Emmanuel Macron : la chasse aux casseroles est ouverte

Après les récentes révélations sur sa situation patrimoniale, Emmanuel Macron crie au complot. Son cas n’a rien d’inédit : la divulgation des déboires fiscaux d’un homme politique qui monte est une vieille pratique de la Vème République.

Après l’ISF, l’omission d’une fonction d’administrateur. Le Parisien de ce jeudi 2 juin révèle qu’Emmanuel Macron n’a pas fait état de sa présence au conseil d’administration de la société anonyme « Editions Esprit », qui publie la revue philosophique du même nom dans sa déclaration d’intérêts, transmise à la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV). Une faute, surtout symbolique puisque le conflit d’intérêt avec son poste de ministre de l’Economie n’est pas avéré et la fonction strictement bénévole. La HATPV a d’ailleurs expliqué être au courant de cet « oubli » mais n’a pas souhaité transmettre le dossier Macron au parquet.

Dans cette affaire qui n’est en pas vraiment une, c’est le timing qui frappe avant tout. Cette information survient le surlendemain des révélations du Canard enchaîné et de Mediapart sur la situation fiscale du ministre de l’Economie. Selon ces deux titres, Emmanuel Macron va devoir payer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et ce de façon rétroactive, après avoir sous-évalué la valeur de la demeure de son épouse au Touquet (Somme) dans sa déclaration de patrimoine, elle aussi transmise à la HATPV fin 2014.

L’ex-banquier de Rothschild a réagi hier. Il n’a pas contesté les faits mais a souhaité affirmer qu’il n’était « dupe de rien« , avant d’évoquer « un emballement sur à peu près tous les sujets pour essayer de soit (le) déstabiliser, soit (le) fragiliser, soit penser sans doute à salir l’action qui est la (sienne)« . Accusations voilées de complot, donc.

Des fuites bien tardives

Sans se prononcer sur le fond des dossiers, on peut noter que les déclarations de patrimoine et d’intérêts d’Emmanuel Macron ont été transmises à la HATPV, fin 2014, sans que celle-ci ne tique. A titre de comparaison, la sous-évaluation du patrimoine du secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement  Jean-Marie Le Guen a été révélée par la HATPV en juin 2014, moins de trois mois après la nomination de l’élu de Paris au gouvernement. Mediapart nous apprend de surcroît qu’Emmanuel Macron a été en discussion pendant un an et demi avec le fisc au sujet de la villa du Touquet. Sans que cela ne fuite… jusqu’à mardi dernier.

Comment expliquer que ces informations « sortent » aujourd’hui dans les médias ? Depuis son entrée au gouvernement, quelques petites choses ont changé pour Emmanuel Macron : l’énarque est devenu un des ministres les plus populaires du gouvernement, concurrençant Manuel Valls sur son créneau « pro-entreprises ». Il a aussi lancé son propre mouvement – En Marche ! – préalable à une possible candidature à l’élection présidentielle. Et les récents sondages le placent aujourd’hui comme le seul homme politique de gauche susceptible de se qualifier pour le second tour en 2017.

Le précédent Chaban-Delmas

Les révélations sur la situation patrimoniale d’un homme politique qui monte sont une vieille pratique de la vie politique française.  Surtout s’il est jeune et présente un profil de « réformateur ». L’affaire qui se rapproche le plus des divulgations actuelles sur les déclarations fiscales d’Emmanuel Macron remonte à 1971. Cette année-là, Le Canard enchaîné (déjà) révèle que Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre de plus en plus indépendant du président Georges Pompidou, n’a pas payé d’impôts de 1966 à 1969. Celui qui fut également maire de Bordeaux pendant près de 50 ans avait en réalité bénéficié d’un régime alors légal, celui de « l’avoir fiscal ». Mais le mal est fait, son image de rénovateur est écornée. Au sein de la majorité, Michel Poniatowski, proche de Valéry Giscard d’Estaing, dénonce même « les copains et les coquins » du parti gaulliste. Trois ans plus tard, Jacques Chaban-Delmas perdra l’élection présidentielle de 1974 au profit de VGE.

Emmanuel Macron est-il en train de vivre une « Chaban » ? Une seule chose est certaine, la chasse aux casseroles est visiblement ouverte.

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