La contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a voulu passé au crible les premiers mois de l’expérimentation initiée dans la foulée des attentats de janvier 2015 à Paris. D’où il ressort surtout que regrouper les détenus islamistes peut s’avérer contre-productif si les programmes de déradicalisation mis en place dans ces quartiers ne suivent pas.
Après un premier rapport, il y a un an, qui jugeait défavorablement le projet gouvernemental de regrouper les détenus islamistes dans cinq quartiers dédiés, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan a voulu passer au crible les premiers mois de cette expérimentation initiée dans la foulée des attentats de janvier 2015 à Paris. Et son bilan reste très critique : organisation et prise en charge « disparates » et balbutiantes, la contrôleure juge « insatisfaisantes » les réponses apportées à « un phénomène sans précédent ».
Pour établir ce rapport, trois contrôleurs se sont rendus ces derniers mois, entre février et mai, dans les quatre établissements concernés – Fresnes (Val-de-Marne), Lille-Annoeullin (Nord), Osny (Val-d’Oise) et Fleury-Mérogis (Essonne) – où ils ont rencontré la quasi-totalité des 64 détenus présents (117 places disponibles) et des personnes chargées de leur prise en charge et surveillance. Profil des détenus, organisation des unités, sécurité, exercice du culte mais aussi mise en oeuvre des programmes de déradicalisation, tout est détaillé dans le document de 57 pages transmis à la Chancellerie.
« Le ministère de la Justice se trouve aujourd’hui confronté à un phénomène dont il n’avait mesuré ni la nature ni l’ampleur », relève la CGLPL en évoquant des mesures mises en place « dans l’urgence ». Or, constatent les auteurs du rapport, « la modicité des structures (…) ne paraît pas correspondre (…) au changement d’échelle » du phénomène au regard de la « hausse spectaculaire » du nombre des personnes impliqués dans des filières djihadistes syro-irakiennnes et des informations judiciaires ouvertes pour des faits de terrorisme. Fin avril 2016, on estimait ainsi qu‘ »un millier de personnes venues de France ont été enrôlées » dans ces filières et que « 244 sont revenues sur le territoire national ».
Concrètement, les détenus bénéficient tous dans ces unités d’un encellulement individuel. Mais tous les détenus pour faits de terrorisme islamiste n’y sont pas placés et la contrôleure s’interroge sur les critères « pas clairement explicités » de l’administration pénitentiaire. Par ailleurs, les conditions de détention s’avèrent « disparates », soulignent les auteurs du rapport, et « l’étanchéité entre les quartiers d’un même établissement apparaît comme un voeu pieux ». Par conséquent, relève le rapport, « certains magistrats continuent à s’inquiéter des effets pervers du regroupement qui permettrait de nouer des solidarités, de reconstituer des réseaux et laisserait toute latitude aux plus forts pour faire pression sur les plus vulnérables ».
Des errements dans les programmes de déradicalisation
Quant aux programmes de lutte contre la radicalisation, leur mise en place s’avère difficile et pose des questions déontologiques, estiment le rapporteurs. Ainsi, si à Osny les binômes (éducateur et psychologue) jugent leurs entretiens avec les détenus strictement confidentiels, ceux de Lille sont directement rattachés à la cellule du renseignement pénitentiaire. Adeline Hazan constate d’ailleurs que l’argument initial de la lutte contre le prosélytisme en prison n’est plus mis en avant, au profit de la simple volonté d’organiser « une prise en charge adaptée des détenus radicalisés ». « On a défini un contenant mais pour quel contenu ? », s’interroge un directeur d’établissement, rappelant que le regroupement n’est pas « une fin en soi ».
Dans ses conclusions, la contrôleure ne juge « pas réaliste (…) l’extension de ce modèle expérimental » dans le contexte « d’une surpopulation carcérale structurelle ». Et si certains ont jugé la démarche prématurée, Adeline Hazan estime au contraire nécessaire d’établir au plus tôt cette analyse, le nombre de détenus concernés ne cessant de croitre et l’administration pénitentiaire envisageant de « dupliquer le système dans l’ensemble du pays ».
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