Le premier réseau social, fréquenté par 1,7 milliard de personnes, est un relais de propagande puissant pour les islamistes et un outil de recrutement des combattants. Complotisme et victimisation s’y affichent sans filtre. Le refus du terrorisme revendiqué par la firme californienne a ses limites. « Business is business ».
Ce n’est pas un beau roman, pas une belle histoire, mais une romance d’aujourd’hui. Il y a deux ans tout juste, six mois avant l’attaque de Charlie Hebdo, deux jeunes filles, 15 et 17 ans, échangent sur Facebook. L’une habite la banlieue lyonnaise, l’autre vit à Tarbes ; elles ne se connaissent pas.
Point commun : empathie avec les enfants syriens dont elles découvrent, sur le Net, les photos ensanglantées assorties de commentaires sur la connivence macabre entre Bachar al-Assad, les Occidentaux et des « juifs » dans les bombardements des villes tenues par l’Etat islamique. Comment venger ces bambins ?
Seules mais ensemble, face à ces écrans qui les enragent, elles rêvent d’offrir leur fraîcheur à un guerrier de l’Etat islamique, un jour, là-bas. Et likent aussi la vengeance, ici et maintenant. A la veille d’un assaut nullement virtuel de la synagogue de Vénissieux, pour laquelle elles ont prévu d’utiliser le fusil paternel, la police les arrête, en vrai.
Ouf ! Ni prince charmant à longue barbe, ni carnage, mais une procédure judiciaire pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Reste une angoisse 2.0 : quand les portes des maisons sont fermées, la télé éteinte, l’« imam Facebook » prêche encore, exploitant les libertés chéries des démocraties pour mieux semer la mort.
Ces derniers mois, la multinationale californienne fait profil bas lorsque, après un bain de sang qui n’a pu être évité, des innocents meurtris l’accusent de complicité passive. Parce que les démocraties sont « en guerre », ils voudraient que soient surveillés en masse non seulement les contenus publics, mais aussi les groupes privés et les messages via Messenger. A la suite des attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis, devant la justice américaine, le père d’une Noémie, 23 ans, a déclenché une procédure visant la firme qui aurait « sciemment permis », tout comme Google et Twitter, l’organisation des actions terroristes qui ont tué sa fille.
Dans la même logique, à la suite d’une série d’attentats perpétrés en Israël par le Hamas, plusieurs plaignants réclament 1 milliard de dollars à Facebook, pour avoir enfreint une loi américaine qui punit toute entreprise fournissant « des services » à un groupe terroriste. Alors, comme un seul homme, les libertaires du haut de leur geekitude expliquent qu’« un réseau social ne peut être que faillible, à l’image des humains qui l’utilisent, imparfaits ». Soit. De fait, pour Mark Zuckerberg, l’esprit du 1er amendement qui garantit la liberté d’expression est une valeur philosophique ; c’est aussi la martingale d’un business qui, douze ans après sa création à Harvard, vaut 300 milliards de dollars. Certes. Pour Facebook « Business is business »
N’empêche : après le double choc des 84 morts de Nice et du prêtre égorgé dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, Facebook ne peut plus se contenter de proclamer son dégoût du terrorisme – « Nous n’autorisons pas la présence sur Facebook d’organisations impliquées dans les activités terroristes et criminelles organisées » -, tout en bichonnant la clientèle des futurs terroristes et les innombrables utilisateurs qui les approuvent ou les likent. Pressé de trouver une réponse rapide qui apaiserait son peuple saisi d’effroi, François Hollande recommande d’éviter un bras de fer perdu d’avance avec le géant.
Après avoir élargi le cadre législatif permettant au juge d’espionner les échanges numériques d’individus suspectés de terrorisme et de leurs proches, car Facebook est aussi une source précieuse de renseignements, il envoie son ministre de l’Intérieur dans la Silicon Valley, en mission contre le « terrorisme en accès libre ». « Les images de l’assassinat du policier Merabet tournaient en boucle et on ne savait pas à qui s’adresser pour les supprimer », explique-t-on Place Beauvau. Dès lors, divers protocoles sont établis pour que les services de police et de renseignements puissent solliciter – et obtenir fissa – la suppression d’un contenu assimilé à une incitation au terrorisme. Dorénavant…
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