Massacre d'Orlando : des auteurs s'engagent contre l'homophobie dans "Marianne"

Dans le numéro de « Marianne » en kiosques cette semaine, des intellectuels s’indignent et commentent le drame d’Orlando. Trois écrivains ont voulu de surcroît commenter deux scènes qui leur semblaient terrifiante. Arthur Dreyfus et Arnaud Cathrine se sont arrêtés sur ce jeune homme, dans les toilettes du Pulse, qui envoyait des sms à sa mère – avant qu’Omar Mateen ne l’assassine. Mathieu Simonet a essayé de réfléchir à ce baiser entre deux hommes, qui aurait rendu fou le terroriste – selon son père. Tous trois ont écrit dans l’urgence, atterrés par cet attentat qui a fait 49 victimes.


 Aimez vos fils et vos filles avant de ne plus pouvoir les serrer dans vos bras

« Aujourd’hui, le romancier en moi pense à ces quelques parents qui ont dû découvrir, en même temps que la mort de leur fils, son homosexualité. Et je veux dire à tous ceux – à tous les pères – qui insultent leurs fils sous prétexte qu’ils les « dégoûtent », qui ne veulent « plus jamais » les revoir, qui leur promettent une vie de mépris et de chagrin : sachez que vos enfants sont tous aussi mortels qu’Eddie Justice ; ce jeune homme caché dans les toilettes du Pulse, hier soir, pour envoyer ses derniers SMS à sa mère qui, réveillée en pleine nuit par la vibration de son téléphone portable, découvre l’inimaginable.

« Mommy I love you – He’s coming – I’m gonna die. »

Les jeunes gays, trans, lesbiennes, se suicident quatre fois plus que ceux que vous appelez « normaux ». Mais ce qui est anormal, c’est de mourir à vingt ans.

Parents qui chassez vos enfants, qui coupez les ponts avec eux, qui jugez égoïstement leurs désirs, qui vous souciez du qu’en-dira-t-on ; parents ignorants, pauvres ou riches, obscurantistes ou traditionalistes, français ou américains, orientaux ou occidentaux, aimez vos fils et vos filles avant de ne plus pouvoir les serrer dans vos bras.

Aimez-les et dites-le-leur, car il existera toujours quelqu’un pour maudire vos enfants mieux que vous. »

Arthur Dreyfus


Une guerre barbare contre celles et ceux qui entendent être eux-mêmes

« C’est une américaine d’une cinquantaine d’années. Allure très classique. Si l’habit faisait le moine, on l’imaginerait volontiers acquise au bastion de Trump. Sauf que. Cette femme est livide, totalement éplorée. Elle est sans nouvelles de son fils parti danser dans la boîte gay d’Orlando où vient d’avoir lieu une fusillade meurtrière. Elle tente de le joindre sur son portable. Il ne répond pas. En larmes, elle dit au journaliste qui la filme ne savoir qu’une chose : « Il était avec son petit ami. »

Il y a dix, vingt, trente, quarante ans, cette mère n’aurait sans doute pas su où était son fils ce soir-là car il ne lui aurait pas dit (il n’aurait pas osé, elle n’aurait pas su l’entendre) ; elle n’aurait pas eu connaissance de l’existence de ce « petit ami » et n’aurait donc pas prononcé cette phrase qui lui semble aller de soi aujourd’hui : « Il était avec son petit ami. » En plus de l’identité homosexuelle, c’est ça qu’on a voulu abattre à Orlando : une mère, son fils et le petit ami de celui-ci, axiome qui tend à devenir ordinaire et lambda.

Une guerre barbare est conduite contre toutes celles et ceux qui entendent être eux-mêmes (libres, donc) : journalistes satiriques, juifs, amis en terrasse, férus de musique dans une salle de concert, musulmans aimant à vivre dans des quartiers mixtes, homosexuels bien dans leur peau, bien dans leur couple et bien dans leur famille…

Il paraît que ce tueur s’est senti « agressé » à la vue de deux homosexuels dans la rue… Pauvre chou. Il l’aurait été pareillement en voyant cette mère que j’imagine à table, un dimanche midi, avec son fils et le petit ami de celui-ci. Que la liberté d’être soi se manifeste dans les situations les plus prosaïques de la vie (et non plus à l’abri des regards) nous ravit, nous émerveille. Mais donne, à certains, des envies de meurtre, et pas que des envies. Combien de morts déjà ?

Je ne vais pas mentir : je ne sais pas comment terminer.

Pour lors : absolument atterré. »

Arnaud Cathrine


Un baiser responsable de la tuerie ?

« Selon le père d’Omar Mateen, l’attentat d’Orlando n’aurait « rien à voir avec la religion » : il aurait pour origine un baiser commis entre deux hommes devant la femme d’Omar Mateen et leur enfant de trois ans. Un baiser responsable de la tuerie ? Je vois dans ce raisonnement encore une preuve d’homophobie, qui consisterait à penser que tuer à la suite d’un coup de sang contre un baiser homosexuel serait moins grave que tuer pour la religion… Oui, prétendre qu’un couple homosexuel ne devrait pas s’embrasser devant un enfant de trois ans est empreint d’homophobie. En effet, pourquoi les frontières de la pudeur devraient varier selon l’identité sexuelle des couples ? L’homophobie, ne l’oublions pas, c’est intégrer l’idée que l’homosexualité serait inférieure à l’hétérosexualité. Aujourd’hui, en mémoire à la centaine de victimes d’Orlando, embrassons-nous dans la rue. Et tant mieux si des enfants nous voient. Car ce qui est sûr, c’est qu’aucun baiser n’a jamais causé le moindre attentat. Au contraire. »

Mathieu Simonet 

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