Le président de la République considère que le gouvernement a déjà donné suffisamment de gages sur la loi Travail. Il l’explique en dénaturant une citation de Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste pendant 34 ans.
Les citations servent à renforcer l’autorité d’un argumentaire en l’inscrivant dans la lignée d’un précédent fameux. Le tout est de manier cet outil avec doigté et exactitude. Ce que n’a pas exactement fait François Hollande, dans une interview accordée à La Voix du Nord, publiée ce mardi 7 juin.
Dans cet entretien, le chef de l’Etat veut signifier qu’il ne reviendra pas sur la loi Travail. Pour justifier sa position, il égrène les gages donnés d’après lui aux opposants durant le processus législatif : concessions sur les barèmes devant les prud’hommes et l’extension de la garantie jeunes, prise en compte de quelque 400 amendements à l’Assemblée nationale, dialogue au sujet des transports routiers, de l’aviation civile ou du ferroviaire…
Quand le quotidien nordiste lui fait remarquer que la CGT et FO restent mobilisés contre le projet de loi, le président de la République a cette phrase : « Il y a un moment où selon une formule célèbre, il faut savoir arrêter une grève !«
Le hic, c’est que la « formule célèbre » n’a pas vraiment la même signification et s’inscrit dans un contexte de progrès social bien différent. C’est le secrétaire général du parti communiste Maurice Thorez qui utilise l’expression le 11 juin 1936 après la signature des accords Matignon, il y a 80 ans tout juste. « Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été obtenue« , lance le député de la Seine. Cette « satisfaction obtenue« , c’est ce texte prévoyant l’instauration de la semaine de 40 heures, des congés payés ainsi que la création des conventions collectives et du principe du faveur.
Le principe de faveur prévoit que lorsque deux normes sont applicables à une relation de travail, on retient la plus favorable à l’égard du salarié. Le clin d’oeil au passé de François Hollande est « amusant » quand on sait que le projet de loi El-Khomri prévoit précisément de donner la primauté aux accords d’entreprise… même s’ils sont moins favorables aux salariés que les accords de branche !
Depuis quelques années, cette formule de Maurice Thorez ressurgit fréquemment en période de tension sociale, comme l’a relevé le Scan du Figaro. Le plus souvent, elle est vidée de sa signification originelle. « Il faut savoir terminer une grève lorsque s’ouvre le temps de la discussion« , assure Nicolas Sarkozy en novembre 2007, alors qu’une grogne sociale pertube le trafic ferroviaire. En 2011, le même Nicolas Sarkozy, en visite en Afghanistan pour annoncer le retrait d’un millier de soldats français, considère qu’il faut « savoir finir une guerre« . Plus récemment, c’est le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui met la pression sur les députés socialistes indisciplinés : « Il faut savoir arrêter une fronde ! » Pas sûr que Maurice Thorez se serait davantage reconnu dans la formule de François Hollande.
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