Les lanceurs d’alerte du LuxLeaks condamnés : le Luxembourg se déshonore

Ils ont permis le Luxleaks, dévoilant nombre d’accords fiscaux secrets entre des multinationales et le Luxembourg. Pourtant, Antoine Deltour et Raphaël Halet ont été condamnés à respectivement 12 et 9 mois de prison avec sursis et 1500 et 1000 euros d’amende.

Et pourquoi pas le buché ? Dans le duché du Luxembourg, paradis de l’optimisation fiscale, on ne rigole pas avec le secret des affaires, a fortiori quand il s’agit des accords fiscaux entre le gouvernement et les multinationales. Et même si les peines sont bien inférieures aux réquisitions du parquet, le verdict du procès LuxLeaks est à la hauteur du crime de lèse duché : une peine de 12 mois de prison avec sursis et une amende de 1500 € pour Antoine Deltour, 9 mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende pour Raphaël Halet. Ces deux anciens du cabinet Price Waterhouse et Cooper devront aussi payer un euro symbolique à leur ex-employeur. Édouard Perrin, le journaliste de Cash investigation qui avait diffusé les informations de ces deux lanceurs d’alerte, a lui été acquitté.

C’est pourtant grâce aux informations révélées par Antoine Deltour que les citoyens européens et plus encore les journalistes qui travaillent sur les questions fiscales ont eu la preuve de leur intuition : le Luxembourg est le centre d’une vaste machine pompant les ressources fiscales de ses partenaires européens. Le Luxleaks, avec ces milliers de documents de PWC (30 000 au total), dévoilent, en effet, nombre d’accords fiscaux secrets conclus entre les multinationales comme Starbuck, Ikea, Mc Donald ou encore Fiat et le gouvernement du Duché, notamment sous la direction de Jean-Claude Junker, l’actuel président de la Commission européenne. Ces « tax rulings » ne sont rien moins que d’imposants montages juridiques ayant pour but de transférer au Luxembourg, pays à faible imposition, les profits réalisés dans les pays à fort taux d’impôts sur les sociétés.  

Antoine Deltour jugé comme un voleur de mobylette

Qu’Antoine Deltour ait reçu le Prix du citoyen européen 2015 décerné par le Parlement européen. Que Michel Sapin, notre ministre des finances et actuel employeur via l’Insee de l’ancien auditeur déclare « Des situations comme celle de Monsieur Deltour sont inadmissibles. A l’avenir en France il sera protégé ». Ou enfin qu’à la suite des révélations des deux lanceurs d’alertes, la Commission a considéré que la faible imposition de Starbuck et Fiat par le Luxembourg constituait une subvention. Rien n’y a donc fait.

Chez nous, un étrange mouvement de sympathie s’est cristallisé autour de Jérôme Kerviel. Le trader agissait pourtant comme un croyant dans le dieu argent et il espérait bien en retirer des subsides sous forme de bonus. Lui, qui « sentant le marché » a misé jusqu’à 50 milliards d’euros sur la hausse, quand c’est la baisse qui est sortie de son pari à pile ou face. Rien de tout cela avec Antoine Deltour. La conscience de cet aimable auditeur chez PWC avait été heurté par l’incroyable hold-up à plusieurs dizaines de milliards d’euros dont les citoyens de l’Union étaient victimes. En dévoilant ces informations, il n’en a pas profité matériellement, il a juste fait acte d’esprit civique. Le Luxembourg l’a jugé comme un voleur de mobylette. Le message aux dizaines de milliers d’employés des banques et autres cabinets d’audit et d’avocats que compte le petit état est aussi clair que celui des mafieux siciliens : l’omerta pour tout le monde.

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