Pour notre numéro double spécial « Brexit », en vente en kiosques ce vendredi 17 juin pour deux semaines, Ken Loach est l’invité de la rédaction de « Marianne ». Au fil de nos pages, l’infatigable défenseur de la classe ouvrière anglaise réagit à nos articles, analyses et reportages. Extraits.
« C’est un débat frauduleux ! Ceux précisément qui disent qu’il faut quitter l’Union européenne pour sauvegarder notre souveraineté nationale sont ceux qui la braderont au plus offrant. Le problème, cependant, est que, de l’autre côté, les partisans du maintien dans l’Europe seront également les premiers à faire pression sur le reste de l’Europe pour, par exemple, accepter les conditions désastreuses de commerce avec les Etats-Unis (TTIP). »
« Pourquoi nous sentons-nous plus proches de gens qui habitent de l’autre côté de la planète, comme les Australiens, plutôt que de nos voisins européens ? La réponse est dans le cricket. Vous avez tendance à sous-estimer le cricket ! C’est ce que fait un empire dans ses colonies, il importe sa culture et l’impose. Quand les Australiens viennent jouer au cricket chez nous, on connaît leurs joueurs, leurs blagues, et puis la reine est toujours leur chef d’Etat, et je veux parler de tout le Commonwealth, pas seulement de l’Australie. Nous avons la classe dominante la plus sophistiquée du monde, elle a assis sa domination par ce genre de choses qui ont l’air populaire, le sport, la reine. Par ailleurs, l’immigration de et vers les pays du Commonwealth a été encouragée, pour nourrir ce lien. En dehors du cricket et du Commonwealth, je dirais que notre xénophobie est opportuniste plutôt qu’atavique, comme parfois sur le continent européen. Elle est fondée sur notre rapport à l’économie et basée sur nos intérêts. S’il est de l’intérêt économique de nos puissants de s’allier avec des xénophobes comme Nigel Farage, ils le feront sans sourciller. Finalement, c’est comme cela que le fascisme a pris le pouvoir, grâce au soutien silencieux de la classe dominante et des grands industriels pour Hitler et Mussolini. Il s’agissait pour ces soi-disant démocrates de défendre leurs intérêts, et tant pis si des minorités allaient en mourir. Mais, en Grande-Bretagne, notre xénophobie est un peu comme le temps, jamais très froid, jamais très chaud, cela vaut aussi pour les sentiments politiques. »
« C’est une question très difficile pour la gauche et, en fait, une question tactique. Le cœur du problème est de lutter contre le projet néolibéral, or l’Union européenne est le néolibéralisme incarné. Il suffit de regarder la façon dont elle force les pays de l’Union à privatiser, la façon dont elle a humilié la Grèce en lui prêtant ce qu’elle ne pourra pas rembourser, en la sommant de vendre le peu qu’il lui restait à des grands groupes privés. En fait, les mesures protectrices concernant les travailleurs et l’environnement sont condamnées à diminuer inexorablement au sein de l’Union car les lobbyistes font un travail de sape constant. Le problème essentiel du capitalisme est que la compétition force les entreprises à réduire constamment leurs coûts pour rester compétitifs, et elles le font en réduisant les salaires. C’est la logique de ce système. Cependant, la situation deviendrait encore pire si nous quittions l’Union ! Cela voudrait dire que le prochain Premier ministre serait Michael Gove ou Boris Johnson, qui tous deux représentent la droite dure. Boris Johnson a beau avoir l’air d’un clown, c’est un loup (…) »
>>> Retrouvez l’intégralité des réactions de Ken Loach dans le numéro de Marianne en kiosques.
Il est également disponible au format numérique en vous abonnant ou via et
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments