Bruno Bézard, le directeur général du Trésor – l’un des postes les plus stratégiques de la République – a quitté Bercy fin mai pour atterrir dans un fonds d’investissement franco-chinois, Cathay Capital. Un transfert qui n’est pas sans soulever des questions éthiques. Extrait de notre enquête sur ces conseillers de François Hollande qui partent pantoufler dans le monde de la finance, à retrouver dans « Marianne » en kiosques vendredi 1er juillet.
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Cette séparation en bons termes semble satisfaire tout le monde… sauf peut-être le contribuable. Car le départ de Bézard pour Cathay Capital suscite la polémique. D’abord, parce que l’ancien directeur du Trésor dispose par définition d’informations ultrasensibles sur l’économie française, qui n’ont pas vocation à être dispersées aux quatre vents. «Il faut espérer que les connaissances de Bruno Bézard ne seront pas mises, via Cathay Capital, au service du rattrapage technologique chinois», veut croire Jean-François Di Meglio, président de l’institut de recherche Asia Centre.
L’interrogation est légitime. Mais il y a plus problématique encore. Car Cathay Capital, fonds d’investissement créé en 2006, doit une grande partie de son succès aux autorités françaises. En septembre 2012, la Caisse des dépôts, via son entité dédiée aux PME, CDC Entreprises, décide de créer un fonds franco-chinois, doté de 150 millions d’euros et financé à parité avec la China Development Bank, le bras armé financier de l’empire du Milieu. La gestion de ce fonds est confiée par les autorités à Cathay Capital. Deux ans plus tard, un nouveau fonds, le Sino French (Midcap) Fund, est lancé, lesté de 500 millions d’euros. La CDC Entreprises, qui a été absorbée entre-temps par la Banque publique d’investissement (BPI), abonde cette fois à hauteur de 100 millions.
« Dans le milieu, tout le monde est tombé de sa chaise, mais c’est l’omerta »
Au total, l’Etat a ainsi investi 175 millions d’euros dans les deux fonds qui ont fait le succès de l’entreprise, et sont dotés au total de 650 millions d’euros, sur un total de 1,3 milliard d’euros gérés par Cathay. Si l’on y ajoute des «tickets» dans d’autres fonds, l’investissement public total dans les fonds gérés par Cathay s’élève à près de 200 millions d’euros. «Le succès de Cathay Capital doit presque tout au fait qu’il a été choisi, sans appel d’offres, pour gérer ces deux fonds, constate le patron d’un fonds d’investissement ayant pignon sur rue. Dans le milieu, tout le monde est tombé de sa chaise en apprenant que Bruno Bézard rejoignait Cathay, mais c’est l’omerta, car les fonds ont tous besoin de la BPI pour se financer.»
Bézard n’est, en effet, pas étranger au fonctionnement de la BPI. En tant que directeur du Trésor, il est membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), elle-même actionnaire à 50 % de la BPI (le reste est détenu par l’Etat). La direction du Trésor est par ailleurs directement représentée au conseil d’administration de la BPI. Autant dire que Bézard, qui a par ailleurs également été directeur général de l’Agence des participations de l’Etat (entre 2007 et 2010), est particulièrement bien placé pour apprécier la nature des investissements publics dans Cathay Capital. Certes, le conflit d’intérêts n’est pas juridiquement constitué. Il faut en effet pour cela que le fonctionnaire pantoufle dans une entreprise qu’il a directement contrôlée ou surveillée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
L’affaire n’en pose pas moins un certain nombre de questions morales et déontologiques.
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>>> « Les hollandais passent à la finance » : retrouvez l’intégralité de notre enquête dans le numéro de Marianne en kiosques.
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