Pourquoi Marianne continuera de publier l'identité des terroristes

Faut-il publier l’identité et les photos des terroristes ? Le débat a actuellement lieu au sein des rédactions françaises. A « Marianne », nous avons décidé de continuer à diffuser les noms et les images de ces criminels, dès lors que leur divulgation n’entrave pas les progrès des enquêtes et la sécurité des concitoyens. Voici pourquoi.

La barbarie terroriste qui s’abat semaine après semaine sur notre pays incite les médias français à s’interroger sur la bonne attitude à adopter pour en rendre compte. C’est un débat légitime. Nombre de journaux ont trop souvent failli ces dernières années en faisant preuve de légèreté et d’inconséquence pour traiter des sujets lourds qui auraient mérité davantage de rigueur. On ne peut donc que se réjouir de voir la presse faire preuve d’esprit de responsabilité et remettre en cause la pertinence de ses pratiques pour chercher à s’améliorer.

A Marianne aussi, cet impératif nous habite jour après jour.

Redoutant de voir la médiatisation des terroristes et de leurs forfaits faire école, certains de nos confrères ont décidé de les anonymiser en ne révélant que leurs initiales, et de ne pas davantage publier leurs photographies.

Nous ne les suivrons pas dans cette voie.

Marianne continuera donc de publier l’identité complète des auteurs d’actes terroristes et leurs photographies dès lors que ces informations sont avérées, qu’elles concernent des personnes majeures, et que leur divulgation n’entrave pas les progrès des enquêtes en cours et donc la sécurité de nos concitoyens.

Il convient de rappeler les quelques raisons simples, et évidentes, à l’origine de cette décision.

D’abord, l’essence même du métier de journaliste consiste à informer le public et à lui délivrer des informations complètes, bref à raconter la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, même si celle-ci est douloureuse. 

Ensuite, le fait de masquer une partie de cette vérité ne peut avoir qu’un effet contre-productif dévastateur pour la société elle-même. C’est courir le risque d’entretenir le poison du complotisme qui y fait déjà d’ores et déjà des ravages. Paradoxalement, c’est aussi contribuer à pointer du doigt une communauté dont les patronymes devraient être masqués parce que de consonance étrangère. Une telle décision fait d’ores et déjà le bonheur de l’extrême droite et de tous les adversaires de la République selon lesquels on ne pourrait être un « bon Français » que si l’on s’appelle Pierre, Paul ou Jacques. On peut se prénommer Adel et être un excellent citoyen français, et pleinement français. On peut, hélas, porter le même prénom et être un terroriste islamiste.

Contrairement à ce que prétendent certains, « l’innommable » a un nom, et même un visage

Quant à la publication des photographies d’identité des auteurs d’actes terroristes, elle doit répondre, elle aussi, aux mêmes exigences de l’information pure. Pour éviter toute forme d’héroïsation de ces tueurs, il convient évidemment de ne pas publier d’images les montrant sous un jour affable, sympathique et jouisseur, et les quelques dérapages malheureux commis depuis le cas de Mohamed Merah doivent nous alerter sur ce point.

Mais il ne saurait pour autant être question de censurer toute photographie de ces individus.

Contrairement à ce que prétendent certains, « l’innommable » a un nom, et même un visage. C’est même le propre de l’humanité que d’engendrer en son sein des barbares qui ne sont pas des créatures extra-terrestres venues d’autres planètes.

Pour la presse, connaître et dévoiler les informations qui les concernent, c’est une exigence professionnelle mais aussi citoyenne. Elle participe de la lutte contre le fléau du terrorisme, mais aussi de la défense de la cohésion de notre société.

« Mal nommer les choses, disait Albert Camus, c’est ajouter au malheur du monde ». Les taire, c’est prendre le risque d’amplifier ce malheur, et de creuser les fractures qui menacent la société française.

 

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