Des députés veulent un état des lieux des pratiques de maintien de l'ordre

Des députés de gauche, dont Noël Mamère et Pouria Amirshahi, se mobilisent pour qu’un débat sur les pratiques du maintien de l’ordre s’ouvre en France, comme ils l’ont fait savoir lors d’une conférence de presse organisée à l’Assemblée nationale ce 29 juin. Pour faire entendre leur revendication, ces personnalités politiques, soutenues par des représentants syndicaux et des membres de la société civile, s’appuient sur la publication le même jour d’un recueil de témoignages édifiants réalisé par les journalistes du site Reporterre. Son titre : « Maintien de l’ordre : la dangereuse dérive ».

Des députés montent au créneau. Les écologistes Noël Mamère et Cécile Duflot, ainsi que l’ancien député PS Pouria Amirshahi, entendent bousculer le gouvernement sur la question du maintien de l’ordre et la stratégie déployée dans les manifestations contre la loi Travail ces derniers mois. « Nous avons conscience d’être à contre-courant, mais il est nécessaire de ne rien céder sur des éléments qui sont constitutifs de notre Etat de droit comme celui de la liberté de manifester », a expliqué Noël Mamère, en introduction d’un point presse organisé mercredi 29 juin à l’Assemblée nationale. « Nous faisons face à un changement de doctrine du maintien de l’ordre dans notre pays et ce développement nous apparaît dangereux », a-t-il poursuivi.

Ce rendez-vous, auquel participaient également des représentants syndicaux ainsi que des membres de la société civile (Solidaire, CGT, syndicat de la Magistrature, Ligue des droits de l’homme), a été organisé à l’occasion de la publication le même jour d’un rapport au titre coup de poing : « Maintien de l’ordre : la dangereuse dérive ». Elaboré par des journalistes du site Reporterre, ce « rapport d’information sur les actions de maintien de l’ordre menées depuis le début des manifestations d’opposition à la loi sur le travail » compile une centaine de témoignages de manifestants parisiens, rennais, toulousains ou nantais qui racontent leurs expériences avec la police lors des journées de mobilisations au projet de loi du gouvernement.

Violence physique et verbale

Sur près de 80 pages, il est question de violence physique ou verbale ; de mésusages d’armes dites « intermédiaires » ; de « pressions sur les journalistes » ; de « non-assistance à personne en danger ou blessée » ou encore « d’entrave à la prise en charge rapide des blessés ». Certains de ces témoignages ont été glanés sur Internet. D’autres ont été recueillis par quatre journalistes du site dirigé par Hervé Kempf, ancien spécialiste des questions écologiques au journal le Monde (le rapport est téléchargeable ici). Outre les témoignages, le document fait état de « recommandations » précises qu’il faudrait mettre en œuvre pour, est-il écrit, « sortir du climat délétère qui s’instaure en matière de liberté publiques ».

Exemples : « L’interdiction de l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) doit être édictée en France, comme elle l’est dans d’autres pays, à commencer par notre voisin allemand » ; « L’emploi des Compagnies d’intervention devrait être recadré. Il apparaît en effet que leur action sur le terrain conduit à de nombreux actes incontrôlés et dangereux » ; « Une étude par un organisme indépendant du ministère de l’Intérieur doit être menée sur la composition exacte des gaz et produits chimiques utilisés dans les grenades lacrymogènes. La composition du contenu de ces grenades doit être rendue publique. » 

« Une volonté politique que ça dégénère »

Parmi les intervenants invités à prendre la parole aux côtés de Noël Mamère, le Monsieur loyal de l’événement, figuraient également Alexandre Langlois de la CGT police. Le fonctionnaire a rappelé qu’il voyait dans le dispositif policier des derniers mois « une volonté politique que ça dégénère ». Il a ensuite déploré que les « donneurs d’ordres », à la différence des policiers de terrain, ne soient jamais inquiétés quand un usage disproportionnée de la force est constaté. « C’est d’autant plus embêtant qu’on a beaucoup moins d’intérêt commun avec la classe dirigeante qu’avec le peuple », a conclu le cégétiste.

Après Alexandre Langlois, ce fut au tour de Laurence Blisson de prendre la parole. Secrétaire générale du syndicat de la Magistrature, la jeune femme a rappelé qu’il existait aujourd’hui de véritables difficultés à connaître les chiffres officiels des plaintes déposées par les manifestants contre la police, tout comme il était impossible de connaître le nombre réel des blessés. Difficultés que la juge d’application des peines impute au fait qu’il n’existe pas de statistiques officielles sur le sujet. Une anomalie, selon elle : « Les policiers sont détenteurs d’un pouvoir particulier, il faut donc pouvoir les critiquer ».

Au-delà de la simple critique, le député Pouria Amirshahi préconise l’ouverture d’un débat national sur l’institution policière et ses prérogatives. Un débat qu’il aimerait voir engager au travers de deux questions simples : « Qu’est-ce qu’une police démocratique ? » et « Qu’est-ce qu’une police subordonnée aux citoyens ? » A ce débat est venue s’ajouter la volonté des participants que soit ouverte prochainement une mission d’information parlementaire sur la question du maintien de l’ordre en France. Mais dans le climat actuel, tous se sont accordés sur un point : c’est loin d’être gagné.

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