L’ancien Premier ministre, qui promettait sur tous les tons une cure d’austérité drastique, veut désormais rendre 10 milliards de pouvoir d’achat aux ménages. Histoire de se faire bien voir des classes moyennes, public décisif pour les candidats à la primaire de la droite.
De l’austérité, mais pas trop quand même. François Fillon a mis un peu d’eau sociale dans son vin libéral mardi 7 juin. Le candidat à la primaire de la droite, qui tenait meeting à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, s’est quelque peu éloigné de ses habituels accents thatchériens. « Je veux parler pour les sans-grade, les sans-carnet d’adresses, les exclus du système », a même lancé l’ancien Premier ministre, des trémolos dans la voix.
Tiens donc ? Jusqu’ici, on avait surtout entendu Fillon parler pour les chefs d’entreprise, auxquels il promettait 50 milliards d’euros de baisse des charges patronales. Finalement, cette cagnotte sera réduite à 40 milliards, le candidat souhaitant « redonner 10 milliards de pouvoir d’achat supplémentaires aux classes moyennes ». Pour cela, le François Fillon a glissé dans son programme la fin de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, le relèvement du plafond du quotient familial à 3.000 euros et la suppression d’une cotisation salariale pour l’assurance-maladie.
Faut-il y voir un virage ? « Ce qui justifie cette adaptation, c’est que François Hollande a accentué le matraquage des classes moyennes, notamment à travers la politique familiale », explique à Marianne un pilier de l’équipe du candidat, qui dément toute « réorientation » : « Fillon tient son cap. Notre discours est réaliste : il consiste à expliquer aux Français qu’il faut d’abord redresser l’économie pour essayer d’aller vers une vraie justice sociale. »
« Fillon, c’est la droite bourgeoise de province », se gausse un député LR
Voilà pour le motif officiel, assez peu crédible : les coups de canif de François Hollande à la politique familiale n’ont rien de récent, puisqu’ils ont commencé dès la première année de son quinquennat ! François Fillon cherche plus vraisemblablement à rééquilibrer son discours, jusqu’ici très axé sur la cure d’austérité drastique qu’il compte imposer au pays : 110 milliards d’économies sur la dépense publique, suppression de 600.000 postes de fonctionnaires, fin des 35 heures, retraite à 65 ans… Avec un tel programme, le risque est grand de se couper des classes moyennes, un électorat décisif pour la primaire. « Fillon, c’est la droite bourgeoise de province », se gausse un député Les Républicains. Peut-être est-ce pour casser cette image que le candidat a également annoncé mardi un plan « de lutte contre la pauvreté et l’exclusion ».
François Fillon sait aussi qu’avec un tel programme, ses concurrents auront beau jeu de le caricaturer en père-la-rigueur. Même le chantre du libéralisme à droite, Alain Madelin, a fustigé dans Le Point la « purge » et le « libéralisme antisocial » du candidat Fillon. Et il n’aura pas échappé à l’ex de Matignon que dans les écuries concurrentes, on prend soin de ne pas surenchérir sur ses propositions. Le programme d’Alain Juppé oscille entre 85 et 100 milliards d’économies – excusez du peu ! – et prévoit aussi de revoir le quotient familial. Bruno Le Maire assure qu’il ne veut pas « infliger une purge aux Français ». Quant au candidat non déclaré Nicolas Sarkozy, il promet d’ores et déjà une baisse de l’impôt sur le revenu de 10% dès son retour à l’Elysée…
La nouvelle inflexion de François Fillon – un peu plus de Séguin, un peu moins de Thatcher – apparaît aussi comme une énième tentative pour relancer une campagne qui n’imprime pas. Car le candidat a eu beau se faire violence pour accentuer sa présence médiatique, il ne décolle toujours pas dans les sondages : 10% d’intentions de vote au premier tour de la primaire, selon une récente enquête du Cevipof pour Le Monde. Pour autant, dans le camp de l’ex-Premier ministre, on tente de se donner de la hauteur en considérant que seuls « deux candidats sont des gens sérieux : Fillon et Juppé ». Mais dans cette primaire, n’y aurait-il pas qu’une seule place pour un candidat « sérieux » ?
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