L’ancien chef de l’Etat préconise un nouveau tour de vis sécuritaire après les attentats islamistes qui ont frappé la France en ce mois de juillet. Mais certaines de ses propositions vont à rebours de son bilan en matière d’effectifs policiers, de renseignement ou de politique pénale…
Après le meurtre de 84 personnes le 14 juillet à Nice, puis l’égorgement d’un prêtre dans une église normande mardi, Nicolas Sarkozy n’a pas tardé à lâcher ses coups contre le gouvernement, en réclamant toujours plus de mesures sécuritaires. Mais le patron du parti Les Républicains (LR) ne craint pas de contredire son bilan en la matière. Au point de parfois prôner des dispositifs qu’il a lui-même supprimés lorsqu’il était au pouvoir…
Si Nicolas Sarkozy compte supprimer 300.000 postes de fonctionnaires en cas de retour à l’Elysée, il est convaincu qu’il ne faut pas toucher aux effectifs régaliens. « Il faudra exonérer toutes les forces de sécurité – policière, militaire et judiciaire – de tout effort d’économies, augmenter les moyens de l’armée et embaucher des analystes pour le renseignement », plaide-t-il dans une interview au Monde mercredi 27 juillet. Mais ce que l’ex-chef de l’Etat se garde bien de préciser, c’est qu’il n’en allait pas du tout ainsi pendant son quinquennat. La police et la gendarmerie ont ainsi perdu plus de 9.000 postes entre 2007 et 2011, indiquait un rapport de la Cour des comptes en 2013. Une saignée qui s’explique notamment par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, une mesure-phare du mandat Sarkozy. Côté Défense, la purge a été encore plus rude. La loi de programmation militaire adoptée pour la période 2008-2014 prévoyait la suppression de pas moins de 55.000. Un mouvement poursuivi sous le quinquennat Hollande, avant d’être interrompu sous la pression des attentats de l’an dernier.
Dans une interview au Figaro en juin, Nicolas Sarkozy réclamait « la création en urgence d’un véritable service de renseignement des prisons ». Car pour lui, « il faut du renseignement humain, comme d’ailleurs dans les lieux de culte extrémistes et au sein des groupes radicalisés ». Problème : c’est le président Sarkozy qui a éliminé un maillon essentiel de ce fameux « renseignement humain » en supprimant en 2008 les Renseignements généraux (RG), bien implantés sur l’ensemble du territoire, pour fondre leurs effectifs dans la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). La conséquence : de moins bonnes remontées d’informations, notamment sur les cités sensibles qui allaient nourrir les filières islamistes. Interrogé dans Le Monde mercredi, Nicolas Sarkozy assume pourtant sa décision, en affirmant avoir « bouleversé des habitudes nauséabondes » : « C’était une police de renseignement politique et syndicale à laquelle j’ai mis un terme, et j’en suis fier. »
« Comment des individus fichés, dont l’un est sous contrôle judiciaire pour avoir essayé d’aller faire le djihad en Syrie, ont été laissés libres de commettre un tel attentat ? » s’insurge Nicolas Sarkozy dans Le Monde à propos des deux terroristes de Saint-Etienne-du-Rouvray. Comme l’a révélé Marianne, le premier assaillant identifié, Adel Kermiche, a été mis en examen et incarcéré après avoir tenté deux fois de se rendre en Syrie, mais bénéficiait d’une mesure de liberté conditionnelle – c’est d’ailleurs pendant ses horaires de permission de sortie qu’il a commis l’attentat. Or, c’est la loi Dati de 2009 qui a facilité ce type de mesure. Afin de ne pas aggraver la surpopulation carcérale, ce texte prévoit notamment que les personnes mises en examen peuvent être assignées à résidence sous bracelet électronique au lieu d’être incarcérées – ce qui était précisément le cas d’Adel Kermiche. Nicolas Sarkozy, qui aime à fustiger la « politique de désarmement pénal » qui prévaudrait sous le quinquennat Hollande, n’a donc pas fait montre de la sévérité qu’il prône aujourd’hui à longueur d’interviews.
« Toute personne étrangère ou binationale ayant des liens avec des activités ou des réseaux terroristes doit être expulsée sans délai », martelait Nicolas Sarkozy dans Le Figaro en juin. En réponse, le Front national l’accuse régulièrement d’avoir supprimé la double peine, qui consiste à expulser du territoire un condamné étranger une fois qu’il a purgé sa peine. Une intox : Nicolas Sarkozy n’a pas supprimé la double peine, mais l’a considérablement assouplie en 2003, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Sa réforme a créé des catégories protégées de la double peine. Peuvent ainsi échapper à l’expulsion un étranger arrivé en France avant 13 ans, résidant en France depuis plus de 20 ans ou encore le conjoint d’un Français. Dans Le Monde cette semaine, Sarkozy a donc beau jeu d’affirmer que sa réforme de 2003 « n’a jamais empêché » l’expulsion d’un étranger condamné pour terrorisme.
Mais le patron de LR semble tout de même faire marche arrière, en estimant qu’« il faut aller plus loin » car « la situation sécuritaire n’a plus rien à voir ». « En 2003, les conditions d’application de la double peine avaient été modifiées pour tenir compte des obligations européennes sur la vie familiale, justifie-t-il. Aujourd’hui, ce sont ces dispositions européennes qui doivent être adaptées car il est indispensable que tout étranger condamné pour un crime ou un délit à une peine de plus de cinq ans d’emprisonnement soit expulsé systématiquement. » La faute à l’Europe, donc, pour éviter un mea culpa auprès d’un électorat de droite très sensible aux questions sécuritaires. Il n’empêche : comme le confie à Marianne un député LR bon connaisseur de ce dossier, « Sarkozy est pris à son propre piège ».
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