Après un rapport de l'HATVP, l'opacité des clubs parlementaires a encore de beaux jours devant elle

Dans son dernier rapport, rendu public ce lundi 27 juin, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) s’est attaquée à l’opacité qui règne au sein des « clubs parlementaires », ces espaces de parole dont raffole le secteur privé, soucieux de promouvoir ses intérêts auprès des élus. Problème : ledit rapport pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses…

Club « des amis du cochon« , club « du dernier kilomètre de livraison« , club « chiens et société », « cercle des eaux minérales naturelles« … Les intitulés loufoques de certains clubs parlementaires se révèlent parfois trompeurs. De sérieuses pratiques de « lobbying » se cachent en réalité derrière ces titres qui prêtent à sourire, comme tend à le souligner dans son dernier rapport, publié le 27 juin, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Colloques, séjours, déjeuners de travail et autres conférences/débats sont ainsi autant d’occasions données au secteur privé pour promouvoir ses intérêts auprès des élus, de manière légale certes mais aussi très opaque, explique le nouvel organisme de régulation, créé suite à l’affaire Cahuzac.

Clubs parlementaires, un état des lieux bien incomplet

Pour y remédier, l’HATVP préconise par conséquent une dizaine de mesures et tente de dresser un état des lieux, aussi modeste toutefois que ses recommandations. A peine apprend-on en effet à la lecture de la centaine de pages que compte le rapport – pour le moins très frileux – l’existence d’une quarantaine de clubs disposant de fonds pouvant atteindre 400.000 euros. Certains ayant la particularité d’être pilotés par des entreprises de communication spécialisées à l’instar de Com’Publics, qui organise les événements de plus d’une dizaine de clubs et se présente comme spécialiste en « communication institutionnelle et lobbying« . Détaillés en pages annexes via un tableau récapitulatif, ces clubs apparaissent sans que ne soit révélé en intégralité le nom des parlementaires qui les composent ni l’identité des entreprises privées qui les financent.

L’information n’aurait pourtant pas été inutile car il arrive qu’elle mette au jour des conflits d’intérêt majeurs. En témoigne le « Club de l’investissement public » où siégeait une certaine Valérie Pécresse, actuelle présidente de la région Ile-de-France et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, avant d’être contrainte de se retirer à l’automne dernier, comme l’a révélé Pièces à conviction en septembre 2015. La cause de sa soudaine défection ? Le dit club de l’investissement était financé par Alstom… l’employeur du mari de madame Pécresse, et accessoirement l’un des groupes dans lequel l’intéressée avait personnellement investi en y détenant de nombreuses actions.

« Un racket institutionnalisé » 

Un problème sur lequel ne revient pas l’HATVP. Si des mauvaises pratiques sont évoquées, elles restent effectivement très vagues. A ce titre, il semble, explique plus loin le rapport, « que des entreprises soient invitées à verser des sommes autour de 50.000 euros selon certains, 40.000 euros selon d’autres pour pouvoir être intervenant à la tribune à côté de parlementaires particulièrement impliqués sur les sujets visés. » A tel point que l’un des participants de ces « tribunes » évoque dans le rapport un « racket institutionnalisé« .

A qui sont reversées ces sommes et comment sont-elles utilisées ? De ce « racket institutionnalisé« , on n’en apprendra pas davantage. L’HATVP préfère se concentrer sur ses principales préconisations : la tenue d’un registre qui deviendrait « obligatoire« , et permettrait d’identifier les acteurs des différents lobbies actifs aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, ou encore le rappel de l’obligation pour les parlementaires de déclarer les éventuels avantages en nature qu’ils pourraient percevoir etc. Sauf que ces mesures sont aujourd’hui en vigueur, et qu’elles ne sont peu ou pas respectées.

Dis-moi quels cadeaux tu reçois…

En France un registre listant les représentants « d’intérêts (…) existe déjà » concède de fait l’HATVP. Quant aux cadeaux reçus par les députés – censés être plafonnés à 150 euros – le rapport se contente de constater les failles du système actuel de contrôle. Peu nombreux sont les députés qui déclarent ce qu’ils reçoivent en dehors de leurs honoraires. 

« Au cours des années écoulées pour les dons, cadeaux et avantages » seules « 12″ déclarations ont été enregistrées, « d’octobre 2012 à octobre 2013, et 19 pour la période allant d’avril 2014 à juin 2015, dont 8 émanaient du même député et 9 correspondaient à des événements sportifs ou culturels. En ce qui concerne les voyages,  les déclarations (…) se sont élevées sur la période 2014-2015, à 66, dont 62 voyages à l’étranger. » 

« Ces chiffres », conclut le rapport, « sont particulièrement modestes, comparé au nombre de députés ».

Malgré le manque de propositions fortes, le président de l’Assemblée Nationale, qui a commandé le rapport à l’HATVP en octobre dernier, souhaite que ces dernières soient adoptées le plus rapidement possible, soit « en juillet lors de la prochaine réunion du bureau de l’Assemblée » précise sur son site Public Sénat. « Il est indispensable », a par ailleurs réagi Claude Bartolone, lui-même membre de plusieurs clubs parlementaires, « de faire ressortir clairement » que ceux-ci « ne sont en rien des émanations du Parlement« . Une référence directe à l’utilisation par les clubs parlementaires des « logos », « courriers à entête » des assemblées dans un mélange des genres qui semble loin d’être le principal problème…

 

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