Alors que le camion du terroriste Mohamed Bouhlel fonçait sur la foule rassemblée sur la promenade des Anglais au soir du 14 juillet à Nice, plusieurs personnes présentes sur place ont tenté d’arrêter le poids lourd de 19 tonnes. Certains ont choisi de témoigner, l’action d’autres est connue grâce à des vidéos. Mais tous ontfait preuve d’un courage extraordinaire qui a sans doute contribué à sauver des vies.
45 secondes. C’est le temps qu’il a fallu au camion conduit par Mohamed Bouhlel pour remonter, ce terrible 14 juillet, deux kilomètres le long de la promenade des Anglais à Nice, avant de se faire finalement stopper par la police. Mais pas uniquement. Durant sa course qui a fait 84 morts et 331 blessés, plusieurs personnes présentes sur place ont tenté d’arrêter le poids lourd de 19 tonnes, au péril de leur vie. Des actions qui ont sans doute permis de distraire le conducteur, et ainsi de sauver des vies.
C’est le cas d’Alexandre Migues. A la fin du feu d’artifice, il prend son vélo pour rentrer chez lui quand il commence « à voir des gens courir dans tous les sens et un camion surgir ». Il aperçoit une dame se faire écraser, alors que le camion passe juste devant lui. Il commence alors à lui courir après. « J’ai vu que je pouvais atteindre la cabine, j’y suis arrivé et j’ai tenté d’ouvrir la portière deux-trois fois », raconte-t-il dans un entretien à Nice Matin. « C’était instinctif, je ne peux même pas expliquer comment j’ai fait pour aller courir derrière un camion ». Mais l’homme au volant est déterminé. Il le regarde et sort une arme. « À ce moment-là, j’ai lâché la portière car il me faisait comprendre avec son regard qu’il allait me tirer dessus. »
Mais à peine a-t-il le temps de lâcher la portière, qu’un homme à scooter intervient à son tour. Une action filmée par Richard Gutjahr, un journaliste allemand, depuis le balcon de son hôtel. « Le camion conduisait très lentement. Il a été suivi par un motard qui roulait derrière lui, le motard a essayé de le dépasser et même d’ouvrir la portière côté conducteur du camion. Mais il a chuté et il est passé sous les roues », a-t-il expliqué à l’AFP. Alexandre dit avoir entendu des bruits de balle après que le scooter a tapé contre le camion. C’est le terroriste, qui s’est mis à tirer sur la foule et accélère désormais le long de la Promenade.
« J’ai tout de suite compris. J’ai alors décidé d’accélérer… » Après une semaine sans nouvelles de cet homme, Nice Matin a publié ce jeudi 21 juillet un entretien exclusif avec le « héros au scooter ». Il s’appelle Franck, est père de famille et travaille à l’aéroport de Nice-Côte d’Azur. Ses blessures – une côté cassée et des hématomes dans le dos – paraissent minimes par rapport aux risques qu’il a pris ce jeudi 14 juillet, en se jettant sur le camion depuis son deux-roues. Arrivé trop tard avec son épouse sur la Promenade pour assister au feu d’artifice, ils croisent la foule des badauds qui commencent à rentrer chez eux quand ils sentent « un mouvement de foule » venir de derrière eux. « Je n’ai même pas eu le temps de regarder dans mon rétroviseur. Et là, il m’a doublé à fond. Il roulait sur le trottoir. J’ai en tête les images des corps qui volaient de partout. J’ai tout de suite compris. J’ai alors décidé d’accélérer. Ma femme, derrière moi, me tirait le bras et me demandait où j’allais. Je me suis arrêté. Je lui ai dit : ‘Dégage !’ Et j’ai accéléré à fond. »
Pour remonter jusqu’au camion, Franck doit « slalomer » entre les corps, vivants ou non. « Je voulais à tout prix l’arrêter. J’étais dans un état second mais à la fois lucide. Je suis donc parvenu à me mettre sur sa gauche, mon objectif était d’atteindre la cabine. » Il jette alors son scooter contre le camion, tombe, repart et arrive enfin à se hisser sur les marches sous la fenêtre côté conducteur. « Je l’ai frappé, frappé, et frappé encore. De toutes mes forces avec ma main gauche, même si je suis droitier. Des coups au visage. Il ne disait rien. Il ne bronchait pas. » Le terroriste lui pointe son arme sur le visage et appuie sur la gachette, mais le coup ne part pas. Il finit par lui donner un coup de crosse sur la tête, ce qui fait glisser Franck du marchepied. « J’étais prêt à mourir en fait », conclut celui-ci.
« J’ai dû enjamber des cadavres pour essayer de m’approcher » Plus loin, un livreur de 26 ans, Gwenaël, aperçoit à son tour, depuis la plage où il se trouve, le camion filer le long de la Promenade. « Il ne s’agissait pas d’un accident. Ce type était en train de faire un massacre. » Abandonnant ses amis, il se lance à la poursuite du camion. « J’ai dû enjamber des cadavres pour continuer à essayer de m’approcher », raconte-t-il à Nice Matin. Ralenti, il parvient presque à atteindre le camion, avant d’être distancé. Le véhicule s’immobilise quelque mètres plus loin – un homme, dont l’identité demeure inconnue, est en train de frapper le terroriste à travers la fenêtre de la portière. Le camion ralentit et Lahouaiej-Bouhlel tente de tirer sur cet homme. Les policiers arrivent alors et ouvrent le feu.
« Une personne dans la foule a sauté sur le camion pour essayer de l’arrêter, c’est à ce moment-là que les policiers ont pu neutraliser le terroriste », relatait ainsi Eric Ciotti le lendemain de l’attaque sur Europe 1. De son côté, Gwenaël plaque au sol une personne pour la protéger de la fusillade en cours entre le terroriste et les policiers. Mais il a sorti un couteau et les policiers, qui craignent qu’il ne soit impliqué dans l’attaque en cours, l’interpellent, tout comme l’homme qui a contribué à faire arrêter le camion. Après avoir été interrogés à plusieurs reprises, les deux héros seront libérés.
Alexandre le sait, leurs actions n’ont pas été vaines. « On voit très bien sur les vidéos qui tournent sur Internet que ça a pu aider à ralentir le camion. » Ce qui ne l’empêche pas de regretter de ne pas avoir pu faire plus : « J’aurais bien aimé rester plus longtemps accroché pour qu’il puisse rentrer dans le terre-plein central ou au moins, le freiner suffisamment pour que les gens aient le temps de fuir ». Reste que des vies ont été sauvées grâce aux sang-froid de ces hommes.
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