Avant un nouvel album à paraître en septembre, Moby sort « Porcelain », son premier livre. Drôle, documenté, et redessinant le New York underground des années 90.
C’est elle qu’il a vue en premier : la guitare. Ce jour-là, dans la pièce où a lieu le rendez-vous, une artiste avait laissé son instrument, et Moby l’a empoignée juste après nous avoir serré la main. Trente minutes plus tard, après un entretien hyperpro, ses derniers mots seront : « J’ai 50 ans, j’écris et compose de la musique tout le temps », et « I am an old punk-rocker ».
Porcelain est donc le livre des 50 ans. Il porte surtout sur la période 1989-1999 du compositeur, celle juste avant le succès planétaire de l’album Play (2000). Jusqu’à ces années-là, il vivait dans une usine désaffectée de Stamford (Connecticut). Dix ans après avoir monté un groupe de punk baptisé les Vatican Commandos, il vivait ainsi : « En général, je me réveillais vers midi, je me faisais cuire des flocons d’avoine sur ma plaque, je lisais la Bible et je bossais ma musique » (rapporté dans le livre). On vérifiera en effet, dans Porcelain, que viennent de loin les deux engagements de Moby. La croyance d’une part, même s’il tient à nous dire : « Je ne suis pas du tout pratiquant : la religion, ça me fait penser à du sport. Je suis soufi, dalaïste, agnostique, tout ça, mais je ne suis pas chrétien ou autre. Telle a toujours été ma relation à la Bible. » Et un mode de vie vegan, comme on le voit dans chacune de ses interviews, déclarations, positions, où revient moult fois la lutte pour les droits des animaux.
Les connaisseurs savent que Porcelain est un des titres les plus connus de Moby, c’était un des morceaux de l’album Play. Il a donné son titre à ce premier long témoignage autobiographique. Sa sortie en France s’accompagne d’ailleurs de celle de la compilation Music From Porcelain, 16 titres composés entre 1989 et 1999, remastérisés pour l’occasion. L’ouvrage, lui, retrace le retour du jeune homme dans sa ville de naissance (il est né à Harlem en 1965) encore aux prises avec la zone, le crime, la drogue. Pour Moby, devenu DJ résident au célèbre club Mars, ce furent les fêtes, la drogue (le crack surtout), énormément d’alcool, les enchaînements de sets, de parties, de concerts, de scènes. Et aussi, cette foi, solide : il enseignait la Bible, et priait même après avoir joué… dans des clubs SM. Moby est alors devenu un fils de la pop culture.
Car juste avant, entre 1973 et 1980, New York fut le nouveau centre du rock’n’roll sauvage (les New York Dolls, Blondie, The Ramones et Talking Heads). La ville où David Mancuso et Nicky Siano inventaient le disco moderne, celle où Willie Colon et les Fania All Stars importaient la salsa cubaine à Harlem et réalisaient la fusion du son raffiné de La Havane vers le funk et la soul, celle enfin où les B-boys, Grandmaster Flash et Sugarhill Gang, inventaient le hip-hop.
La génération de Moby a grandi dans cette régénération-là, ce que l’artiste revendique aujourd’hui, puisque là se niche aussi son identité artistique, lui qui n’a cessé de changer d’horizons musicaux tout en pivotant autour de l’électro : « J’aime la musique lente et calme, j’aime aussi la musique agressive. J’aime Debussy, j’aime Pantera. » En février, il dévoilait des titres planants (Long Ambients 1, en téléchargement libre). Il annonce pour septembre un nouvel album « très agressif, rythmé, rapide, de la new wave postpunk ». Le grand intérêt de Porcelain est d’illustrer, de cartographier, comment un homme né dans ce New York-là est devenu un artiste aussi pluriel, engagé, mais aussi reclus, effacé. Le livre demeure universel, s’adressant au connaisseur comme au profane. Il y est question toujours d’un genre bien particulier de « postrockeur », chez qui platine et guitare demeurent la voie.
*Porcelain, de Moby, traduit par Cécile Dutheil de la Rochère, Seuil, 431 p., 22 €.
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