Primaire à droite : mais à quoi sert le jeune (qui n'ira pas voter) ?

Les candidats à la primaire de la droite soignent leurs mouvements de jeunes fans, lancés dans une course à la coolitude de plus ou moins bonne facture. Les jeunes sont pourtant loin d’être le cœur de cible de l’électorat attendu au scrutin de novembre prochain. Alors à quoi servent-ils ?

Ils sont des dizaines de jeunes à acclamer un candidat âgé de 70 ans. Serrés les uns contre les autres dans l’appartement du VIIe arrondissement de Paris qui sert de QG de campagne à leur champion, « les Jeunes avec Juppé » fêtent le premier anniversaire de leur mouvement ce jeudi 2 juin. A l’apparition de leur héros, c’est l’hystérie. Les smartphones se dressent pour immortaliser l’événement. « Juppé président ! Juppé président ! » Le maire de Bordeaux ne restera qu’un petit quart d’heure, le temps d’un discours et de quelques photos de famille. Ses jeunes fans ne lui en tiendront pas rigueur. « On va gagner ! On va gagner ! » répètent-ils à la manière de supporters.

Vous vous en doutez, l’ambiance est loin d’être aussi survoltée dans les meetings du candidat Juppé, où les cheveux blancs sont plus fréquents que les baskets à la mode. Un public qui donne un avant-goût de l’électorat à la primaire de novembre prochain. Selon une note publiée en février par le Centre d’études politiques de Sciences Po (Cevipof) et relayée par L’Opinion, 43% des participants annoncés au scrutin sont âgés de 65 ans et plus et 50% sont des retraités. A l’inverse, seuls 14% des votants auraient entre 18 et 34 ans…

« Ramène tes potes chez Bruno »

Et pourtant, dans la campagne déjà lancée, chaque écurie a son inévitable mouvement de jeunes. Leurs noms ne brillent pas par leur originalité : « les Jeunes avec Juppé » rivalisent ainsi avec « les Jeunes avec Fillon » ou « les Jeunes avec BLM » (pour Bruno Le Maire). Côté sarkozistes, on a tenté plus subtil : le mouvement du candidat-qui-ne-dit-pas-son-nom a été baptisé « NouS les jeunes » (tout est dans les initiales en majuscules…). Cinq jours avant le raout des jeunes juppéistes, ce sont eux qui organisaient une soirée à la gloire de leur champion dans un espace de coworking du Xe arrondissement de Paris. Nicolas Sarkozy est passé faire des selfies, sous l’œil paternel de Roger Karoutchi et Pierre Charon, deux sénateurs de sa garde rapprochée.

Plus discrets jusqu’ici, les jeunes fillonistes promettent eux aussi une soirée au début de l’été – et, en attendant, la projection du premier match de l’Euro de foot au QG de campagne de l’ancien Premier ministre. Mais dans la course à la coolitude absolue, ce sont les jeunes adorateurs de Bruno Le Maire qui ont frappé le plus fort en lançant sur Facebook une invitation intitulée « Ramène tes potes chez Bruno ». Voici la description : « Le 16 juin prochain, Bruno nous file les clés du QG. Il sera en déplacement à la Réunion et nous a dit d’en profiter pour organiser un gros apéro dans les locaux. »

Une note du Cevipof montre que la moitié des participants annoncés à la primaire sont des retraités.

« Un peu démago… », euphémise prudemment un jeune responsable d’une écurie concurrente, qui a toutefois du mal à se retenir de rire lorsqu’on lui parle de l’initiative. On croyait pourtant les jeunes de droite vaccinés depuis l’épisode désastreux de « Tous ceux qui veulent changer le monde », le lipdub des jeunes de l’UMP devenu la risée du web en 2009. Mais le responsable des jeunes lemairistes, Paul Guyot-Sionnest, assume tout. « Sur la communication, on est sûrs de nos bases : ce n’est jamais trop cool et jamais trop jeune, assure-t-il à Marianne. Ce serait problématique s’il y avait un calcul derrière, celui de vouloir ‘jeunifier’ le candidat, comme chez certains de nos concurrents, mais nous n’avons pas besoin de ça. »

« Ça donne un dynamisme à la campagne »

Certes, mais est-ce bien raisonnable de dépenser tant d’énergie à se « cooliser » – avec tous les risques que cela comporte – lorsqu’on sait que la primaire de novembre sera surtout une élection de seniors ? Les différentes écuries sont bien conscientes qu’elles ne verront pas des bataillons d’étudiants prendre subitement les urnes d’assaut en novembre. Mais elles savent aussi que pour animer des comptes Facebook, ranger des chaises après une réunion publique ou éviter une formulation un peu ringarde, les jeunes, ça peut servir. « Ils ont trois missions : aller à la rencontre des Français, être présents sur les réseaux sociaux et co-construire le projet », énumère Matthieu Ellebarch, le patron des jeunes juppéistes. « Les jeunes, ça donne un dynamisme à la campagne », plaide-t-on en écho dans l’entourage de Nicolas Sarkozy, où l’on se réjouit de la présence de leurs tee-shirts bleutés lors des séances de dédicaces de l’ancien président. Mais gare au trompe-l’œil. Dans la course aux mentions « j’aime » sur Facebook, les jeunes sarkozistes font la course en tête, avec deux fois plus de likes que leurs homologues juppéistes. Dans les intentions de vote entre les deux candidats, le rapport est quasiment inverse…

 

 


 Retrouvez Marianne sur notre appli et sur les réseaux sociaux, 
ou abonnez-vous :

Marianne sur App Store   Marianne sur Google Play  

Marianne sur Facebook   Marianne sur Twitter   Marianne sur Instagram

S'abonner au magazine Marianne

 

 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply