Une motion de censure contre Valls ? Les frondeurs flottent encore

Alors que Manuel Valls vient une nouvelle fois de recourir ce mardi 5 juillet à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer la loi Travail à l’Assemblée, les frondeurs du PS laissent planer le doute sur leur participation à une motion de censure. Récit d’une journée sous le signe du flottement.

Ils sont attendus au tournant. Alors que ce mardi 5 juillet, Manuel Valls a une nouvelle fois activé l’arme du 49-3 pour faire passer la loi Travail à l’Assemblée, les frondeurs oseront-ils participer de nouveau à une motion de censure de gauche ? Dans cette dernière ligne droite, l’horizon est pratiquement dégagé pour le gouvernement. La droite a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne déposerait pas cette fois de motion de censure. Et si des députés de l’aile gauche du PS refusent l’obstacle, une motion de censure des gauches n’a aucune chance de se concrétiser. Après des mois d’un conflit social particulièrement dur et une opposition ferme à gauche comme dans l’opinion public, le projet de loi porté par Myriam El Khomri passera alors comme une lettre à la poste. Sans vote ni débat. Mais pour le moment, les frondeurs restent indécis…

Dès lundi soir, ils apprennent pourtant que le Premier ministre va recourir au 49-3. « On a compris que les carottes étaient cuites », confie un membre du bureau national du Parti socialiste. Durant le week-end, 33 de ses membres, frondeurs et proches de Martine Aubry, avaient adressé une lettre à Valls pour lui réclamer des « inflexions » sur la loi El Khomri. Ce lundi 4 juillet, le Premier ministre leur répond, lui aussi dans une lettre écrite : « Le compromis ne peut pas avoir pour logique le renoncement à une conviction de fond ». Le message est limpide : pas d’inflexions possibles. Une position réaffirmée à la réunion du groupe PS ce mardi matin. « Il ne l’a pas dit directement mais le message était clair. Il a adressé une fin de non-recevoir à toute idée de compromis », s’exaspère un député présent. Jean Glavany, député loyaliste,  invoquera même la figure tutélaire de Michel Rocard, tout juste disparu, pour légitimer la fermeté de Manuel Valls : « Rocard était le champion du 49-3, il l’avait utilisé 28 fois. Les gens n’ont retenu que ses réformes ». 

Une porte de sortie rejetée par Valls

En première lecture, en mai dernier, lorsque l’utilisation du 49-3 s’était une première fois confirmée pour la loi Travail, la réaction ne s’était pas fait attendre à gauche. Répondant à l’appel d’André Chassaigne, patron des députés Front de gauche, parlementaires frondeurs et écolos s’étaient lancés à la chasse aux signatures pour déposer une motion de censure de gauche. Les téléphones chauffaient et les tractations dans les couloirs du Palais Bourbon allaient bon train. Finalement, l’initiative, échouera à deux signatures près.

Mais ce mardi, après la réunion du groupe PS, un certain flottement règne étrangement dans les rangs frondeurs. Contacté par Marianne, Mathieu Hanotin, député socialiste de Seine-Saint-Denis et signataire de la motion de censure de gauche au printemps, préfère ainsi insister sur le 49-3 plutôt que sur une possible nouvelle motion : « La vraie question, c’est que le gouvernement utilise une nouvelle fois le 49-3 contre sa propre majorité. C’est une première, vu qu’il y avait un compromis sur la table qui permettait d’éviter le 49-3. Une proposition pas franchement révolutionnaire toute de même, qui ne remettait pas en cause la philosophie de ce projet de loi », explique-t-il.

En effet, un amendement déposé par Olivier Faure, un proche de François Hollande, aurait pu offrir une belle porte de sortie. Signé par 121 députés socialistes sur 291, dont les deux anciens ministres Kader Arif et Marie-Arlette Carlotti, celui-ci entendait modifier l’article 2 tant décrié du projet de loi. Une évolution qui ne se limitait qu’à la majoration des heures supplémentaires et visait « à assurer qu’un accord d’entreprise ne puisse pas fixer une rémunération des heures supplémentaires inférieure à 25% de majoration pour les huit premières heures supplémentaires et à 50% pour les suivantes ». Les frondeurs sautent sur l’occasion. « Cet amendement permettrait d’éviter qu’il y ait une baisse de la majoration des heures supplémentaires », explique ainsi au Monde Christian Paul, porte-parole de la fronde au PS tandis que Jean-Marc Germain, l’un des hommes de confiance de Martine Aubry, déclare sur LCP que « si le gouvernement accepte cet amendement, le texte peut être voté à l’Assemblée nationale. Pour la première fois depuis le début, il y a un compromis majoritaire qui est sur la table ». La bataille de la communication est lancée. Le message de chaque côté est clair : « L’intransigeance, c’est en face ! »

Manuel Valls leur répond en début d’après-midi dans l’hémicycle en engageant la responsabilité du gouvernement et en fustigeant « une alliance des contraires, une alliance des conservatismes et des immobilismes », visant la droite et les opposants de gauche au projet de loi. « Cette alliance, c’est celle de ceux qui ne veulent rien changer », charge-t-il.

« Quand on menace avec un fusil, il vaut mieux qu’il soit chargé »

André Chassaigne, comme en mai dernier, organise alors une réunion avec les différentes sensibilités de gauche de l’Assemblée. « Il y avait des écologistes comme Noël Mamère ou Cécile Duflot, des socialistes comme Christian Paul ou Pascal Cherki et des anciens du PS à l’image de Pouria Amirshahi, explique-t-il à Marianne. » On s’est accordé sur la nécessité de refaire une motion de censure et de nous engager à recueillir les signatures. Nous travaillons déjà sur le texte de la censure », assure-t-il.

Les frondeurs du PS iront-ils jusqu’au bout ? Envisageant cette hypothèse, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, avertissait dimanche sur le plateau de France 3 que la participation à une motion de gauche « conduirait à des sanctions, qui seraient celles de l’exclusion » du parti. « Je vois mal comment Cambadélis pourrait se permettre une purge », se demande perplexe, un solférinien. « La menace et le chantage aux sanctions ne marchent pas, renchérit un parlementaire. J’ai du mal à croire que Cambadélis s’amuserait à exclure une trentaine de parlementaires dont des anciens ministres. Quand on menace avec un fusil, il vaut mieux qu’il soit chargé ». Sans pour autant assurer qu’il ira bien vérifier si l’arme est effectivement vide…

D’ores et déjà, des socialistes qui avaient pourtant signé la motion de censure au printemps ont annoncé leur intention de porter le fer non plus dans l’arène de l’Assemblée mais dans celle de la primaire à venir. Une option qui pourrait en tenter plus d’un. S’abstenir sur une motion de censure, éviter une exclusion et régler à ce moment-là les contentieux qui traînent depuis 2012.

Le nouveau recours au #49al3 est inacceptable. Avec ce passage en force, la #confiance est rompue. Le débat refusé se fera aux #Primaires.

— Yann Galut ن (@yanngalut) 5 juillet 2016

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