David Thomson : la verbalisation de femmes voilées sur les plages, du "pain bénit" pour Daech

Alors que les premières images de femmes habillées et voilées se faisant verbaliser sur les plages – au nom d’un arrêté dit « anti-burkini » à l’application bien plus large – sont diffusées, le journaliste spécialiste des questions djihadistes, David Thomson, s’inquiète sur le site de France Info de leur récupération par l’organisation Etat islamique.

Moins de 15 jours après la révélation du tout premier arrêté anti-burkini pris par la mairie de Cannes, les cas de femmes verbalisées sur des plages pour port de voile, et non simplement de burkinis, apparaissent. A l’image de Siam, une mère de 34 ans qui a dû payer une amende de onze euros à Cannes car elle portait un voile, un legging et une tunique sur la plage. A l’image également de cette autre femme voilée qui, le 23 août, a essayé de comprendre pourquoi un policier lui demandait de partir, le tout filmé par un smartphone et diffusé par le Huffpost. A l’image également de cette femme prise en photo à Cannes entourée de policiers – des photos qui ont beaucoup tourné outre-Manche.

Alors que l’arrêté est censé prévenir les risques de trouble à l’ordre public mais aussi « protéger les plages des revendications religieuses« , selon les mots de Manuel Valls, ces récits et images pourraient avoir un effet particulièrement contre-productif. C’est en tout cas la crainte exprimée par le journaliste David Thomson, spécialiste des questions djihadistes et auteur de Les Français djihadistes, interrogé ce 24 août par le site de France Info. Selon lui, ces images de femmes simplement voilées verbalisées sur les plages sont « du pain bénit » pour l’organisation Etat islamique :

« Le récit djihadiste martèle depuis des années qu’il serait impossible pour un musulman de vivre sa religion dignement en France. Alors évidemment, dès leur diffusion, ces photos sont passées en quelques minutes à peine en tête des sujets les plus discutés dans la « jihadosphère », où la tonalité générale était : ‘La France humilie une pauvre musulmane.' »

Il décrit des images qui auraient « littéralement ‘cassé’ l’internet djihadiste » et s’attend à ce qu’elles soient largement reprises à l’avenir par la propagande djihadiste car elles « représentent l’incarnation même de leur réthorique anti-France« , à savoir :

« Un pays ennemi de l’islam, présenté comme une terre de mécréance par excellence, où l’on humilie les musulmans sous le regard passif d’un public immobile, à travers des forces de l’ordre perçues comme une autorité qualifiée « d’idolâtre », c’est-à-dire découlant de la souveraineté populaire et non divine. »

David Thomson souligne par ailleurs que selon lui, cette interdiction du burkini – une tenue qui n’est paradoxalement pas bien perçue par les cercles les plus radicaux pour lesquels une femme ne va tout simplement pas à la plage – risque de générer « des crispations très fortes dans une grande partie de la communauté musulmane« .  » Et de conclure :

« A l’heure où l’on parle de la nécessité de développer un discours pour contrer le narratif djihadiste, on s’aperçoit que non seulement ce contre-discours n’existe pas, mais qu’en plus, certaines autorités françaises offrent de quoi renforcer ce contre quoi elles pensent lutter.« 

 

 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply