Lors de sa rencontre annuelle de Frangy-en-Bresse ce 21 août, Arnaud Montebourg a non seulement officialisé sa candidature à la présidentielle de 2017 – il passera par une primaire si elle est « loyale » – mais il s’est également placé en premier opposant à François Hollande, dégommant ses choix politiques tout au long de son discours. Il a demandé à l’actuel président de la République de bien réfléchir à l’opportunité d’une nouvelle candidature…
Pour cette édition de la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse, le soleil est au rendez-vous. Les journalistes également. Il est environ midi trente et, près de la petite école du village bourguignon, les cameramens et preneurs de son armés de leurs perches patientent sagement. Les militants, eux, venus de toute la France pour certains, commencent à s’impatienter : « Où est-il Arnaud ? On ne le voit pas », regrette une dame aux cheveux blancs. Une autre, près d’elle, renchérit, sur le ton de l’ironie : « Il est où le farfelu ? » « C’est un raz-de-marée », commente un militant, ravi du nombre de participants. « On va être plus de 1000 ! », s’extasie de son côté François Kalfon, porte-parole d’Arnaud Montebourg, qui multiplie pour l’occasion les interviews auprès des chaînes d’info. À en croire Denis Lamard, « régional » de l’étape, et fidèle lieutenant de la star du jour – car, seul invité –, la cuvée Montebourg de Frangy-en-Bresse est un succès : « On a servi plus de 900 repas. La dernière édition avec un tel succès, c’était Royal en 2006 ! Certains sont venus de loin, de toute la France, y compris un de vélo d’Asnières ! ».
Arnaud Montebourg finit par arriver en voiture, de marque Renault (une marque française, évidemment, pour le tenant du « made in France »). À sa suite, la députée Aurélie Filippetti est tout sourire. Mais après avoir fait le tour des tables, et serrer la plupart des mains, Arnaud Montebourg, habillé d’une veste noir qu’il ne quittera pas malgré la chaleur, reste pourtant silencieux. Pas de discours de bienvenue – ses proches s’en chargent –, et place à une minute de silence pour les victimes des récents attentats qui ont touché la France. Pour le Bressan, l’heure n’est plus aux bons mots, aux petites blagues, qui lui ont coûté souvent cher par le passé (on se souvient de la fameuse « cuvée du redressement productif » de 2014 qui lui vaudra sa « démission » du gouvernement Valls).
Comme l’ont soufflé à plusieurs reprises des membres de son équipe ces derniers jours, Arnaud Montebourg souhaite être à cette occasion « solennel ». Une volonté manifeste de « présidentialisation » car l’ex-ministre du Redressement productif sait bien qu’il doit encore convaincre de l’opportunité de son aventure dans son propre camp socialiste. « Si Hollande l’emporte à la primaire, je ferai bien sûr campagne pour François Hollande », remarque d’ailleurs un militant présent à Frangy. Un autre est plus optimiste quant à l’aventure « montebourgeoise » : « Il faut se souvenir qu’en 2011, Arnaud est parti avec un score très bas, et au final, il est arrivé en troisième position ! »
Justement, la question de la participation effective d’Arnaud Montebourg à la primaire proposée par le PS est encore sur la table. Un de ses fidèles lieutenants explique :
« Arnaud sera candidat dans une primaire qui sera loyale. Mais vous connaissez les règles de la loyauté selon Cambadélis… Nous, on demande la même chose qu’en 2011. Pour que les gens puissent aller voter. 4000 bureaux, comme le propose Camba, ce n’est pas suffisant».
En attendant, la perspective d’une primaire permet au moins de susciter les soutiens au sein même des élus socialistes, toujours soucieux de rester dans les clous de Solférino. Cette année, à la table de Montebourg, on trouve ainsi de nouvelles têtes comme le sénateur de la Nièvre, Gaëtan Gorce, le député du Val d’Oise, Jean-Pierre Blazy, ou encore, le député des Ardennes, Christophe Leonard. Autre venue, celle du député Pierre-Alain Muet, un « frondeur », proche jusqu’à présent de Martine Aubry. Mais on trouve aussi à la table du Bressan d’anciens de ses soutiens qui hésitaient encore ces derniers mois à lui apporter un soutien public, comme Catherine Lemorton, députée de Haute-Garonne, et présidente de la commission des affaires sociales…
Le principal intéressé l’assure, ce qui l’intéresse désormais, c’est d’être le premier homme d’une éventuelle primaire, celui qui sauvera la gauche, suite aux « renoncements » du quinquennat Hollande. Quand l’heure discours vient, en milieu d’après-midi, Arnaud Montebourg justifie ainsi sa candidature officielle à l’élection présidentielle, en ayant des mots très durs à l’égard de François Hollande : « Nos idées n’étaient décidément pas au pouvoir », estime-t-il. « Si je suis candidat au rassemblement d’une majorité de Français, c’est d’abord parce qu’il m’est impossible, comme à des millions de Français, de soutenir l’actuel président de la République ». Arnaud Montebourg se pose donc comme l’opposant numéro 1 à gauche de François Hollande. Histoire de marquer les esprits pour les prochaines années…
Mais monsieur « made in France » n’hésite pas non plus à jouer le registre du recours. En renvoyant, avec un certaine habilité, la balle de la responsabilité politique sur les épaules de l’actuel occupant de l’Elysée face au danger du Front national :
« Je lui demande de bien réfléchir à sa décision, de bien considérer les faits, de prendre en compte l’intérêt général du pays, la faiblesse inédite et historique qui est la sienne au regard des Français, d’affronter sa conscience et sa responsabilité et de prendre la décision qui s’impose ».
En jouant au judo avec François Hollande de cette manière, Arnaud Montebourg espère ainsi tirer son épingle du jeu, en tentant d’empêcher le chef de l’Etat de se présenter… Un pari encore loin d’être gagné malgré le rejet actuel de François Hollande dans les sondages d’opinion. Pour convaincre, Montebourg préfère mettre au débat ses idées. Son discours d’une heure et quart ressemble ainsi à un véritable discours de politique générale, où tous les sujets sont abordés : « fin de l’austérité », « programme de re-décollage économique », « sauvetage de l’Union Européenne », « réorientation de notre politique étrangère »…
En fonction des thématiques – parfois techniques, notamment sur la ré-industrialisation de la France – les applaudissements sont plus ou moins fournis. Et certains socialistes présents, en plein désarroi politique, se demandent si certaines mesures trouveront un écho auprès des Français : « Rétablir un service national obligatoire, c’est impossible à faire ! « , s’exclame ainsi une spectatrice. Mais aux journalistes qui le pressent de « chiffrer » son programme à peine son discours terminé, Arnaud Montebourg oppose grandeur de la France et nécessité de ré-industrialiser le pays. « Je suis dans une stratégie de propositions et de construction d’un projet« , commente-t-il, évacuant également les questions tactiques ou qui lui apparaissent comme trop « politiciennes« . Là encore, le Bressan préfère adopter un ton grave pour expliquer sa candidature présidentielle : « Ce sont des choses qui vous rattrapent. Je suis très inquiet pour la France. Si je ne le faisais pas, je me le reprocherais.«
Au sujet de son principal adversaire, il ne peut s’empêcher de lâcher : « Si le président se présente, il est éliminé au premier tour. Si je suis candidat, c’est pour conjurer un scénario du type 21 avril 2002« . Ajoutant, faussement diplomate : « Ce n’est pas une pression, c’est un avis personnel, exprimé respectueusement« . Contrairement à 2014, Arnaud Montebourg est « totalement libre« , comme il aime le rappeler, et il est déterminé à aller « jusqu’au bout », selon l’un de ses fidèles. L’Élysee et Solferino sont prévenus en cette rentrée politique.
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