Fermeture des voies sur berges à Paris : lettre à Anne Hidalgo

La commission d’enquête concernant la fermeture des voies sur berges vient de rendre un verdict négatif et argumenté. Pour autant, la maire de Paris Anne Hidalgo continue de faire la sourde oreille…

Madame la Maire,

La commission d’enquête concernant la fermeture des voies sur berges vient de rendre son verdict. Il est sans appel. Son avis est négatif et argumenté. Les membres de cette commission, personnalités indépendantes choisies par le Tribunal administratif, dont un, son Président est un magistrat, ont rendu un avis défavorable à la mise en œuvre immédiate de la fermeture des voies sur berges rive droite. Leur argumentation tient en 6 points :

1) 75% des contributions étaient opposées au projet.
2) le périmètre de l’enquête publique voulu par la mairie de Paris ne prenait pas en compte les arrondissements subissant des reports importants de circulation.
3) la pollution pourrait augmenter dans les zones concernées du fait d’un trafic accru et ralenti.
4) l’impact positif sur la pollution de l’air n’est pas avéré.
5) l’intérêt de ce projet dépasse les limites de Paris. En conséquence il ne peut se faire sans concertation avec les communes concernées.
6) Les impacts économiques d’un tel projet seront négatifs.

En réponse, à cette commission indépendante, vous avez répondu, avec mépris et condescendance, en décidant de « passer outre ». Par essence, vous avez raison. Les autres ont tort. Pour vous l’avis d’une commission indépendante a peu d’importance. Comme d’ailleurs ceux des Maires de banlieue, de l’opposition municipale, de la Présidente de la région Ile-de-France, de nombreux riverains, de multiples associations et des responsables économiques, puisque n’ils ne sont, à vos yeux, que des « conservateurs ». Avec vous c’est : circulez il n’y a rien à voir, rien à écouter, rien à entendre. Nous sommes des imbéciles et vous vous détenez la vérité. Bonjour le sectarisme !

Drôle de conception de la gouvernance de Paris
Pauvres que nous sommes, nous n’avons pas compris que ce projet était la clé pour relever les défis climatiques du monde. Bonjour la modestie ! En effet vous expliquez votre refus de prendre en compte ces critiques car d’après vous elles « résonnent comme un déni complet de l’urgence climatique ». Au lieu de sermonner, telle une institutrice devant une classe de CP, ceux qui ne partagent pas votre approche, je vous invite à débattre. Ce n’est pas honteux. Cela s’appelle la démocratie. Ah j’oubliais que vous préférez les sondages puisque vous vous appuyez sur une étude d’opinion de l’IFOP d’avril 2016 -favorable à votre projet- pour rejeter les recommandations de la commission. Drôle de conception de la gouvernance de Paris qui est désormais la vôtre. Pour vous une enquête flash prime sur une enquête de fond. Est-il honnête de la part d’une majorité municipale -qui se gargarise depuis 15 ans d’être le chantre de la démocratie participative- de négliger des citoyens qui ont fait l’effort d’apporter leur contribution au débat ?

Souffrez que des questions se posent sur ce projet aussi bâclé que léger. Les interrogations sont multiples. Est-il normal pour un exécutif de gauche de promouvoir l’égoïsme vis-à-vis de la banlieue en décidant de ne pas prendre en compte l’avis des communes en amont et aval de la Seine ? Le mépris de votre majorité pour les habitants de la banlieue est stupéfiant ! Est-il cohérent, alors que le centre de Paris est l’objet de travaux -actuels ou à venir- d’importance, de refuser un moratoire de bon sens ? Est-il responsable, en période d’état d’urgence, de créer des embouteillages supplémentaires et entraver donc l’acheminement des véhicules d’urgence ?

Le débat permettrait à chaque Parisien de se faire une opinion
Quant à l’approche écologique. Parlons-en. Pour paraphraser Valéry Giscard d’Estaing, vous n’avez pas le monopole de l’écologie. Dois-je vous rappeler qu’au moment où vous autorisiez l’achat de véhicules diesel par la flotte municipale, nous faisions, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, adopter le Grenelle de l’environnement ? Ne vous en déplaise mais la fermeture des voies sur berges ne peut en rien constituer l’alpha et l’oméga d’une politique pour lutter efficacement contre la pollution. En vérité de ce projet vous avez fait un symbole, animée que vous êtes de vouloir cliver le débat. Comportement que vous revendiquez d’ailleurs avec fierté. Est-ce le rôle d’une Maire ? Est-ce surtout un projet environnemental irréprochable ? Le débat, que vous refusez, permettrait à chaque Parisien de se faire une opinion.

Et quand j’entends votre premier adjoint expliquer qu’il s’agit de veiller à la « santé de tous », je m’interroge sur ses connaissances en matière de santé publique. S’est-il, un seul instant, penché sur les conséquences en matière sanitaire pour les riverains du quai de la Mégisserie au quai Henri IV ? Il est évident, du fait de l’augmentation sous leurs fenêtres des embouteillages, que ces derniers vont subir plus de pollution et plus de bruit. Pouvez-vous indiquer à Monsieur Julliard que la pollution sonore peut provoquer des pathologies graves ? Les études d’impact ont prévu une augmentation de 2 dB sur ces quais. C’est en soi déjà sensible. C’est surtout comme le sous-entend la commission une appréciation minimaliste.

Quant à la pollution envisagée, dois-je vous rappeler que vous avez éconduit l’opposition lorsqu’elle vous demandait de mettre des capteurs de pollution sur ces artères pour en mesurer l’impact avant et après la fermeture des berges ? Dois-je également vous remémorrer qu’Airparif, durant les récentes crues de la Seine, a noté une augmentation de la pollution sur les quais hauts du fait de la fermeture de la voie Georges Pompidou ? Dois-je également vous faire remarquer que la lutte contre la pollution passe par une approche globale et non par des coups boutoirs inefficaces ? Elle se construit non au niveau de Paris intramuros mais au niveau de l’agglomération voire de la région. Avec votre projet, du fait des reports de circulation, vous déplacez le problème mais vous ne le résolvez en rien. Vous me faites penser à ceux qui en 1986, après la catastrophe de Tchernobyl, pensaient très sérieusement que les nuages radioactifs ne franchiraient pas les frontières.

Récemment dans une excellente tribune intitulée « Pollution automobile : la mairie de Paris entre esbroufe et démagogie», le journaliste Eric Leser expliquait que les pics de pollution sur Paris étaient souvent dus à des phénomènes météorologiques provenant d’Europe du Nord. Cela devrait vous conduire à la réflexion et à la modestie. Cela devrait faire de Paris un partenaire attentif pour s’associer à projet rassemblant toutes les collectivités de l’agglomération parisienne. Ce projet résiderait dans un vrai plan associant de manière cohérente des nouveaux de transports collectifs de substitution, l’établissement de parking aux portes de Paris, l’utilisation du fleuve, l’incitation fiscale à acheter des voiture non polluantes… C’est ce à quoi vous invite Valérie Pécresse comme Présidente de l’Ile-de-France. Sans oublier de s’attaquer à la pollution de l’air dans le métro qui est catastrophique. L’air dans le métro contient 4 fois plus de particules fines que celui que l’on respire sur le périphérique.

Hier, un éditorialiste du Parisien écrivait « Les plus beaux projets se réalisent dans la réelle concertation ». Vous devriez y réfléchir. Quant à moi, je vous invite à méditer cette maxime d’Oscar Wilde « Croire est ennuyeux, douter est absorbant ».

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply