Loi Travail : la fausse victoire de Valls après la décision du Conseil constitutionnel

Sur le papier, les Sages n’ont retoqué que cinq mesures secondaires du texte qui a valu des mois de contestation sociale au gouvernement. Manuel Valls s’est aussitôt félicité de cette décision… en oubliant un peu vite qu’en réalité, le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi sur les points clés du texte, et ne les a donc tout simplement pas étudiés ! Ces derniers pourront être contestés en justice plus tard…

L’information fait les gros titres des médias ce vendredi 5 août : le Conseil constitutionnel aurait « validé » la quasi-totalité de la loi Travail, définitivement adoptée le 21 juillet par le Parlement. Un succès apparent pour le gouvernement, qui a essuyé cinq mois de fièvre sociale autour de ce texte et a dû recourir à trois reprises à l’article 49-3 pour passer en force à l’Assemblée nationale. Sur le papier, le Conseil constitutionnel n’a en effet censuré que deux mesures secondaires sur le fond, et trois autres pour des raisons de forme. Mais qu’a-t-il réellement passé au crible ?

Sans vraiment en tenir compte, Manuel Valls s’est rapidement et bruyamment réjoui de cette décision, en saluant jeudi soir dans un communiqué « une nouvelle étape du dialogue social dans notre pays ». Sans doute emporté par son enthousiasme, le Premier ministre estime que le Conseil constitutionnel « valide ainsi l’article 2 du projet (devenu article 8) confortant la place de la négociation collective d’entreprise sur les questions de temps de travail, l’article 11 (devenu article 22) sur les accords de développement de l’emploi et l’article 30 (devenu article 67) sur le licenciement économique ». Autant de dispositions qui figurent parmi les plus controversées du texte.

Aucune saisine sur les mesures qui fâchent

C’est là qu’est l’intox. En réalité, les Sages n’ont rien validé de tout cela, puisqu’ils n’ont tout simplement pas examiné ces mesures phares ! Et pour cause : ni l’opposition, ni les frondeurs de gauche n’ont saisi le Conseil constitutionnel de ces articles. Les parlementaires Les Républicains et UDI n’avaient attaqué que sur des mesures mineures, dont deux ont d’ailleurs été retoquées par la haute juridiction. Quant aux 61 députés contestataires de gauche, ils ont préféré concentrer leur saisine sur des questions de procédure, à savoir le recours au 49-3 et le temps limité dont disposait l’Assemblée pour amender le texte. Sans succès, puisque les Sages jugent que les règles du 49-3 ont été « respectées » et qu’il n’a « pas été porté atteinte à l’exercice effectif du droit d’amendement ».

Le Conseil constitutionnel prend toutefois bien soin de rappeler dans son communiqué qu’il « ne s’est pas prononcé d’office sur la conformité à la Constitution des autres dispositions de la loi dont il n’était pas saisi » et que celles-ci « pourront, le cas échéant, faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité ». Autrement dit, des justiciables ordinaires pourraient saisir les Sages sur les points clés de la loi, à l’occasion de futurs procès…

Qu’importe pour Manuel Valls, qui ne s’arrête pas à ces considérations juridiques. « La quasi-totalité des mesures d’application seront prises avant la fin de l’année », promet le locataire de Matignon, visiblement pas fâché de tourner la page d’un texte qui aura autant divisé son camp.

 

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