Jeux Olympiques de Rio : les jeux de la triche et du mensonge

Il y a belle lurette que la dérive du sport business a pollué l’esprit olympique. Cette année, avec les jeux Olympiques de Rio, l’indécence de ce grand cirque planétaire qui étale ses vices en Mondiovision atteint un niveau inédit. A l’ombre des favelas, il ne reste plus guère que le dopage et la corruption.

Il paraît qu’il y aura même du sport. La rumeur publique prétend qu’au cours des XXXIes jeux Olympiques de l’ère moderne, qui s’ouvrent ce vendredi à Rio de Janeiro, il y aura des épreuves passionnantes, des compétitions pleines de suspense, des athlètes qui s’affronteront, et que tous ne seront pas dopés. On peine à y croire.

La grand-messe brésilienne n’a plus grand-chose à voir avec le rêve originel de ce brave Pierre de Coubertin. A la tête du Comité international olympique (CIO), le scoutisme naïf du baron, disparu il y a bientôt quatre-vingts ans, a cédé la place au sens des affaires de dignes émules de don Corleone. Il y a belle lurette que la dérive du sport business a pollué l’esprit olympique. Cette année, l’indécence de ce grand cirque planétaire qui étale ses vices en Mondiovision atteint un niveau inédit. A l’ombre des favelas, il ne reste plus guère que le dopage et la corruption. Le jeu de l’amour et du hasard du sport a cédé la place aux Jeux de la triche et du mensonge.

Certes, comme le raconte Marianne chaque semaine cet été, les jeux Olympiques ne se sont jamais résumés à une simple succession d’épreuves sportives. Ils ont intégré de longue date un enjeu politique, et même idéologique, sans rapport avec l’innocence des performances athlétiques.

A l’ombre des favelas, il ne reste plus guère que le dopage et la corruption.

 

En 1936, les JO de Berlin devaient illustrer la toute-puissance du IIIe Reich et d’Adolf Hitler, une mise en scène wagnérienne tout juste perturbée par le triomphe inattendu d’un «surhomme» noir en short venu des Etats-Unis, Jesse Owens…

Ceux de Moscou, en 1980, offrirent au patron du CIO, l’ancien ministre de Franco Juan Antonio Samaranch, l’opportunité de s’octroyer un vernis diplomatique en pleine guerre froide Est-Ouest. Et concédèrent à la glaciation brejnévienne de l’URSS un semblant d’éclat… Quatre ans plus tard, l’édition de Los Angeles donna l’occasion aux Etats-Unis du reaganisme triomphant de prendre leur revanche. De même, l’argent généré par le passage au professionnalisme et l’explosion des droits de retransmission télévisée ont depuis longtemps propulsé les JO dans une dimension commerciale toujours plus énorme. Résultat, les Jeux d’été d’Atlanta en 1996 et de Pékin en 2008 ou encore les JO d’hiver de Sotchi en 2014 ont consacré tour à tour la puissance de Coca-Cola, du régime communiste chinois et de Vladimir Poutine.

En confiant l’organisation des Jeux à Rio de Janeiro, le CIO, une instance hybride à mi-chemin du Vatican pour l’opacité et de la Mafia pour l’amour du tiroir-caisse, a parachevé cette œuvre de décomposition entamée il y a plusieurs décennies. Le Brésil est un pays rongé par la corruption – les élites sont emportées par le scandale Petrobras et la présidente est sous le coup d’une procédure de destitution – où la misère galopante sur fond d’inégalités endémiques n’a pu être enrayée par l’héritage des années Lula. Cette édition 2016 cumule à elle seule toutes les tares qui ont perverti le spectacle sportif. Pendant cinq ans, la construction des équipements nécessaires à l’événement a conduit à de gigantesques détournements de fonds publics. Des cartels d’entrepreneurs ont fait main basse sur un magot de 10 milliards d’euros, au détriment de l’Etat et du peuple. Pour que le naufrage éthique soit complet, le CIO a même refusé d’exclure la Russie, pourtant coupable d’avoir mis en place un «dopage d’Etat», selon les travaux de l’Agence mondiale antidopage. Dans un rapport de plusieurs milliers de pages, Richard McLaren a raconté comment «le ministère des Sports russe a contrôlé, dirigé et supervisé les manipulations avec l’aide active des services secrets russes». Il n’a pas été entendu.

Cette édition 2016 cumule à elle seule toutes les tares qui ont perverti le spectacle sportif.

La justice aurait consisté à bannir un pays, la Russie, quitte à repêcher certains athlètes «propres» pour les autoriser à concourir sans les ranger sous une bannière nationale – comme ce fut le cas des sportifs de l’ex-Yougoslavie en 1992 ou, cette année, de ceux venant de Syrie, du Congo ou du Soudan. Le CIO a préféré plier devant les menaces de Moscou et laisser chaque fédération sportive décider. Au sommet, comme souvent, règne Ponce Pilate. Couché devant Poutine, le CIO s’est en revanche montré inflexible avec Yulia Stepanova, l’athlète russe qui révéla le dopage : elle est interdite de participation aux Jeux.

Faible avec les forts et fort avec les faibles, l’adage résume le cynisme d’institutions vermoulues au regard de la bravoure d’individus déterminés qui osent se dresser face à elles. Debout face à la raison d’Etat ou aux intérêts de l’argent, les lanceurs d’alerte l’éprouvent pour le bien commun. D’Edward Snowden à Yulia Stepanova, en passant par Richard McLaren ou Travis Tygaert – l’homme qui fit tomber le cycliste Lance Armstrong -, ils gagnent toujours. Mais, c’est une course de fond, pas un 100 mètres.

 


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