L’ancien émir de ce micro-Etat du Golfe s’est constitué au fil des années un faramineux patrimoine dans l’Hexagone. Pour la première fois, « Marianne » et Mediapart révèlent, chiffres à l’appui, les dessous de cette razzia immobilière.
On les dit fans de foot et d’équitation. Mais c’est au Monopoly que les Qataris donnent la pleine mesure de leur talent. Surtout lorsqu’ils tiennent la banque… Marianne et Mediapart ont eu accès à des centaines de documents confidentiels permettant d’estimer au plus près l’immense patrimoine accumulé par la famille royale hors des frontières de ce richissime confetti du Golfe. Une mine d’informations, dont l’essentiel n’a jamais été révélé jusqu’ici, qui concernent notamment les sociétés civiles et commerciales détenues en France par l’ancien émir Hamad al-Thani, ses trois épouses et quelques uns de ses 24 enfants. Immeubles de bureaux situés à des adresses prestigieuses, hôtels particuliers parisiens, haras, château d’époque Louis XIV, villas de luxe et palaces sur la Côte d’Azur : l’ex-souverain de l’émirat, qui a régné de 1995 à 2013 avant de passer les rênes à l’un de ses onze fils, Tamim (photo ci-contre), s’est constitué au fil des années un fabuleux portefeuille immobilier dans l’Hexagone.
En 1995, Hamad al-Thani avait ravi le trône à son père alors que ce dernier effectuait un déplacement à Zurich pour passer des examens médicaux. Un coup d’Etat « soft » qui plongea néanmoins le pays dans une belle pagaille budgétaire puisque le cheikh déchu avait « mis à son nom l’essentiel des avoirs du Qatar, pour les placer dans des paradis fiscaux ou des investissements immobiliers », racontent les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot (1). Il faudra attendre neuf ans pour que le père et le fils enterrent la hache de guerre, et que le premier restitue au second les trois-quarts de sa fortune. « Historiquement, la séparation entre l’Etat et celui qui le dirige a toujours été moins marquée au Qatar que dans les autres émirats du Golfe, rappelle Allen Fromherz (2), directeur du centres d’études moyen-orientales à l’Université d’État de Géorgie. Les transferts de fonds entre les caisses publiques et les comptes suisses personnels des émirs était une pratique courante. » Lors de son arrivée au pouvoir, Hamad al-Thani avait promis de mettre fin à cette confusion des poches. Faute de données fiables et de contrôle indépendant sur la question, aucun observateur sérieux de la région ne peut attester qu’il l’a fait. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il a su trouver les milliards, quand il le fallait, pour se mettre quelques toits sur la tête.
Les chiffres donnent le tournis. Entre 1989 et 2015, l’ancien émir du Qatar Hamad ben Khalifat al-Thani a acheté à titre personnel 34 biens ou domaines répartis entre Paris, le sud et l’ouest du pays, d’une valeur globale de 3,3 milliards d’euros. Dix de ces biens – les sept villas de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) comptent pour un, idem pour les deux exploitations agricoles situées à Fayence, dans le Var – correspondent aux propriétés privées du clan. Cet ensemble, estimé par Marianne et Mediapart à 278 millions d’euros hors dette, nécessite chaque année un budget de fonctionnement d’environ 10 millions d’euros
Les 24 autres biens sont des immeubles et des hôtels particuliers accueillant des bureaux ou des espaces de réception, auxquels s’ajoutent deux hôtels de tourisme, un haras et les grands magasins du Printemps. Un patrimoine à vocation commerciale dont nous avons pu établir le prix actualisé, à partir des états financiers auxquels nous avons eu accès. Le montant final est astronomique : un peu plus de 3 milliards d’euros. Et encore : faute d’informations suffisamment précises sur quatre immeubles parisiens – ceux du 53, 116 et 116 bis de l’avenue des Champs-Elysées, et celui du 232, rue de Rivoli –, nous n’avons pas intégré dans notre calcul ces milliers de mètres carrés supplémentaires.
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