Après l'attentat de Nice, Bernard Cazeneuve dans la tempête

Mis en cause par l’opposition, accusé de mensonge par « Libération », le ministre de l’Intérieur ne s’était jamais retrouvé sous le feu d’autant de critiques après un attentat terroriste. Un nouveau front s’ouvre pour celui qui passe pourtant pour l’une des pièces les plus solides du dispositif Hollande.

Bernard Cazeneuve ? « Heureusement qu’on l’a, lui. A l’Intérieur, il est parfait », nous confiait un conseiller de François Hollande quelques semaines après les attentats du 13 novembre 2015. Depuis son arrivée place Beauvau en avril 2014, l’ancien député-maire socialiste de Cherbourg incarnait une force tranquille au milieu de l’horreur terroriste. Après chaque drame, les Français assistaient sur les chaînes d’information à la déclaration du ministre toujours tiré à quatre épingles, quelle que soit l’heure. Ton imperturbable, langage soutenu et assauts de pédagogie pour communiquer les « éléments dont [il] dispose », selon l’une de ses formules favorites. Mais aujourd’hui, l’accumulation des attentats et des victimes fragilise la position du ministre de l’Intérieur. D’autant que la polémique sur la sécurisation de la promenade des Anglais à Nice s’amplifie. Ce jeudi 21 juillet, Libération affirme que seule une voiture de police municipale barrait l’entrée de la zone piétonne, contredisant ce que répétaient Bernard Cazeneuve et Manuel Valls ces derniers jours.

Selon la version du gouvernement, des véhicules de la police nationale étaient en place au « point d’entrée du camion », qui les aurait contournés par le trottoir. « Bernard Cazeneuve devra s’expliquer », intime Libération dans un éditorial accompagnant ses révélations. Panique au ministère, qui a publié dans la nuit un communiqué pour s’indigner de « contre-vérités » et mettre en cause « la déontologie des journalistes qui ont signé ces articles », accusés d’emprunter « aux ressorts du complotisme ». Quelques heures plus tard, nouveau communiqué, mais cette fois pour annoncer une enquête de la police des polices… François Hollande lui-même a dû intervenir jeudi pour défendre son ministre et louer son « sang-froid », sa « rigueur » et sa « compétence » qui « ne devraient pas laisser place à la polémique ».

Le Pen réclame sa démission, Sarkozy l’attend au tournant

Bernard Cazeneuve n’avait pas besoin de ce nouvel épisode, lui qui était déjà guetté par une tempête politique dès le lendemain de l’attentat du 14-Juillet. Un collaborateur du ministre soupire : « Dès qu’il a mis un orteil sur le tarmac de Nice, c’est parti en sucette. » De fait, la droite et l’extrême droite n’ont laissé passer aucun délai de décence avant de fustiger la gestion du dossier terroriste par le gouvernement. De Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen, toute l’opposition s’y est mise, Alain Juppé allant jusqu’à affirmer que « si tous les moyens avaient été pris, le drame n’aurait pas eu lieu ». Le Front national avait déjà fait de Bernard Cazeneuve l’une de ses cibles favorites. Après l’incendie d’une voiture de police par des casseurs à Paris, en mai, Marine Le Pen avait réclamé sa démission. Une demande réitérée par la patronne du FN samedi : « Dans n’importe quel pays du monde, un ministre au bilan aussi épouvantable que Bernard Cazeneuve, 250 morts en 18 mois, aurait démissionné depuis longtemps. »

« Des proches le mettaient en garde : au prochain attentat, il en prendrait plein la gueule »

Chez Les Républicains, on ne va pas aussi loin mais Nicolas Sarkozy est bien décidé à marquer de près son lointain successeur place Beauvau. « Cazeneuve, qui était l’un des seuls ministres à tenir la route, est devenu un poids encombrant. Nous allons d’ailleurs demander sa démission », a tonné en privé l’ex-chef de l’Etat dimanche dernier, selon des propos rapportés par le Canard enchaîné. « On n’en est pas là, temporise-t-on ce jeudi dans son entourage, mais Nicolas Sarkozy est particulièrement attentif à l’enquête. On lit ce qu’on lit, on en tirera les conclusions quand on aura tous les éléments.«  Autrement dit, Cazeneuve est attendu au tournant par une droite qui, jusqu’ici, avait bien du mal à lui trouver des défauts. « Il sait travailler, ce qui est de plus en plus rare dans la vie politique, et il aime sincèrement l’Etat », glisse ainsi le député LR Guillaume Larrivé, qui critique tout de même son « hollandisme » : « Il est soumis à une ligne politique qui consiste trop souvent à faire semblant. » Son collègue Georges Fenech, lui, garde une dent contre le ministre, qui n’aurait « pas pris au sérieux » le rapport de sa commission d’enquête sur les attentats de 2015. « Nous avons très mal pris son mot très maladroit », rappelle-t-il. Début juillet, le ministre avait assez peu diplomatiquement qualifié de « plum pudding » l’idée de créer une agence de renseignement qui centraliserait la lutte antiterroriste…

Sa longue interview au Monde, ce mercredi, dans laquelle il répond point par point à ses détracteurs, n’aura pas suffi à dégonfler le soufflé. « Des proches le mettaient en garde : au prochain attentat, il en prendrait plein la gueule. C’est ce qu’il se passe », confie un bon connaisseur de la place Beauvau. Dans l’entourage de Cazeneuve, on dédramatise en réfutant toute « angoisse ». « Il a la sérénité du mec qui n’est candidat à rien et qui essaie juste de faire son maximum », assure un proche, qui concède que « la fatigue et la tension sont réelles, mais on le serait à moins ». Surtout lorsqu’à la menace terroriste s’ajoute la pression politique.

 


 

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