Cancers, maladies cardio-vasculaires, infections respiratoires… Les causes de mortalité évoluent. Désormais, ce sont les pathologies chroniques, dégénératives, non transmissibles, qui ont pris le pas sur les pathologies infectieuses. Mais, surtout, on finit par succomber à une combinaison d’affections.
Jusque-là, vous avez survécu. A vos collègues toxiques, au printemps pourri, à la pollution, à la grippe. Vous voilà calé sur votre serviette de bain, en plein cagnard, loin de toute menace, à mille lieues de vous interroger sur la mort. Quoique… Et si vous vous faisiez dévorer par un requin tapi dans l’océan ? Et si vous étiez empoisonné par un chichi acheté au vendeur ambulant ? Et si vous vous faisiez assommer par une perche à selfie ? Rassurez-vous : les risques de mourir ainsi sont minimes – on dénombre néanmoins une bonne douzaine de décès provoqués par la prise d’une photo narcissique. Si l’on peut prédire, à coup sûr, que chacun possède 100 % de chances de mourir et que la mort est la première cause de décès chez les Français de tous les âges, comme l’avait révélé notre confrère potache et pastiche le Gorafi, impossible de savoir quand cela finira par arriver.
Sur le comment, il existe en revanche quelques petites indications que nous nous sommes amusés à rassembler. Non, on ne risque pas plus sa vie lorsqu’on est le propriétaire d’une voiture rouge plutôt que d’une bagnole jaune. Non, tous les Michel ne vont pas s’éteindre cette année 2016. Mais, oui, il y a une possibilité, infime certes, que vous passiez l’arme à gauche le jour même de votre anniversaire, que vous vous preniez une météorite sur le bocal ou qu’un hippopotame vous piétine. Il est nettement plus probable que vous succombiez à une maladie cardio-vasculaire ou à une tumeur, principales causes de décès en France. Il y a aussi un paquet de chances pour que vous ne mouriez pas d’une mais de 2,4 causes différentes !
L’évolution des conditions d’hygiène, des conditions sociales, les avancées médicales ont permis d’accroître l’espérance de vie (79,2 ans pour les Français, 85,4 ans pour les Françaises) et de faire pratiquement disparaître des maladies comme la tuberculose ou la rougeole – qui néanmoins réapparaissent ici et là. Les maladies chroniques, dégénératives, non transmissibles, ont pris le pas sur les pathologies infectieuses. « Ce processus, dit de « transition épidémiologique », s’est amorcé au début du XIXe siècle, jusqu’à la moitié du XXe« , constate Aline Desesquelles, démographe et directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). « On constate deux phases importantes, poursuit-elle, cette transition épidémiologique, d’une part, et la baisse de la mortalité par maladies cardio-vasculaires, qui ont longtemps été la principale cause de décès pour les hommes et les femmes en France. »
A quoi pourrait ressembler la prochaine phase ? Peut-être y constatera-t-on plus de décès liés à des pathologies du grand âge. Ou encore « une évolution de l’espérance de vie plus erratique, avec des épisodes caniculaires, épidémiques ? » s’interroge Aline Desesquelles. Ou bien, suggestion toute personnelle, verrons-nous un pic de la mortalité liée aux accidents de chasse aux Pokémon, une hausse des agressions de robots ou encore de plus en plus de courts-circuits provoqués par une mauvaise interaction entre toutes les puces qui seront implantées dans nos futurs corps de cyborg. En attendant de voir à quelle sauce la Faucheuse nous mangera, nous avons voulu décortiquer quelques statistiques plus ou moins étonnantes la concernant. Il ne s’agit pas d’un guide de survie, vous ne vivrez certainement pas cent ans de plus après avoir lu ce dossier et évité soigneusement tout ce qui peut être un facteur de risque. Petit inventaire mortel.
La Faucheuse ne fait pas de différence : riches ou pauvres, tout le monde y passe. Reste que les conditions du passage vers l’au-delà diffèrent grandement en fonction du pays dans lequel on vit (et on meurt) et des conditions de vie. Certes, au cours des deux dernières décennies, l’espérance de vie dans le monde a augmenté de plus de six ans, bondissant de 65,3 ans en 1990 à 71,5 en 2013, comme l’a constaté le rapport sur la charge mondiale des maladies réalisé par la revue médicale The Lancet («Global Burden Of Disease»). La mortalité infantile a reculé, les maladies infectieuses ont diminué.
Malgré ces progrès, les écarts entre régions du monde sont flagrants : dans les contrées les plus aisées, sept décès sur 10 interviennent au-delà de 70 ans. Principales causes : les pathologies cardio-vasculaires, les cancers, la démence, le diabète. Dans les pays à faibles revenus, pas plus de deux morts sur 10 concernent les plus de 70 ans. Quatre sur 10 touchent les moins de 15 ans. Les infections respiratoires, le VIH et le sida, la diarrhée, le paludisme et la tuberculose tuent pratiquement un tiers des habitants des lieux les plus défavorisés de la planète. La grossesse et la naissance entraînent aussi un nombre important de décès. Sur l’ensemble du globe, depuis 1990, les trois principales causes de mortalité n’ont pas changé : l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral (AVC) et les affections pulmonaires continuent à être les plus grands tueurs. Les maladies non transmissibles grignotent chaque année un peu plus de place, remplaçant petit à petit les autres pathologies. En 2012, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les premières étaient responsables de 38 millions de décès mondiaux (68 %), contre 31 millions en 2000 (60 %). Les maladies transmissibles, les affections maternelles et périnatales ainsi que les problèmes nutritionnels emportent 23 % de la population, tandis que les accidents représentent 9 % des causes de mortalité. La France, pays privilégié, suit les mêmes tendances que les autres Etats à hauts revenus : les tumeurs et les maladies cardio-vasculaires y sont les principaux facteurs de décès. Le taux de mortalité liée à une maladie infectieuse a été divisé par 15 entre 1946 et 2011.
Il n’a pas de mâchoires puissantes. Ses attaques ne font jamais la une des journaux. Pourtant, il est le plus grand prédateur pour l’homme. Chaque année, le tout petit moustique tue 725 000 personnes dans le monde, presque 80 000 fois plus que l’imposant requin, responsable de 10 morts annuelles. Les indésirables piqueurs, connus sous les noms d’aèdes, anophèles et culex, sont vecteurs de maladies infectieuses telles que le chikungunya, la dengue, la fièvre jaune, Zika pour les premiers, le paludisme pour les deuxièmes, l’encéphalite japonaise, la fièvre à virus West Nile pour les troisièmes. Selon l’OMS, les pathologies à transmission vectorielle représentent plus de 17 % des maladies infectieuses et provoquent plus de 1 million de décès chaque année (le paludisme, à lui seul, tue 600 000 personnes). La mouche tsé-tsé, qui transmet la maladie du sommeil, le réduve, sorte de punaise vectrice de la maladie de Chagas, l’escargot d’eau douce, responsable de la bilharziose, causent chacun 10 000 morts par an. Le croco (1 000 morts par an), l’hippo (500), le lion (100), l’éléphant (100) ou le loup (10) feraient presque figure d’aimables animaux de compagnie à côté de ces tueurs sans dents ni griffes. La seule bête qui pourrait dépasser le moustique en termes de mortalité n’a ni dard ni crocs : il s’agit de l’homme, responsable de 475 000 décès annuels, selon le classement établi par la Fondation Gates. Et, comme pour la plupart des maladies transmises par les moustiques, il n’y a, hélas, pas de remède.
Tant qu’à tomber malade, autant se débrouiller pour que cela arrive en semaine. Et le matin. Et surtout pas pendant le mois de février : le taux de mortalité dans les hôpitaux serait plus élevé en dehors de ces plages horaires-là. Plusieurs chercheurs, au Japon, en Grande-Bretagne, en Allemagne, ont cherché à quantifier ce qu’ils nomment l' »effet week-end« , avec des résultats différents : + 10 % de chances de mourir dans les trente jours suivants une admission le samedi ; + 15 % le dimanche dans les établissements outre-Manche ; de 15 à 17 % de mortalité selon l’étude nipponne ; 22 % d’après l’enquête menée de l’autre côté du Rhin. Cette dernière avance même que le risque de mortalité augmente de 21 % si l’opération a lieu l’après-midi par rapport à d’autres moments de la journée et de 16 % si elle se déroule en février plutôt qu’au cours des onze autres mois de l’année ! Les explications des uns et des autres quant à ces variations ne sont pas encore vraiment consolidées. Des effectifs réduits les week-ends pourraient être une des raisons. Une contre-étude britannique publiée en mai 2016 démontre au contraire que l’effet week-end ne serait qu’un artifice statistique : les patients admis les samedis et les dimanches sont moins nombreux et plus malades que ceux de la semaine. Bref, difficile de s’y retrouver… Et si, en plus du calendrier, on ajoute le nombre d’infirmières par service, c’est à ne plus savoir quand pouvoir aller à l’hôpital. Dans les établissements où celles-ci ont en charge six patients, le taux de mortalité serait inférieur de 20 % à celui des centres hospitaliers où les soignantes supervisent 10 patients. Le plus simple reste encore de ne pas tomber malade, ne pas avoir besoin d’être admis à l’hosto, ni d’être opéré. Et même comme ça, rien n’est garanti.
Le 16 février 1899, Félix Faure, président de la République française, succombe brutalement au palais de l’Elysée. Les plaisirs charnels prodigués par sa jeune maîtresse, Marguerite Steinheil, lui auront été fatals – « Il voulait être César, il ne fut que pompé », ciselèrent les chansonniers de l’époque. Quelle était la probabilité de trépasser des suites d’une fellation ? L’immense majorité des humains meurt d’une maladie. Mais on peut aussi mourir écrasé par une météorite ou son propre mobilier, ou croqué par un ours. Les chances sont maigres, mais pas complètement nulles. On ne sait pas encore ce que représente le risque de mourir au cours d’une guerre nucléaire, d’une pandémie ou d’une catastrophe liée au changement climatique, menaces jugées importantes par l’ONG britannique Global Challenges Foundation dans son rapport « Global Catastrophic Risks 2016« . En revanche, l’éventualité d’être tué par la foudre est de 1 sur 174 426, une paille comparé à la possibilité d’être emporté par une tempête cataclysmique qui est de 1 sur 63 679, selon les estimations du National Safety Council américain. De même, mieux vaut se tenir plus éloigné des frelons, guêpes et abeilles, dont la piqûre vous sera fatale pour 1 sur 64 706, que des chiens, dont la morsure est moins mortifère (1 sur 114 422). En termes de transports, il semble bien moins risqué de voyager en avion (1 sur 9 737) ou à vélo (1 sur 4 337) qu’à pied (1 sur 672). Etre le passager d’une voiture vous expose moins que d’en être le conducteur (1 sur 606, contre 1 sur 113).
On ne vit que deux fois, ce titre d’un James Bond – avec Sean Connery, bien sûr, le seul, le vrai ! – était poétique mais pas très scientifique. Un autre paradoxe, validé celui-là par l’académie, risque de vous étonner : on peut décéder de 10 ou 15 causes à la fois ! L’Ined a décortiqué les certificats de décès de l’année 2011 et découvert que l’on passait à trépas pour 2,4 raisons en moyenne. « On meurt d’un ensemble de causes, pas d’une seule« , souligne Aline Desesquelles. Les actes de décès précisent l’enchaînement de ce qui a conduit à la mort de la personne, les causes « initiales », et ce qui y a contribué, les causes « associées ». En 2011, près d’un quart des certificats en mentionnaient ainsi au moins quatre – avec un record de 20 causes ! Avec l’âge, le nombre de raisons indiquées augmente : 24 % des certificats établis dans la tranche 65-79 ans listaient au moins quatre causes, contre 14 % pour les moins de 35 ans – les décès qui interviennent à cette période de la vie résultent le plus souvent d’une cause externe et unique, accident, homicide, suicide. Généralement, une seule cause est retenue. « Cela conduit à sous-estimer fortement la contribution de certaines maladies à la mortalité, par exemple les maladies endocriniennes, précise l’Ined. Il est utile de prendre en compte également ces causes dites « associées », sachant qu’avec l’augmentation de l’espérance de vie on meurt de plus en plus souvent d’une combinaison de causes et non d’une seule. » A titre de comparaison, nos voisins italiens meurent d’un peu plus de trois causes en moyenne. Même lors de leur dernier souffle, ils semblent avoir besoin de s’exprimer ! Plus prosaïquement, le formulaire de décès transalpin est plus grand que le français et permet au médecin qui le remplit d’y inscrire plus de détails.
Sale temps pour les Michel. Delpech, Galabru, Tournier… Tous se prénommaient Michel et tous nous ont quittés en ce début d’année. On s’inquiétait pour tous les autres. Jusqu’à ce que David Bowie, René Angélil, Pierre Boulez ou encore André Courrèges passent à leur tour l’arme à gauche à quelques jours d’intervalle, eux aussi en janvier. Plus qu’un prénom, c’est ce mois qui porte malchance. Régulièrement, il se classe en tête des mois les plus meurtriers. En 2015, l’Insee a ainsi recensé 57 400 décès sur les trente et un premiers jours de l’année, contre 43 600 en juin, 49 100 en octobre ou 52 500 en décembre. Une tendance tenace : entre 1975 et 2015, janvier compte 25 fois le plus grand nombre de décès, loin devant décembre (sept fois) et mars (six fois). Février arrive en quatrième position, mais ce ne pourrait être qu’un trompe-l’œil : le mois compte trois jours de moins que les autres et l’on constate un nombre élevé de décès par jour. De manière générale, la période hivernale enregistre un surplus de mortalité de 9 % par rapport aux autres saisons. Seul le caniculaire août 2003 s’est classé dans le hit-parade des mois les plus meurtriers.
Pourquoi meurt-on davantage entre décembre et mars ? La chute des températures, les maladies hivernales, ont une responsabilité. La grippe aurait provoqué à elle seule 18 300 décès fin 2014-début 2015. Noël et le premier de l’an pourraient augmenter eux aussi le taux de mortalité hivernale. Des chercheurs américains ont constaté à plusieurs reprises un pic autour du 25 décembre et du 1er janvier : les décès de cause cardiaque y grimpent de 4,65 % et les décès d’autres causes, de 4,99 % ! Une étude menée en 2010 aux Etats-Unis sur 57 millions de certificats de décès établis entre 1979 et 2004 faisait apparaître un excès de 42 325 morts naturelles sur ces vingt-cinq années dans les deux semaines suivant Noël. Plusieurs hypothèses sont envisagées : la montée du stress psychologique lié aux festivités, des services d’urgence encombrés… Et alors si en plus votre anniversaire tombe en plein hiver, saison déjà périlleuse, il y a des chances pour que vous en ressortiez les pieds devant ! D’après le Pr Pablo Pena, de l’université de Chicago, il existe un surrisque de 6,7 % de mourir le jour de son propre anniversaire, plus encore si cette journée tombe un samedi ou un dimanche. Une étude suisse menée en 2012 avait déjà dressé un constat similaire, recensant une augmentation des crises cardiaques, des attaques cérébrales, des suicides et des chutes mortelles ce jour-là. «Je n’ai pas eu accès aux causes de ces décès, regrette Pablo Pena. Mais il est assez clair qu’il ne s’agit pas de maladies chroniques. C’est lié à un comportement, quelque chose que les gens font ce jour-là. Ils célèbrent leur anniversaire et cette fête peut impliquer des accidents de la route, de la fatigue, de l’ivresse, des bagarres.» Drôle de cadeau.
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