Pour sa soixante-dixième édition, le célèbre festival de théâtre voudrait parler de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, et plus particulièrement en Europe, par la parole comme par le corps. En tissant des passerelles entre le « in » et le « off ».
Nul ne peut soupçonner Olivier Py de mésestimer le théâtre public. Toute sa carrière en témoigne. L’actuel directeur du Festival d’Avignon n’a de cesse de rappeler qu’il considère la culture en général, et le théâtre en particulier, comme un acte éminemment politique nécessitant à ce titre un investissement public à la hauteur des événements. Seulement voilà : en ces temps de règne du marché et de disette budgétaire, il faut faire avec la réalité telle qu’elle est, aussi désagréable soit-elle. Résultat : la présentation de la 70e édition de ce festival a commencé par un salut amical mais obligé aux mécènes, à croire que l’on en est revenu aux temps ancestraux où la culture dépendait du bon vouloir financier de quelque seigneur de la fortune et de l’esprit (les deux ne sont pas contradictoires).
On n’en est pas là. Ne tombons pas dans la caricature. Reste qu’entendre le directeur d’un rendez-vous aussi prestigieux citer le nom de telle marque de champagne, celui de telle banque par ailleurs mouillée dans des frasques spéculatives peu artistiques, cela fait drôle. Jean Vilar, père fondateur du festival, saluait des artistes, des créateurs, parfois même des personnages publics, mais des représentants de commerce, jamais. Olivier Py mérite assurément mieux que d’être transformé en homme-sandwich le temps d’une présentation médiatique qui sert aussi de promotion publicitaire.
Même la Comédie-Française a dû se prêter à l’exercice obligé, c’est dire. Pour annoncer son grand retour à Avignon après plus de vingt ans d’absence, la vénérable institution a publié un communiqué officiel à la gloire d’un professionnel de l’audit et du conseil. Son administrateur général, Eric Ruf, y est allé de son sincère remerciement. En son temps, Molière dépendait du bon vouloir royal. Aujourd’hui, il faut en passer par les desiderata des rois de la finance. Jean Vilar disait : « Faites-nous une bonne société et nous ferons du bon théâtre. » En attendant d’atteindre le premier objectif, digne du défi de Sisyphe face à son rocher, les animateurs du Festival d’Avignon – tant ceux du « in » que du « off » – se démènent comme de beaux diables pour atteindre le second dans des conditions dignes de l’escalade de la face nord de l’Everest en sandalettes.
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