Après les casses et les violences survenues en marge de la manifestation du 14 juin à Paris, contre la loi El Khomri, le gouvernement saute sur l’occasion pour pointer du doigt la « responsabilité » de la CGT dans ces violences. Et le Premier ministre, ce matin sur France Inter, d’envisager jusqu’à l’interdiction des prochaines manifestations imaginées par le premier syndicat de travailleurs…
« Ce que les terroristes cherchent, c’est à fragmenter, à fracturer, c’est à diviser (…) C’est pour ça que je ne veux pas polémiquer ». Ce 15 juin matin sur France Inter, Manuel Valls se voulait rassembleur après le meurtre d’un commissaire de police et de sa compagne. Rassembleur ? Jusqu’à une certaine limite. Sa volonté de ne pas « polémiquer » a rapidement volé en éclat lorsque la question de la manifestation du 14 juin a été abordée. La ficelle était grosse, le Premier ministre cachant mal son envie d’en découdre avec la CGT. Le mot « manifestant » était à peine prononcé par son intervieweur que Valls a dégaîné, tel un automate : « En marge des manifestations, la violence a été insupportable… » Et peu importe si la question d’origine n’avait rien à voir.
Après avoir rappelé la volonté de fer du gouvernement de ne plus bouger d’un iota sur le projet de loi – conception somme toute très personnelle du dialogue social à la mode Valls – le Premier ministre entame sa tentative de lente démolition de la CGT. « J’en appelle à la responsabilité de ce syndicat, la CGT, qui à l’évidence était débordée », démarre-t-il en douceur. En cause, la casse et les affrontements de ce cortège d' »autonomes » qui prend systématiquement la tête des manifestations. Selon Valls, « des ultras qui voulaient frapper, s’en prendre à la police, tuer ».
Après l’émoi suscité par l’assassinat du couple de fonctionnaires de police, le locataire de Matignon joue sur la corde sensible. Et d’enchaîner sur de graves accusations :
« L’attitude du service d’ordre de la CGT qui n’assume pas ses responsabilités (…), il y a eu une attitude ambiguë vis-à-vis des casseurs. »
En clair, la CGT aurait sciemment laissé faire ces « casseurs ». Une lourde charge. Hier, en plus des habituels affrontements avec les policiers, la casse des banques et des Abribus, certains de ces « autonomes » s’en sont aussi pris aux vitres de l’Hôpital Necker, spécialisé dans la médecine pour enfants. « Dégradations révoltantes de la part de casseurs », avait immédiatement réagi Marisol Touraine, la ministre de la Santé, ajoutant, sur France Info : « Il y a des enfants qui entraient dans les blocs opératoires et certains n’étaient pas encore endormis et ce sont des choses qui sont choquantes ». Bernard Cazeneuve était allé plus loin en racontant que l’enfant de 3 ans du couple de policiers assassinés se trouvait justement dans cet hôpital. Des informations qui ont fait vivement réagir dans l’opinion publique, ce que n’a pas manqué de retenir Valls.
Résultat, le Premier ministre tente désormais d’associer la CGT aux « casseurs ». Pourtant, ces accusations de « complicité passive » sont bien étranges à double titre. D’abord, on se souvient que le 12 et le 17 mai dernier, le service d’ordre de la CGT et des éléments de ce fameux cortège « autonome » s’était violemment affrontés. Pris à partie, les syndicalistes avaient répondu à coup de manches de pioche. On a connu connivence plus fraternelle ! Ensuite, parce que depuis les premières manifestations, ce sont surtout les syndicats de policiers, des plus à droite aux plus à gauche, qui dénoncent justement l' »ambiguïté » des consignes données aux forces de l’ordre par les autorités. Le 5 mai sur France Info, Jean-Claude Delage, le secrétaire général du syndicat Alliance Police Nationale, balançait : « L’Etat doit prendre ses responsabilités, ne pas nous laisser attendre des heures face à des casseurs identifiés, qu’on pourrait même peut-être préventivement assigner à résidence dans le cadre de l’état d’urgence ou interpeller ».
Qu’importe pour le Premier ministre, ces accusations lui permettent d’embrayer : « Je demande à la CGT de ne plus organiser ce type de manifestations sur Paris et au cas par cas (…) nous prendrons nous nos responsabilités ». Comprenez, le gouvernement se réserve la possibilité d’interdire au premier syndicat de travailleurs, fer de lance de la contestation contre la loi El Khomri, d’organiser de grandes manifestations d’ampleurs. Du pain bénit pour Valls car, dans ce cas, soit le mouvement se radicalise, au risque de voir les violences s’amplifier, soit il s’arrête net. Des « casseurs » décidémment bien utiles.
Le 11 mai, le JDD publiait dans ses colonnes le témoignage d’un CRS, sous couvert d’anonymat, qui s’interrogeait : « Une manifestation qui se passe bien, on parle du fond. Quand vous avez des casseurs, on se focalise sur les violences et les vitres cassées (…) Est-ce que le gouvernement est assez vicieux pour faire ça? ».
Manuel Valls vient de lui apporter une réponse.
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