention, Mélenchon ne souhaite pas « sortir des traités par le nationalisme, la xénophobie, le rejet des autres ». Il déclare : « Liberté, Égalité, Fraternité, c’est comme la pénicilline, c’est valable pour tout le monde ». Il en appelle alors à « un nouvel indépendantisme français, refus de la soumission aux Etats-Unis d’Amérique ».

Mélenchon, toujours très lyrique, évoque « les nouvelles frontières de l’humanité », notamment « la maîtrise des mers et des océans, de l’espace, des mondes virtuels ». Autant de sujets bien éloignés des polémiques de ces derniers jours. Il s’en amuse : « De quoi il parle ? Et le burkini ?! ». Pour conforter cette amorce de programme, il annonce la constitution d’une « assemblée représentative », composée à partir d’un tirage au sort des « Insoumis » et rassemblant également « syndicalistes, lanceurs d’alerte, militants politiques » car, rappelle-t-il, ce « mouvement » se fera « hors du cadre des partis mais pas contre les partis ». Et puis, usant d’une formule supplémentaire : « Nous ne demandons à personne de prendre des cartes ou d’être mélenchoniste, car moi je ne le suis pas ».

« La liberté de conscience, ce n’est pas humilier les autres »

Ce discours de Toulouse est aussi une manière de motiver ses partisans pour la bataille à venir. Il leur donne ainsi « rendez-vous le 18 Mars prochain à la Bastille », soit 5 ans jour pour jour après le grand rassemblement de la campagne de 2012 qui avait aussi eu lieu devant l’Opéra de Paris. Il en profite pour se gausser des socialistes : « Ils vont commencer la tournée d’adieu à Colomiers », lance-t-il aux spectateurs, en référence au meeting de Manuel Valls, Stéphane Le Foll et Jean-Christophe Cambadélis qui aura lieu ce lundi dans la ville de l’agglomération toulousaine, fief du PS. Mélenchon, goguenard, prend alors la casquette du commentateur politique pour mieux se mettre en valeur : « Il parait qu’il y a trop de candidats à la primaire. Ils devraient organiser une primaire pour savoir qui participe à la primaire ». Mais très vite, il reprend un air grave, annonçant n’avoir réussi pour l’instant qu’à recueillir 200 promesses de parrainages pour déposer sa candidature : « Les amis, quand vous n’avez pas les parrainages, les banques ne vous prêtent pas », rappelle-t-il. « Pas de parrainages, pas d’argent ». « Je vous demande d’allez voir vos maires », ajoute-t-il.

Son air grave, il l’aura jusqu’à la fin de son discours, revenant sur « l’été des assassins » : « Ces morts, il ne faut pas les oublier, mais il faut les respecter. C’est une honte qu’on ait trié entre eux pour montrer du doigt ceux qui étaient musulmans ». Il développe alors son point de vue sur cette « farce sans nom du burkini, une honte pour notre pays et nous-mêmes ». S’il se réjouit de la décision du Conseil d’Etat contre les arrêtés des maires, il rappelle également « le droit d’être athée, agnostique », ce droit « à l’indifférence ». Mais « la liberté de conscience, ce n’est pas humilier les autres », ajoute-t-il. « Où va t on ? Vous allez faire une police des vêtements ? Ils vont mesurer les barbes pour savoir qui est un hipster et qui est un fondamentaliste », raille-t-il. Et lance une charge lourde contre Nicolas Sarkozy et François Hollande, « des tartuffes, des hypocrites », rappelant la visite du premier au roi d’Arabie saoudite et le fait que le second ait accepté l’année dernière la privatisation d’une plage pour le même monarque. Mais Mélenchon tient à préserver, plus que tout, la concordance nationale : « Nous n’avons pas envie de nous fâcher avec les musulmans (…) Nous voulons vivre ensemble (…) Il est facile de déclencher les guerres de religion, il est très difficile de les arrêter ».

Le leader de gauche préfère « prendre de la hauteur » et évoquer l’économie de la mer, la conquête spatiale, les exo-planètes, les réductions budgétaires qui touchent l’école en cette rentrée, mais aussi la situation critique de notre éco-système, de la pauvreté : « Cette année, il y a eu 2.000 morts dans la rue, et 30.000 mômes sont sans toit, personne n’en parle ». Il termine enfin son discours en citant deux philosophes. L’empereur romain Marc Aurèle : « Pour les vaincre, évitez de leur ressembler ». Et Sénèque : « Il faut apprendre à vouloir ! Et à faire ! » Fin du show. La Marseillaise s’enclenche, chantée à gorge déployée par le candidat des « Insoumis ».

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