A l’âge des bilans, qui n’est pas forcément celui des abdications, Roland Castro réplique dans son nouveau livre « Il faut tout reconstruire », à ceux qui voient notre démocratie condamnée, à subir l’abstention et le retrait civique, d’un côté, et la flambée populiste, de l’autre.
Roland Castro n’est pas le genre d’homme à baisser les bras. Alors que la dépression civique s’approfondit, il riposte aux professionnels du lamento sur l’absence d’alternative démocratique, et notamment sur l’inexistence d’un Podemos à la française. Avec son nouveau livre, Il faut tout reconstruire, l’urbaniste vise haut et prend date ; surtout, il rappelle que toutes les énergies transformatrices ne sont pas éteintes, n’en déplaise aux concerts de Klaxon déclinistes. Il nous permet aussi de comprendre que, si les « grands récits » chers au philosophe Jean-François Lyotard ont déserté notre actualité, nous n’en avons pas fini avec l’utopie.
Certitude contre-intuitive, mais faut-il se laisser dicter son agenda par les nuages qui s’amassent ? A l’âge des bilans, qui n’est pas forcément celui des abdications, Castro réplique à ceux qui voient notre démocratie condamnée à subir ad vitam deux maux disséqués par le politologue Albert O. Hirschman, l’abstention et le retrait civique (le fameux « exit »), d’un côté, et la flambée populiste (qu’il nomme « voice »), de l’autre.
Roland Castro signe un chant d’amour pour une France lumière.Nourri de flash-backs autobiographiques (ainsi ce retour sur ses années de petit garçon juif, originaire de Turquie, protégé par des maquisards communistes des exactions de la division SS Das Reich), ce beau livre, original et insuffisamment discuté, se déploie au fil des chapitres en un chant d’amour pour la France, pour cette France de lumière qui lui a tendu la main, comme à tant d’autres enfants de l’immigration, cette France de la laïque et du Chant des partisans, dont, envers et contre tout, il se refuse à désespérer. Castro, cela dit, n’est jamais mièvre – ni candide. Il rêve, certes, au sens où Ernst Bloch disait de l’utopiste qu’il a des « rêves éveillés » ; il fait, bien sûr, des plans sur la comète, comme lorsqu’il plaide pour une vaste conurbation Paris-Le Havre ; mais jamais il ne « plane ».
L’ancien leader festivo-mao, s’il voit loin, reste enraciné dans les misères du présent. Il sait, mieux que tout autre, l’extension de la pandémie islamiste, il connaît les tours et détours du néoantisémitisme, il n’ignore rien de ce que les géographes appellent les « fractures territoriales ». Bref, il a conscience que la France se fissure et que Manuel Valls a eu raison de braver les tartufes politiquement corrects en parlant d’« apartheid social ». C’est la lucidité de l’auteur qui donne sa charge de vérité à son républicanisme de salut public. Quand il rêve d’un nouveau pacte d’intégration, quand il en appelle à « un nouveau 18 Juin », quand il donne un coup de jeune à l’idée de l’utopie concrète, on reprend espoir. Et si c’était cela, le changement ?
Il faut tout reconstruire. Propositions pour une nouvelle société, de Roland Castro, L’Archipel, 180 p., 15 €.
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