Le burkini est en passe de devenir le feuilleton de l’été. Ce que sentent bien l’immense majorité de nos concitoyens dans cette affaire, en dépit des plaisanteries à deux balles et des hésitations d’une partie de leurs représentants, c’est qu’il s’agit là d’une nouvelle bataille et que reculer ne mènera nulle part sauf à se trouver un jour le dos en mur.
Tout a commencé à Marseille lorsqu’un parc aquatique et la municipalité divers gauche des Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) ont décidé de retoquer la demande de réservation faite par des femmes des quartiers nord de Marseille ayant prévu une sortie piscine en burkini. Dans la foulée, le maire de Cannes, suivi par d’autres édiles Les Républicains, signa un arrêté interdisant le port de ce vêtement ostentatoire sur ses plages en raison des «risques de troubles à l’ordre public». Samedi 13 août, des heurts ont éclaté à Sisco, en Corse, qui n’étaient pas sans rappeler ceux de décembre 2015, opposant des familles musulmanes, dont les femmes se baignaient en burkini (c’est en tout cas ce qui a été rapporté par des témoins dans un premier temps) et des Corses. Au cours de ces affrontements, il y eut plusieurs blessés dont une femme enceinte. Bref, le burkini est en passe de devenir le feuilleton de l’été.
S’agit-il d’un épiphénomène, d’une mode vestimentaire comme une autre, d’une polémique montée de toutes pièces par la droite ultra qui fait ricaner les médias étrangers, et notamment anglo-saxons (vous savez, les mêmes qui prétendaient qu’il existait des armes de destruction massive en Irak) ? Ce qui est sûr, c’est que, voilà, une fois encore, l’artillerie lourde est de sortie pour nous convaincre que notre pays si éprouvé par le terrorisme est une nation hystérique prenant la mouche pour des peccadilles.
Est-il besoin de continuer quand les coups de canif portés au bon sens républicain sont si nombreux ?
Le problème est qu’on connaît la chanson car, à moins d’être aveugle, comment ne pas voir que le surgissement de cette question du burkini vient s’ajouter à la longue liste des attaques répétées contre l’indifférenciation et à l’affirmation d’une visibilité radicalement différente. Impossible en effet, à moins d’avoir une mémoire de poisson rouge, de ne pas inscrire cette question dans le droit fil des débats posés par le foulard à l’école, la prière dans la rue, le repas dans les cantines, les programmes scolaires, l’apartheid sexuel dans les piscines publiques, le refus qu’une femme puisse être examinée par un médecin homme à l’hôpital public… Est-il vraiment besoin de continuer quand les coups de canif portés au bon sens républicain sont si nombreux ?
De même, il est aisé de prévoir ce qu’il adviendrait si la pratique du burkini s’installait le long des plages. Dans la foulée de la nouvelle antienne contemporaine : «C’est ma religion, donc il faut en respecter les recommandations, les commandements, les interdits, etc.», on verrait très vite surgir une nouvelle demande réclamant de prévoir systématiquement des maîtres-nageuses à côté de leurs collègues masculins et si possible vêtues d’un burkini rouge et jaune, comme c’est le cas en Australie. Un autre «beau» débat en perspective assurément quand on connaît le poids et l’embarras de vêtements mouillés en cas de secours rapide. Passons. Mais ce que sentent bien l’immense majorité de nos concitoyens dans cette affaire, en dépit des plaisanteries à deux balles et des hésitations d’une partie de leurs représentants, c’est qu’il s’agit là d’une nouvelle bataille et que reculer ne mènera nulle part sauf à se trouver un jour le dos en mur.
S’agissant des tissus religieux, aucun argument ne tient la route face à cette mise en garde de Mona Eltahawy, aucun : «Les femmes du monde occidental portant un voile contribuent à asservir les femmes ailleurs dans le monde pour lesquelles le port du voile est une contrainte.» Il faut une forte dose de cynisme ou de bêtise, voire des deux, pour revendiquer de se couvrir toujours plus alors qu’au même moment des images nous proviennent des zones libérées de Daech, où l’on voit des femmes brûler leurs geôles de tissu en étreignant des combattantes kurdes et arabes tête nue.
C’est bien de cela qu’il s’agit : une servitude volontaire
Certaines musulmanes clament que c’est leur droit, que c’est leur choix ? Grand bien leur fasse. Nous savons depuis plusieurs années déjà combien les fondamentalistes religieux sont habiles à revisiter les idéaux de 1789 et des Lumières pour les retourner à des fins obscurantistes. Parce que nous vivons encore sur la queue de comète des mouvements de libération du corps des années 60 et leurs illusions, nous avons du mal à appréhender ce qui a été décrit, il y a plus de cinq siècles, par La Boétie dans son essai sur la servitude volontaire. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une servitude volontaire. Et peu nous importe de savoir si ce rapprochement que nous faisons va provoquer les criailleries de tous ceux qui considèrent que le burkini est un «vêtement comme un autre». Si c’était le cas, nous attendons avec un intérêt tout particulier les premiers hommes en burkini sur les plages et, bien sûr, la première «burkini pride» à Sciences-Po.
Le Collectif contre l’islamophobie en France s’indigne et tempête ? La belle affaire ! Le Canard enchaîné vient de souligner, textes à l’appui, combien cet organisme n’est pas autre chose qu’une machine de guerre instruisant en permanence le procès de la laïcité en France. Dans un entretien à la Provence, mercredi 17 août, Manuel Valls a apporté son soutien aux élus à l’origine de ces décisions, «s’ils sont motivés par la volonté d’encourager le vivre-ensemble, sans arrière-pensée politique». On ne peut dire mieux. Et d’expliquer que les plages, comme tout espace public, doivent être préservées des revendications religieuses. Un peu de sable estival pour faire grincer quelques dents à gauche.
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