Après le référendum pro-Brexit, le leader du camp du « Leave » Boris Johnson est en position pour devenir Premier ministre. Seulement, il n’inspire confiance ni aux caciques du Parti conservateur, ni aux Britanniques… L’actuelle ministre de l’intérieur Theresa May, eurosceptique mais opposée à la sortie du Royaume-Uni de l’UE, pourrait le supplanter.
Et si le prochain Premier ministre du Royaume-Uni était… un anti-Brexit ? Cette suggestion pourrait paraître incongrue, cinq jours après la victoire historique du camp du « Leave » lors du référendum du 23 juin et la démission annoncée de David Cameron, prévue en septembre. A première vue, le leader des pro-Brexit Boris Johnson a en effet tout pour l’emporter lors du prochain congrès du Parti conservateur, au pouvoir, le 9 septembre. Connu et apprécié des Anglais, l’ancien maire de Londres jouit à 52 ans d’une légitimité politique au firmament depuis la victoire surprise et fracassante de son camp.
Oui mais voilà, « BoJo » n’inspire pas confiance à ses pairs. Ceux-ci lui reprochent une certaine inconstance peu compatible avec la poigne d’acier dont devra faire preuve, justement, le chef du gouvernement lors des négociations avec l’Union européenne. Personnalité fantasque, adepte des plaisanteries plus ou moins fines et des déclarations à l’emporte-pièce, Boris Johnson ne correspond, à l’évidence, pas exactement à l’idée que les députés des Tories se font d’un homme d’État. Pour l’empêcher d’accéder à la magistrature suprême, un front « Tous sauf Boris Johnson » s’enclenche donc actuellement dans les couloirs de la Chambre des communes.
Selon l’ancien ministre du Développement, Alan Duncan, cité par le Daily Express ce mardi, les conservateurs ne souhaitent pas forcément un chef qui les emmène “sans cesse sur les montagnes russes ». Le même Alan Duncan brosse dans le Guardian le portrait-robot du Premier ministre voulu par l’appareil conservateur : « Ce que nous recherchons, c’est de l’unité, de la stabilité, de la crédibilité et de la compétence. Quelqu’un d’expérimenté dans la politique intérieure et extérieure, et capable de mener la barque avec dignité et efficacité« . Et surtout, donc, de mener les négociations sur la sortie de l’UE, qui s’annoncent difficiles.
En publiant sa chronique hebdomadaire dans le Telegraph ce lundi, Boris Johnson a sans doute achevé d’inquiéter les siens, particulièrement ceux qui pensaient que le député avait un calendrier et un projet précis en tête pour sortir le Royaume-Uni de l’UE en douceur. Dans ce texte qui suggère une impréparation totale, le député annonce avec enthousiasme un Royaume-Uni hors de l’UE mais toujours membre du marché unique et signataire des accords de libre circulation. Petit problème : il n’explique à aucun moment comment réussir ce tour de force…
Et selon un sondage publié dans le Times ce mardi, les Britanniques paraissent partager cette perplexité quant aux capacités réelles de l’ex-maire de Londres à gérer le Brexit. A rebours de toute logique électorale, Boris Johnson y apparaît ainsi en baisse de 12 points par rapport à avril, désormais perçu par seulement 24% des électeurs comme la personnalité idoine pour succéder à David Cameron en septembre.
La nature politique ayant horreur du vide, l’heureuse nommée pourrait s’appeler Theresa May, 59 ans. L’actuelle ministre de l’Intérieur profite en effet à plein du sentiment de défiance à l’égard de Boris Johnson. Poussée par les caciques du parti conservateur malgré son charisme moins évident, elle est vue comme la meilleure alternative à David Cameron par 31% des Britanniques. Alors que paradoxalement, elle s’est rangée dans la campagne sur le Brexit du côté de David Cameron, contre une sortie du Royaume-Uni. Mais son profil en fait une candidate de compromis idéale, qui coche presque toutes les cases pour devenir la prochaine Première ministre du Royaume-Uni.
Élue député en 1997 dans une circonscription huppée de l’ouest londonien, jumelée avec Neuilly-sur-Seine, Theresa May est ministre de l’Intérieur depuis six ans, du jamais vu depuis 1880. A la tête du « Home Secretary », cette proche de David Cameron s’est fait remarquer pour sa détermination et son autorité implacable, qui rappelle aux Britanniques leur fameuse Margaret Thatcher, Première ministre de 1979 à 1990. Ses choix en tant que « première flic du Royaume » se veulent volontiers sécuritaires. En août 2011, elle parvient à mettre fin en quelques jours aux émeutes urbaines qui éclatent dans plusieurs villes anglaises, en recourant abondamment au canon à eau. Elle soutient en 2013 la mise en garde à vue pour terrorisme de David Miranda, compagnon du journaliste de Wikileaks Glenn Greenwald, en affirmant que le jeune homme « devrait prendre conscience de ce qu’il cautionne« .
Theresa May reste surtout connue pour ses prises de position eurosceptiques et anti-immigration. En 2011, elle raille la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui permet selon elle à un ressortissant étranger de rester au Royaume-Uni « du moment qu’il a un chat« . L’année suivante, elle supprime le droit au regroupement familial pour les étrangers qui gagnent moins de 22.500 euros par an. Ne voulant pourtant pas d’un référendum sur l’Europe, cette fervente anglicane choisit pourtant le camp du « Remain » début 2016, par pragmatisme économique. « Il n’y a pas de décision qui permettrait de régler tous les problèmes, notamment ceux qui concernent l’immigration. Même la décision de quitter l’Union européenne« , estime-t-elle le 16 juin lors d’un débat sur le sujet, durant lequel elle se prononce pour une réforme de la règle de libre circulation des personnes au sein de l’UE.
Ce positionnement original permet à Theresa May d’incarner aujourd’hui les espoirs de ceux qui pensent que confier les clés du pays à Boris Johnson serait une terrible erreur. Si elle veut barrer la route à « BoJo », la ministre doit se déclarer ce jeudi 30 juin au plus tard. Sa candidature ne manquerait pas d’être interprêtée comme une volonté de la part du camp Cameron d’enterrer en douce le Brexit. Quant à sa victoire, elle pourrait être analysée comme le marqueur d’un Royaume-Uni en proie aux doutes après avoir pris la plus lourde décision de son histoire récente.
Lors d’une séance au Parlement, David Cameron a appelé ce mercredi 29 juin Jeremy Corbyn à quitter ses fonctions. « C’est sans doute dans l’intérêt de mon parti qu’il soit assis là, mais ce n’est pas dans l’intérêt national. Pour l’amour du ciel, mon vieux, partez! » a même lancé le Premier ministre démissionnaire.
Mais le vote de défiance n’est pas contraignant et Jeremy Corbyn refuse obstinément de céder à ce « coup d’État de couloir », affirmant qu’il ne « trahira » pas la confiance des adhérents du parti qui l’ont largement élu en septembre. Il a aussi d’ores et déjà annoncé qu’il se représenterait à la tête du parti en cas de nouvelle élection dans laquelle Angela Eagle, l’un des membres démissionnaires de son cabinet fantôme, et Tom Watson, son adjoint, pourraient lui disputer son poste.
Pour être recevable, la motion de défiance doit non seulement recevoir l’assentiment des députés mais elle doit être validée ensuite par l’ensemble des membres du Labour, auprès desquels Jeremy Corbyn reste très populaire. Un sondage YouGov pour le Times montre ce mercredi que huit membres du Labour sur dix ayant rejoint le parti depuis son élection le soutiendraient en cas de nouvelle élection.
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