Face à l’islamisme, la défense sans concession de notre République et de la liberté !

Guylain Chevrier répond à Farhad Khosrokhavar, directeur d’étude à l’EHESS, qui, dans un article publié par le New York Times, et au moment où la France est attaquée par le terrorisme, livre un réquisitoire contre le modèle républicain français, son idéal universaliste et sa laïcité. Au contraire, la France doit plus que jamais défendre sa République laïque et sociale !

Dans une interview qu’il a donnée au New York Times, Farhad Khosrokhavar, directeur d’étude à l’EHESS, spécialiste en radicalisation, sous le titre « Le djhad et l’exception française », s’est livré à un véritable réquisitoire contre le modèle républicain, son idéal universaliste et sa laïcité, responsable selon lui, de la multiplication des attentats en France. Sa solution ? Le remplacement de notre République par le multiculturalisme.

Il voit en France plus d’attentats qu’ailleurs, avec pour causes les prétentions de la République, de son idéal laïque. Il parle d’une « suspicion affichée envers toute religion » du fait qu’elle soit « une affaire strictement privée » et qu’on limite « le port du foulard ou les prières collectives en public » faisant que « beaucoup d’étrangers et leurs descendants, se sentent offensés dans leur identité arabe ou musulmane ». « La laïcité, si inflexible, semble dénier leur dignité », affirme-t-il. Ce qui donnerait l’initiative aux islamistes. L’affirmation qu’il y aurait plus d’attentats en France est pour le moins contestable, au regard de la trainée de poudre que deviennent les attentats dans toute l’Europe, dont quatre en une semaine en Allemagne. Pour autant, si le modèle républicain français avec sa laïcité est plus particulièrement la cible de l’islamisme, par-delà les attentats, c’est bien parce qu’il constitue l’un des obstacles principaux à celui-ci. Ce qui devrait conduire au contraire à encourager la résistance et non à céder aux forces obscures, en abandonnant tout derrière soi.

Tout autoriser pour avoir la paix, ce serait la solution quand il devrait être question de désamorcer ce piège, en montrant que la laïcité protège tous les citoyens, justement, contre les groupes de pression religieux ou culturels. Elle garantit l’autonomie de choix des individus, par le caractère inaliénable de leurs droits et libertés individuels, et procure ainsi à tous, la même liberté. Notre pays ne donne aucune limite aux convictions philosophiques ou religieuses, mais leurs manifestations peuvent en rencontrer, si elles ne respectent pas les libertés des autres. Aussi, laisser s’installer des logiques conduisant au communautarisme, rompant l’égalité entre les citoyens, c’est mettre en cause la démocratie elle-même. La laïcité, c’est-à-dire l’égalité de traitement de tous devant la loi, n’est-ce pas d’abord cette haute considération pour l’individu qui constitue le plus beau fondement de la dignité de l’être humain ? Elle protège aussi l’égalité hommes-femmes qu’aucune religion n’a donnée.

« Le multiculturalisme, c’est aussi diviser pour régner »

C’est « l’identité nationale de la France » qui poserait problème selon lui, cause du « malaise des jeunes provenant  (…) surtout d’Afrique du Nord » évoquant une région « décolonisée dans la douleur et l’humiliation ». Il reprend là un thème cher à ceux qui combattent la République, en rejouant les conflits du passé, pour justifier une victimisation à outrance. Mais surtout, on ne peut pas faire comme si l’histoire n’était pas passée par là, qui a su faire que devant la nation, les anciens colonisés et leurs enfants soient des égaux parmi les égaux. Ce que seule la France a su pleinement faire au regard justement d’une Allemagne ou d’une Angleterre dont le multiculturalisme prédestine les individus, selon leurs particularismes, à être captés par des communautés. Celles-ci les dépossèdent de leur libre détermination, parlent à leur place, en font des citoyens de seconde zone.

Il explique que seule la France connaitrait un « phénomène des banlieues à une telle échelle ». L’Allemagne aurait « opté pour un modèle » dit-il « nettement plus modeste» que le nôtre, absent d’une « volonté de rassembler tous ses citoyens autour de principes universalistes », et l’Angleterre, « pour le multiculturalisme », ne cherchant pas à créer « une société mono-culturelle ». Une affirmation de plus à prouver, cet expert ne s’appuyant sur aucun chiffre pour étayer ce qu’il avance. On sait que la pauvreté est bien plus dissimulable, derrière les murs clos du communautarisme d’une Allemagne ou d’une Angleterre, avec des populations encadrées par les religieux, les clans et les castes, qui les font taire.

En Angleterre, le multiculturalisme censé procurer plus de liberté en étant plus « respectueux » des particularismes culturels, autorise les tribunaux islamiques dans la communauté musulmane, où on applique avec l’accord du juge, ce que l’on appelle « la charia courte ». C’est-à-dire, sans les châtiments corporels.  Mais les principes du patriarcat, assortis de l’infériorité juridique des femmes, peuvent ainsi y dominer, jusqu’aux mariages forcés qui ne sont que des viols légalisés. Des archaïsmes qu’heureusement notre République condamne sans appel ! Dans Wuppertal, ville allemande, des jeunes islamistes, radicaux ont constitué une « police de la charia » qui sillonne la ville afin de repérer ceux et celles qui pourraient boire de l’alcool ou se laisser aller à des jeux d’argent…. Les filles que cette milice rencontre, sont, elles, « invitées » à rester chez elles ! Un quartier de la ville a été ainsi transformé par ces jeunes salafistes en « zone sous contrôle de la charia ». A Bonn, un groupe a essayé d’obliger une jeune femme musulmane à porter le voile…. Un autre groupe a lui, battu un jeune parce qu’il buvait de l’alcool. Est-ce cela que l’on veut voir arriver en France ? Mais au fait, M. Cameron et Mme Merkel ne nous ont-ils pas dit que le multiculturalisme était chez eux un échec, au regard des problèmes d’intégration que ces pays rencontrent, à quoi le Brexit n’est pas étranger ?

Quitte à surprendre certains, obsédés par l’idée d’une France raciste, rappelons que le dernier rapport sur « la Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie » de la Commission consultative des droits de l’homme portant sur l’année 2015, celle des attentats, montre sans ambiguïté que la France n’a jamais été aussi tolérante vis-à-vis des étrangers. Ce sont Omar Sy, Jamel Debbouze et autre Zidane qui font partie des personnalités les plus aimées des Français. Selon une récente étude du Pew Research Center, seulement 29% des Français ont une vision défavorable des musulmans, plus bas taux de l’Union européenne. Il n’y a pas par principe d’opinion défavorable de l’islam, l’inquiétude porte sur les débordements des manifestations identitaires. Ce qui est le reflet d’une population française habituée au mélange, qui a confiance dans son modèle d’intégration, mais rejette le principe des minorités qui mettrait en péril une façon de vivre propre à des mentalités et des mœurs libres

La reconnaissance d’une certaine diversité n’implique pas le multiculturalisme ou le communautarisme. Ce qui fait société peut être plus important que ce qui nous différencie, sans qu’il faille pour cela renoncer à nos identités particulières. La laïcité, à porter au-dessus des différences le bien commun, l’intérêt général, les protège toutes contre le risque que l’une d’entre-elles prennent le pouvoir sur les autres.

Et puis, le multiculturalisme, c’est aussi diviser pour régner. Qu’il y a-t-il de plus sûr pour le marché qu’un peuple divisé en communautés identitaires concurrentes ? N’est-ce pas diviser les forces sociales pour livrer les plus faibles à des inégalités forcenées ? Si la France dispose d’une République laïque et sociale, c’est parce que le peuple a joué dans son histoire le rôle principal, en conquérant par des révolutions et des luttes sociales à buts universels détachés de toute considération religieuse, un modèle social unique, pour tous. 

« Il reprend à son compte une victimisation où se mêlent difficultés sociales et sentiment d’être discriminés avec délinquance »

Il suggère de s’inspirer d’une politique étrangère de l’Allemagne « assez réservée à l’égard du monde musulman », attaquant la politique étrangère de la France comme privilégiant « pour cibles des pays musulmans comme la Libye, la Syrie ou le Mali. » Il feint d’ignorer le pourquoi de l’intervention dans ces pays musulmans, ce qui s’y passe, et non la volonté de s’en prendre à une religion : La défense des populations contre l’islamisme, la barbarie ! Il faudrait pour satisfaire à ces prescriptions, laisser faire les fous de dieu, qui coupent des mains, décapitent pour un manquement aux prescriptions divines selon eux, violent de toutes jeunes filles mariées de force. Quel cynisme ! La République héritière de 1789, a là aussi des choses à faire valoir. 

Il part du constat que « la France n’arrive pas à résoudre le problème de l’exclusion économique et sociale » pour accuser « son modèle, trop protecteur de ceux qui détiennent un emploi et pas assez ouvert à ceux qui n’en ont pas » Quel progressiste !  Il faudrait ainsi en finir avec les protections collectives de notre Code du travail, libéraliser, pour résoudre ce problème. Tout viendrait là de notre modèle social, de son universalisme, de sa fonction publique protectrice de l’emploi. Il surenchérit encore : « Les jeunes des banlieues, exclus et avec peu de perspectives, se sentent victimisés. Ils deviennent vite les cibles privilégiées de la propagande djihadiste, souvent après avoir fait un passage en prison pour divers délits. » Il reprend à son compte une victimisation où se mêlent difficultés sociales et sentiment d’être discriminés avec délinquance, le lien entre « jeunes de banlieue » et « discrimination » étant censé tout expliquer, jusqu’à leur endoctrinement. Le communautarisme dans l’ombre duquel ce dernier est facilité, est absent de ce discours, l’islamisme qui progresse dans nos banlieues, tout autant. On est encore là sur une culture de l’excuse qui dédouane l’islamisme qui se répand, alors que toutes les couches sociales sont concernées, et non simplement ceux des banlieues ou les jeunes délinquants. Le terreau de la radicalisation, qui justifie toutes les violences contre elle, procède de ce procès qui lui est fait. Ne faudrait-il pas plutôt précisément, promouvoir une toute autre image de la République, pour prévenir le risque de délinquance et par la même occasion, la radicalisation ?

« Un discours de renoncement à des idéaux humanistes contenus dans l’idéal républicain »

Selon lui, la France universaliste ne pourrait plus prétendre à pouvoir intégrer tous les Français. « En porte-à-faux avec la réalité», son système d’intégration « trop rigide dans sa pratique », devrait justifier pragmatisme et souplesse, avec moins de « diktats idéologiques et moins d’anxiété face à la pluralité ». Il conclut : « La France n’est plus ce qu’elle était et il est temps qu’elle se fasse à cette idée. » Un discours de renoncement à des idéaux humanistes contenus dans l’idéal républicain, qui représentent justement l’essence de ce qu’il faut défendre : la démocratie, l’Etat de droit, l’autonomie de l’individu, les protections collectives, droit de croire ou de ne pas croire, liberté d’exercer son culte pourvu que l’on respecte la liberté de conscience des autres et donc, le droit commun. Il n’y a aucune « anxiété face à la pluralité », mais une juste inquiétude face à la montée d’affirmations identitaires qui entendent imposer à notre société leur mode de fonctionnent.

Comment oublier qu’il a fallu des siècles pour repousser la domination religieuse, pour faire place aux libertés que l’Eglise étouffait, pour qu’advienne un Etat de droit qui tire sa légitimité du peuple et non d’un dieu, au nom duquel le pouvoir politique puisse faire ce qu’il veut ! Aussi, laisser faire aujourd’hui, c’est laisser la religion reprendre pied dans la société, sur la loi. Mais l’islamisme, n’est-ce pas précisément la volonté d’établir un Etat religieux en lieu et place du politique ? En réalité, derrière ce procès et cette invitation à tous les abandons pour faire place aux particularismes, et en fait à un islamisme galopant que Monsieur Khosrokhavar dédouane totalement, se fait jour un grand combat. C’est celui de notre temps entre un nouveau totalitarisme, qui fait retour par l’exacerbation du religieux, et la liberté, dont le pronostic vital est ici engagé. On peut faire confiance à la France pour défendre, dans la continuité avec son histoire, sa République laïque et sociale, condition de notre liberté ! 

>> Ce texte a également été publié pour le Comité Laïcité République.

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