La victoire du Brexit résonne d’abord comme celle de la démocratie.
Je fais partie de cette génération qui a voté pour la première fois le 29 mai 2005. J’avais à peine dix-huit ans et nous fûmes nombreux, à gauche, à avoir dit non à la Constitution européenne. Quand on assiste aussi jeune à un tel viol de la démocratie au nom de l’Europe, dans un pays qui n’a que les droits de l’homme à la bouche, il est sain et légitime d’être en colère. On ne peut pas allègrement souiller la souveraineté nationale et s’étonner que, dix ans après, les nationalistes pèsent 30 % dans notre pays. C’est pourquoi la victoire du Brexit résonne d’abord comme celle de la démocratie.
On ne peut pas se contenter, comme l’a fait Bernard-Henri Lévy dans Le Monde, d’insulter les partisans du Brexit, lesquels représentent à ses yeux « l’Angleterre moisie ». Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne constitue-t- il plus l’essence même de la démocratie ? Et le philosophe de mettre en cause « le souverainisme », récemment comparé par Alain Touraine à un « suicide » sur France Culture. Mais la souveraineté n’est-elle pas l’autre nom de la démocratie ? Et le succès des thèses nationalistes ne procède-t- il pas, paradoxalement, de la nature profondément antidémocratique de l’Union européenne ?
Le choix radical exprimé par le peuple britannique doit être étudié à la lumière de la difformité européenne. Au nom de quels arguments rationnels pourrait-on défendre une Europe incapable de se penser comme une civilisation, gangrénée par un chômage de masse et une insécurité croissante, prônant en tous domaines fluidité, flexibilité, adaptabilité et interchangeabilité, soutenant un modèle économique profondément inégalitaire, méprisant les choix démocratiques nationaux allant à contre-courant, faisant de l’immigration de masse une religion et ne manifestant aucune considération pour la question sociale ?
Certains rêvent encore d’une Europe fédérale, présentée comme la seule possible, rabâchant que les peuples n’ont pas toujours raison et qu’il faut savoir aller contre leur volonté, à l’instar d’un Daniel Cohn-Bendit invoquant peine de mort et nazisme. Or établir une corrélation entre la guillotine, la Shoah et l’euroscepticisme relève de la pire démagogie de la part de ceux qui n’ont de cesse de dénoncer le « populisme ». Ceux-là mêmes expliquent que ce sont les « vieux » qui ont voté en faveur du Brexit, contrairement à une jeunesse britannique favorable à l’Union européenne. Mais que font-ils une fois encore de la réalité sociale, celle qui nous indique que la City souhaite rester, mais que les régions pauvres et les anglais plus modestes souhaitent partir ?
La violence et le mépris avec lesquels « l’Union » a traité la Grèce, berceau de la démocratie, symbolisent à la perfection la dérive affolante dans laquelle aucun peuple d’Europe ne souhaite se laisser emporter.
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