Après Orlando, l'inacceptable déni face à un attentat homophobe

L’occultation de la nature homophobe du massacre d’Orlando permet à une frange de la cathosphère de condamner le mal sans poser la question de sa racine la plus profonde.

« Cinquante personnes tuées dans une discothèque d’Orlando ». Au lendemain de la pire tuerie par balles de l’histoire américaine, la une du Parisien ce lundi matin illustre une difficulté nouvelle, qui ne s’était pas fait jour lors des attentats précédents : celle de nommer les victimes. Derrière les habituelles précautions que la prudence impose aux premières heures de l’enquête – s’agit-il d’une « simple » tuerie ou d’un attentat ? Le fait d’un terroriste ou d’un déséquilibré ? – est en effet apparue une autre hésitation : crime aveugle ou homophobe ?

L’attaque, le 7 janvier 2015, des frères Kouachi contre la rédaction de Charlie Hebdo, visait-elle « des bureaux » ? Non, personne ne l’a jamais pensé ni écrit : c’était la liberté de la presse qui était abattue. Et le bain de sang perpétré deux jours plus tard par Amedy Coulibaly à l’HyperCasher de la Porte de Vincennes ne visait pas non plus « des clients d’un supermarché ». Il était antisémite. Comment imaginer, de la même manière, que l’opération menée ce 12 juin au « Pulse », manifestement bien préparée, puisse cibler par hasard un lieu aussi clairement identifié que « The hottest gay bar in Orlando » ? Et pour ceux qui avaient encore un doute, le propre père du terroriste est venu le dissiper dès dimanche, en admettant l’homophobie épidermique du tueur.

Condamner la tuerie sans poser la question de sa racine

Et pourtant, ce lundi matin encore, une majorité de la presse française a fait l’impasse sur la qualification des victimes. Comme l’a relevé le journaliste Nicolas Martin dans une revue de presse sur France Culture intitulée « Géométries variables », peu de gros titres de nos quotidiens ont caractérisé les victimes ou la nature de l’attentat. « Attentat islamiste à Orlando, la terreur et la haine », écrit Le Figaro, « Tuerie de masse dans une boite de nuit en Floride », affiche L’Humanité, « Les Etats-Unis frappés par la pire tuerie de leur histoire », indiquent Les Echos. Seul Sud Ouest appelle un chat un chat : « Un massacre homophobe lié à Daech ».

Sur Twitter, cette invisibilisation des victimes s’est manifestée dans un certains nombres de réactions politiques. Quand Laurence Rossignol, parmi les premières à manifester son horreur, a immédiatement pointé la « haine des gays », puis Najat Vallaud-Belkacem « l’abjecte et lâche violence homophobe », Nicolas Sarkozy s’est limité à condamner « l’effroyable tuerie d’Orlando », adressant « au peuple américain toute (s)a solidarité ». Bruno Le Maire s’est quant à lui empêtré dans une maladroite référence à « une certaine idée du monde de nouveau visée« . Un flottement ressenti jusqu’au sommet de l’Etat, où François Hollande a exprimé le « plein soutien de la France au peuple américain » quand Manuel Valls a ajouté : « En frappant la communauté gay, l’attaque effroyable d’Orlando nous atteint tous ».

Si l’on voit bien que l’occultation de la nature homophobe du massacre d’Orlando ne trace pas une frontière nette entre la droite et la gauche, un élément émerge cependant : la manipulation permet à une frange de la cathosphère de condamner le mal sans poser la question de sa racine la plus profonde. Or, ne lui en déplaise, la haine des LGBT est sans doute la chose la mieux partagée entre l’islam radical – dont s’est réclamé le terroriste d’Orlando – et les radicaux de toute religion, dont l’ultra-catholicisme. D’où l’insulte ressentie par un certain nombre d’internautes à voir Christine Boutin exprimer sa « compassion pour les victimes » – qu’elle ne nomme pas – ajoutant : « Ce monde devient barbare ».

Deux ennemis à combattre : l’extrémisme religieux et l’homophobie

Barbare, ce monde l’était en effet déjà avant le massacre d’Orlando pour une bonne partie de la communauté LGBT à travers le monde. Physiquement, par les assassinats dans certains pays d’Afrique, les exécutions dans certains pays du Moyen-Orient, les agressions encore dans de nombreux pays occidentaux. Et même symboliquement, par exemple lors de la libération de la parole homophobe ayant entouré le débat sur le mariage pour tous en 2013 ou encore quand, l’année suivante, Christine Boutin justement a giflé les homosexuels d’un simple mot : « abomination ». D’une violence telle que la justice l’a condamnée pour provocation à la haine.

Pour sa défense, la cathosphère accuse ceux qui pointent l’hypocrisie de Christine Boutin et consorts de les mettre sur le même plan que le tueur d’Orlando. Un raisonnement par l’absurde qui ne vise qu’à occulter un fait tout simple : la propagation de l’homophobie, dans l’islam radical comme dans le catholicisme itou, se fait par les mots avant d’en arriver à des actes. D’ailleurs, ce sont les mêmes qui ne cessent de pointer la responsabilité des discours islamo-gauchistes dans le développement de l’islam radical, qui nient aujourd’hui que des discours homophobes puissent aboutir à une quelconque conséquence concrète. Même si bien évidemment, dans un cas comme dans l’autre, les propagateurs du discours sont rarement les mêmes que les semeurs de mort.

Dimanche, la tuerie d’Orlando a réveillé en France deux vérités chez les LGBT : ils subissent plus d’agressions depuis que la parole homophobe s’est libérée en France, à la suite du débat sur le mariage pour tous. Et ils ressentent depuis janvier 2015 la peur qu’un attentat frappe un jour l’un de leurs lieux de fête. A Orlando, la conjonction s’est faite, sous les traits d’un homophobe patenté et partisan d’un islam assassin, Omar Mateen. En Israël, c’est un ultra-orthodoxe juif (Yishaï Shlissel) qui avait frappé à deux reprises la Gay Pride, en 2005 et en 2015. En 1997 aux Etats-Unis, c’est un extrémiste chrétien (Eric Robert Rudolph) qui avait posé une bombe dans une boîte lesbienne d’Atlanta. Tous désignent deux ennemis à combattre : l’extrémisme religieux ET l’homophobie.

 


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