La CGT Police se déchire sur la question des violences policières

Les affiches du syndicat Info Com-CGT qui dénoncent la répression du mouvement social anti-loi Travail n’en finissent pas de faire des remous. Elles font apparaître des tensions au sein même de la CGT Police, qui se déchire sur la position à tenir sur fond de clivage politique.

Comme un air de bataille rangée à la Fédération CGT de la Police nationale (CGT Police). Les publications d’affiches chocs du syndicat Info Com de la CGT, dénonçant les méthodes des forces de l’ordre lors des manifestations contre la loi El Khomri, ont secoué dans la maison. Si le syndicat Alliance, classé à droite, ne s’est bien sûr pas privé de les torpiller, la CGT Police a aussi fait savoir, dans un communiqué du 3 mai, que « cette affiche polémique stigmatise une nouvelle fois tous les personnels de la Police Nationale, les discrimine dans son ensemble et s’apparente à un nouvel appel à la haine contre nos collègues policiers. »

Sauf que le 19 mai, la CGT Police Paris, syndicat CGT des policiers de la capitale, publie son propre communiqué qui laisse entendre une tout autre musique. On peut ainsi y lire que « l’affiche du syndicat CGT Info Com a le mérite de dénoncer des faits pour ramener un gouvernement dit de gauche dans la voie du progrès social et non de l’arbitraire ». A la tête du syndicat parisien, Anthony Caillé, que l’on a vu le 18 mai, sur le plateau de « C à vous » pour parler de la manifestation contre la « haine anti-flic » et le lendemain, au « Grand Journal », pour réagir aux affiches. 

La guerre des communiqués

Un imbroglio qui va prendre une autre tournure le 27 mai, lorsque la CGT-Police publie un nouveau tract intitulé : « Attention cet individu usurpe le nom de la CGT-Police ». Avec en gros, une photo d’Anthony Caillé, accompagné de son numéro de téléphone portable, de ses comptes Twitter et Facebook et de son adresse électronique. « Quand il prend des positions qui offensent la profession et dénigrent les collègues, ne nous appelez plus, mais adressez vous directement à cette personne », invite notamment la Fédération. « Cet individu (…) est sur une ligne politique politicienne, traitant de fasciste toute personne en opposition avec lui. Il usurpe le logo CGT-Police afin de nous nuire et tient des propos insultants à l’encontre des collègues. C’est un manque de respect et de considération à l’égard de toute la profession policière », s’agace-t-elle enfin.

La réplique ne se fait pas attendre. Le syndicat Info Com, à l’origine des affiches sur les violences policières, vient à le rescousse de Caillé le 31 : « Soutien à Anthony Caillé et à la CGT Police Paris. La Délation s’oppose aux valeurs de la CGT (…) Mais quel est donc ce sinistre individu, Alexandre Langlois, qui occupe la responsabilité de secrétaire général de la Fédération Police de la CGT ? Les pratiques de ce responsable syndical de la police rappellent les plus sombres moments de notre histoire (…) Mais qui est réellement l’usurpateur au sein de la CGT ? Celui qui défend les valeurs de notre organisation syndicale CGT en refusant de s’associer à la campagne médiatico-politique insensée contre une affiche et qui refuse d’apporter son soutien à une manifestation de policiers à forte connotation politique ? Ou bien, Alexandre Langlois, qui accorde une interview au site iconoclaste réactionnaire ThinkerView, reprise depuis le 2 juillet 2015 sur le site ‘Egalité & Réconciliation’ d’Alain Soral, sinistre inventeur de la ‘quenelle’, extrémiste de l’extrême-droite et antisémite notoire »… Chaude ambiance dans la maison poulaga cégétiste ! Et pour compliquer le tout, la CGT-Police affirme de son côté que le syndicat d’Antony Caillé a été exclu « de la Fédération CGT Police depuis le 7 octobre 2014. Cette exclusion a été réaffirmée le 17 février 2015, pour qu’aucun doute ne subsiste ». A n’y plus rien comprendre.

Pour Alexandre Langlois, le secrétaire général de la structure nationale, la situation est pourtant très claire : « Le syndicat d’Anthony Caillé ne fait pas partie de notre Fédération, il en a été exclu en octobre 2014 par notre conseil national. Une décision qui a été réaffirmée en 2015″. Pourtant, au niveau de la Confédération, le tableau n’est pas si limpide. En témoigne ce courrier daté du 18 décembre 2014, signé de Thierry Lepaon, alors secrétaire général de la CGT, que Marianne a pu se procurer. Adressé au Ministère de l’Intérieur, il lui demande « de bien vouloir sursoir à toute décision concernant la légitimité » du syndicat d’Anthony Caillé et de deux autre structures. « Un conflit interne oppose effectivement ces trois syndicats à la Fédération CGT. Ce conflit est en cours de traitement au sein des instances confédérales compétentes dans ce type de litige », explique-t-il. Pour la Confédération, donc, le syndicat d’Anthony Caillé était toujours affilié à la Fédération…

Quant à la méthode employée dans le tract du 27 mai, Langlois la justifie sans complexe : « A chaque fois que ce monsieur prend la parole, Alliance et FO s’en servent pour nous discréditer auprès de nos collègues. On a eu des tableaux syndicaux vandalisés, des syndiqués CGT insultés et même menacés. Il nous fait beaucoup de tort, il fallait clarifier la situation ». Et d’indiquer que « de toute manière, ces informations sont publiques ».

Clivage politique entre la Fédération et le SGAP

« La Confédération a été saisie. Vous imaginez bien que si mon syndicat avait été exclu, Philippe Martinez ne m’aurait pas laissé aller dans des médias », rétorque le mis en cause, Anthony Caillé, passablement échaudé par les méthodes de la « fédé ». « Le fond du problème, c’est un clivage politique et un problème de démocratie au sein de la fédération depuis que Langlois en a pris la tête. Pourquoi un entretien du secrétaire général se retrouve sur le site ‘Egalité&Réconciliation’ sans qu’il y ait une demande de retrait ? Comment expliquer qu’il organise des manifestations avec le FPIP, un syndicat ouvertement d’extrême droite ? Comment comprendre qu’il reprenne des arguments du Front National sur l’extension de la légitime défense pour les policiers ? Pourquoi participer à une manifestation le 18 mai alors que des élus FN y participent aussi ? Pour moi, c’est très clair ! Depuis six ans, la Fédération s’est droitisée », contre-attaque Caillé.

Langlois, lui, dénonce un Anthony Caillé qui « outre les insultes de fasciste ou rouge-brun qu’il nous adresse régulièrement, est plus un militant politique qu’un militant syndical. Or nous sommes un syndicat. Nous n’avons pas par exemple à appeler à voter pour le PCF comme il a pu le faire. Les gens qui se syndiquent à la CGT veulent un syndicat qui les protège. Quant à ma supposée proximité avec le FN, c’est n’importe quoi ! Pour le site ThinkerView, on est à la limite de la diffamation, il suffit de voir la diversité des entretiens (Comme par exemple celui d’Axelle Lemaire, secrétaire chargé du Numérique, ndlr). Quant à la manifestation du 18 mai, Caillé ne parle pas du fait que nous sommes allés discuter avec les gens de Nuit Debout. On a été très bien reçu. Moi, Marion Maréchal-Le Pen je ne l’ai pas vue. Par contre, lors de cet échange, il y avait Eric Coquerel, du Parti de gauche », se défend-t-il.

Entre les flics cégétistes, la rupture est consommée.

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