Florian Philippot et Marion Maréchal-Le Pen, les rivaux utiles du Front national

La loi Travail fait de nouveau apparaître des divergences entre le vice-président du FN et la députée du Vaucluse. Mais contrairement à ce que ces désaccords répétés pourraient laisser penser, leur rivalité ne dessert pas Marine Le Pen. Au point même de « faire le jeu du FN » ?

Marine Le Pen a beau marteler qu’« il n’y a qu’une ligne » au Front national, on est parfois saisi d’un doute. Si c’est le cas, comment se fait-il, par exemple, que la présidente du FN soit intervenue pour faire retirer des amendements au projet de loi Travail déposés par ses propres troupes ? Marion Maréchal-Le Pen et son voisin à l’Assemblée nationale, Gilbert Collard – tout comme leurs homologues sénateurs – avaient ainsi affiché leur volonté de donner à la loi El Khomri une teinte (encore) plus favorable aux chefs d’entreprise. Sauf que l’initiative n’est pas très raccord avec la ligne fixée par la direction du parti : le numéro deux Florian Philippot ne cesse de dénoncer « l’infâme loi El Khomri », tandis que Marine Le Pen fustige une « feuille de route de Bruxelles » qui menacerait les travailleurs de « précarisation » et de « dérégulation ».

Autre cafouillage : Marion Maréchal Le Pen a fait savoir le 17 juin sur France Info qu’interdire des manifestations ne lui paraissait « pas délirant »… soit l’inverse de ce que disaient Marine Le Pen et Florian Philippot la veille. « Nous avons manifestement un désaccord sur ce point », a crânement assumé la députée du Vaucluse. Ce n’est pas le seul : les sujets de société fournissent aussi régulièrement une arène d’affrontement à fleurets mouchetés entre Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot.

« Attrape-tout »

Mais en réalité, ces divergences ne font-elles pas « le jeu du FN », pour reprendre l’expression consacrée ? En tout cas, leur étalement public ne mine pas les intentions de vote pour Marine Le Pen, loin de là. La patronne du FN se hisse toujours au second tour de la présidentielle dans la quasi-totalité des hypothèses. Elle grappille même encore des points dans le dernier baromètre Ifop-Fiducial pour Paris Match. « Du point de vue de l’opinion publique, les divergences Philippot/Maréchal-Le Pen passent au-dessus de la tête de 99% des Français », analyse Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, pour qui « le côté attrape-tout du FN demeure ».

Des divergences qui « passent au-dessus de la tête de 99% des Français »

« Attrape-tout », voilà le mot-clé de la stratégie frontiste. Pendant que l’énarque Philippot drague les catégories populaires grâce à un discours social tout en cherchant à crédibiliser le parti par son profil techno, l’héritière Maréchal-Le Pen tente de rameuter l’électorat tiraillé entre la droite et le FN tout en rassurant la vieille garde du parti. On notera, au passage, la différence de méthode politique. Quand Florian Philippot pèse pour que Marine Le Pen condamne clairement la loi Travail, il se fonde sur les statistiques : un sondage Ifop révèle que 76% des sympathisants FN soutiennent le mouvement social. Marion Maréchal-Le Pen, très populaire au sein des adhérents frontistes, préfère s’appuyer sur la base militante et mettre en avant les fondamentaux du parti, traditionnellement libéral sur le plan économique.

« Pas de répartition des rôles »

Qu’en pensent les deux intéressés ? Ils sont au moins d’accord sur un point : la presse en ferait trop autour de leurs piques par médias interposés. « Vous voudriez qu’on dise tous à chaque instant la même chose avec les mêmes mots, mais vous savez bien que c’est impossible », s’agace Florian Philippot lorsque Marianne l’interroge sur le sujet. Même si pour lui, « il y a naturellement des sensibilités qui peuvent s’exprimer ». « Les lignes de Florian et moi ne sont pas en désaccord, balaie de son côté Marion Maréchal-Le Pen. Il n’y a pas de débat sur le fond entre nous. »

Et quand on évoque l’hypothèse selon laquelle tout cela serait plus ou moins planifié, afin de s’adresser à différents pans de l’opinion, les démentis redoublent. « Je n’ai jamais considéré qu’on pouvait saucissonner l’électorat, assure Florian Philippot. Par la cohérence du tout, on est en mesure de convaincre beaucoup plus de monde que par une stratégie d’addition de discours catégoriels, forcément incertaine. » « Il n’y a pas de répartition des rôles », réfute elle aussi Marion Maréchal-Le Pen.

Philippot, « pas un ami » de Marion Maréchal-Le Pen

De fait, les saillies très à droite de la députée du Vaucluse agacent jusqu’à Marine Le Pen. « Marion s’enferme dans une image de catholique conservatrice. On a l’impression qu’elle se sent obligée de faire plaisir à ses fans », a même déploré la patronne du FN devant des proches, selon des propos rapportés par l’AFP. En outre, on n’imagine pas une seconde Florian Philippot et Marion Maréchal coordonner étroitement leurs prises de parole, eux qui se croisent rarement et ne s’apprécient pas personnellement. Philippot, « ce n’est pas un ami, c’est un partenaire politique », assénait récemment Marion Maréchal-Le Pen sur le plateau de LCI.

Les tensions entre les deux « partenaires » n’ont donc rien d’un spectacle de marionnettes dont Marine Le Pen tirerait les ficelles. Il n’empêche : pour l’instant, la candidate à la présidentielle semble bel et bien profiter de ces différents sons de cloche, qui lui permettent de ratisser très large. Mais alors que les frontistes cherchent laborieusement à installer l’idée qu’ils sont crédibles pour gouverner, ce petit jeu pourrait finir par instiller un doute chez les électeurs : si jamais le FN arrive au pouvoir, laquelle des « sensibilités » l’emportera ?

 

 


 

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