Stade de France : un rapport tire les leçons du dernier fiasco avant l’Euro

« Marianne » a eu accès à la « fiche technique » rédigée par un responsable policier trois jours après la finale de la Coupe de France de foot du 24 mai, finale qui a fait éclater au grand jour les failles de la sécurité au Stade de France à quelques semaines de l’Euro. Le bilan dressé par ce policier est inquiétant.

« Les unités CRS déployées autour du Stade de France ont dû intervenir à de très nombreuses reprises pour éviter des lynchages de supporteurs ou disperser des rixes violentes. La moindre rencontre fortuite entre des groupes constitués des deux camps a généré des incidents.» Datée du 24 mai 2016, la « fiche technique » rédigée par un responsable policier trois jours après la finale de la Coupe de France de football a le mérite de la clarté. On savait que le match opposant au Stade de France le PSG à l’OM avait failli très mal tourner, on ignorait à quel point on avait frôlé la catastrophe, avec plusieurs départs de feu dans les tribunes.

Dans le cadre des matchs de l’Euro 2016, l’UEFA a fixé deux principes : la création d’un périmètre de sécurité autour de l’enceinte du stade, avec un nombre d’accès limités et la « désectorisation », qui consiste, rappelle la note, « à laisser aux spectateurs la faculté de pénétrer à l’intérieur du périmètre de sécurité par n’importe quel point d’accès, ainsi que la capacité d’évoluer librement au sein de l’enceinte sportive ». La finale a été l’occasion de tester le périmètre de sécurité, mais pas la suite du programme, pour cause de « profond antagonisme » entre les supporteurs des deux équipes.

Au lieu des quatre accès prévus pour l’Euro, l’état-major de la direction de l’ordre public et de la circulation en a voulu cinq. Malgré cette entorse au programme, cela s’est révélé largement insuffisant pour filtrer les quelques 80.000 spectateurs. Et même impossible, sachant que la majorité du public se présente dans l’heure qui précède le coup d’envoi.

La dangerosité des files d’attente

« Les dispositifs de contrôle se sont par ailleurs révélés fragiles, observe l’auteur de la fiche. Ils ne résisteraient pas en cas de forte poussée ou de tentative de passage en force des hooligans. » Avant la palpation, des supporteurs de l’OM ont pu lancer des objets interdits, pétards et autres fumigènes, dans le périmètre de sécurité extérieur du stade, matériel récupéré par des spectateurs déjà fouillés. « Il a fallu positionner des CRS pour intercepter les lancers des supporteurs », rappelle le commissaire. Il a également fallu créer un second niveau de palpation pour confisquer une trentaine de tubes de PVC masqués dans des drapeaux et passés dans le dos des stadiers.

La palpation aux entrées du périmètre a au passage généré « de très importantes files d’attente en amont », « ce qui devait être initialement évité pour prévenir les risques de tuerie de masse ». Un état de fait qui a suscité la réprobation et l’exaspération du public, la file débordant jusque sur la route, avec à la clef des incidents avec les automobilistes, sans compter les coupures de la circulation qui auraient pu retarder équipes et personnalités….

Ce n’était qu’un début. Les barrières séparant les spectateurs déjà palpés des autres se sont avérées aussi légères que poreuses, divers objets circulaient à travers les grilles. Les agents censés tenir le lieu, spécialisés dans la sûreté incendie, « se sont révélés totalement passifs » et ont même refusé d’ouvrir les barrières aux unités de police appelées en urgence pour intervenir dans les tribunes quand la première rixe a éclaté. Ces mêmes agents ont ensuite laissé les issues de secours sans surveillance, exposant à d’éventuels vandales les câbles alimentant le dispositif de sûreté.

Des agents de sécurité « peu réactifs et peu soigneux dans l’exercice de leur mission »

Les agents de sécurité eux-mêmes n’auraient pas fait leur travail dans les règles de l’art, si l’on en croit les bouteilles et autres fumigènes retrouvés par les CRS lorsqu’ils sont intervenus dans l’enceinte du stade. « Ils se sont montrés peu réactifs et peu soigneux dans l’exercice de leur mission », poursuit la note. Le dispositif de palpation a d’ailleurs été levé 20 minutes après le coup d’envoi, sur la pression du public et des autorités sportives, permettant à de nombreux spectateurs d’entrer sans contrôle.

« La création d’un périmètre de sécurité où le nombre de points d’accès est des plus limités est dangereux et doit être revu, conclut le commissaire (…) Ce dispositif génère d’immenses files d’attente qui ne peuvent être absorbées qu’en accélérant, voire en suspendant les palpations, ce qui est totalement contraire à ce qui était souhaité dans le contexte de menaces d’attentat que connaît le pays ». Et de proposer un retour au dispositif précédent, avec deux niveaux de contrôle, une configuration testée plusieurs fois avec succès depuis les attentats du 13 novembre 2015.

Il restait quelques jours pour affiner les plans avant le lancement de l’Euro 2016.  

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