En 2013, Fabienne Kabou avait abandonné, selon ses propres aveux, sa fille de 15 mois sur une plage de Berck-sur-mer, dans le Pas-de-Calais, la laissant se noyer dans la marée montante. Le procès de la mère infanticide, qui risque la perpétuité, s’ouvre ce lundi 20 juin devant la cour d’assises de Saint-Omer.
Le 19 novembre 2013, Fabienne Kabou, 39 ans, un temps étudiante en philosophie, prend le train direction le littoral du Pas-de-Calais. Le train de 10h51. Elle a pris soin de consulter les horaires des marées avant de partir. Après deux heures de trajet vers Rang-du-Fliers, depuis la gare du Nord à Paris, la mère monte avec sa fille de 15 mois, Adelaïde, dans un bus pour Berck-sur-mer. Puis elle séjourne au « Littoral », un hôtel avec vue sur la mer, situé à 100 mètres de la plage où elle s’apprête à noyer son enfant.
Jugée à partir de ce lundi 20 juin à Saint-Omer, devant la cour d’assises du Pas-de-Calais, pour « assassinat », avec préméditation – elle n’avait emporté dans son périple ni couches, ni nourriture pour sa fille – Fabienne Kabou, qui n’avait pas non plus jeté les billets de train ni nettoyé le sable sur ses chaussures lorsque les enquêteurs l’ont retrouvée à son domicile, souhaite désormais, selon son avocate Me Fabienne Roy-Nansion, « qu’on lui laisse la parole ».
« J’ai mis fin à ses jours, parce que c’était plus simple comme ça », avait-t-elle rapidement confié lors de son arrestation, ajoutant avoir à la fois choisi le « meilleur accueil » possible pour sa fille – la mer – et la plage de Berck pour la « tonalité désagréable » du nom de cette commune. Elevée dans un milieu catholique aisé, à Dakar, où elle vit jusqu’au baccalauréat, avant de s’installer en France, fille d’un fonctionnaire de l’ONU et d’une employée d’une grande maison d’édition, Fabienne Kabou n’est pas à un paradoxe près.
Celle qui a fait des études brillantes, en architecture d’abord avant de se tourner pour sa thèse vers les travaux du philosophe Ludwig Wittgenstein, un théoricien du langage, accouchera dans le secret un peu plus de dix ans après sa rencontre avec Michel L., un ancien cadre supérieur de trente ans son aîné, reconverti dans la sculpture, avec qui elle partage son quotidien en banlieue parisienne, à Saint-Mandé, dans l’atelier de ce dernier.
C’est là, dans la salle de bain que naît, en 2012, Adélaïde, enfant non désirée, non déclarée aux autorités, qui apprendront sa mort en même temps que sa naissance. « Tout s’est enchaîné parfaitement, tout était huilé », a expliqué Fabienne Kabou, toujours aux enquêteurs au cours de son interrogatoire. Le jour du drame, qui a en réalité commencé un an et demi plus tôt, c’était comme si elle avait « le vent dans le dos », qui « la portait. » « Je n’arrivais pas à dire stop (…), j’étais pratiquement anesthésiée », s’est-elle justifiée.
De ce « vent » qui soufflait fort, Michel L, peu impliqué dans l’éducation de sa fille, n’a rien vu. Il croyait sa compagne partie au Sénégal avec l’enfant qui devait être confié à la famille maternelle. Adélaïde sera retrouvée morte, le 20 novembre 2013, sur la plage par un pêcheur de crevettes. Que savait alors Michel L. des hallucinations dont souffrait Fabienne Kabou, qui consulte à l’époque selon l’AFP des voyants et des guérisseurs ? De cette sorte de « traque » qui la poursuit ? Constitué partie civile, il devra en répondre au procès qui doit se tenir jusqu’à ce vendredi 24 juin.
Pour les experts psychiatres, « si les références culturelles » de l’inculpée et « une histoire individuelle liée à la sorcellerie sénégalaise » a « modifié radicalement » son « rapport au monde », voire « l’altération » de son discernement, elles ne suffisent pas à la dispenser de poursuites judiciaires. Un point sur lequel semble s’accorder l’accusée. Elle est, dit-elle, « indéfendable ». Fabienne Kabou risque la prison à perpétuité.
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