Après s’être emporté contre la CGT, la qualifiant de « minorité » se comportant comme des « terroristes », Pierre Gattaz a été obligé de faire acte de contrition, retirant ce mot « inapproprié ». Une attitude que feraient bien de suivre ceux qui, avant ou après lui, se sont laissés aller à de tels excès.
« Je pense que le mot terroriste est totalement inapproprié dans le contexte que nous connaissons de l’état d’urgence et des attentats. Je retire ce mot (…) Auprès des familles, des victimes, c’est un mot totalement inapproprié ». Ce mercredi 1er juin, au micro de RTL, Pierre Gattaz, le président du Medef, a finalement fait amende honorable. Deux jours auparavant, il s’était livré à une lourde charge contre la CGT et son secrétaire général, Philipppe Martinez, appelant à « ne pas céder au chantage, aux violences, à l’intimidation, à la terreur », à des « minorités qui se comportent un peu comme des voyous, comme des terroristes ». Dans son viseur, les actions syndicales de la CGT – blocages des raffineries, mouvements de grève dans les transports, etc. – pour protester contre le projet de réforme du code du travail. Gattaz, donc, mettait, sans le moindre complexe, Coulibaly, Abaaoud et les syndicalistes de la CGT dans le même sac…
Face à la levée de bouclier – même Myriam El Khomri, pourtant mise en cause par la CGT pour son projet de loi, a dénoncé l’« outrance dans les mots de Pierre Gattaz » – le patron des patrons a dû faire machine arrière. Tout en voulant garder la face : « Dans mon interview, hormis le mot terroriste, tout le reste est valable ».
Pourtant, après les attentats de janvier et ceux de novembre qui ont ensanglanté la capitale, on aurait pu espérer de la part des dirigeants politiques ou syndicaux qu’ils en finissent enfin avec l’utilisation à la légère de certains mots comme « terroriste » ou « prise d’otage« . Gattaz, lui, a au moins reconnu sa faute. Le début d’un grand mouvement ? Car avant lui, d’autres se sont laissés aller au même genre d’excès sémantiques.
Le 19 mai, dans la matinale d’Europe 1, le « monsieur police » de Nicolas Sarkozy, Frédéric Péchenard, livre ainsi son avis « éclairé » sur les événements de la veille, avec l’incendie d’une voiture de Police quai de Valmy et affirme de but en blanc : « Le terrorisme, c’est une utilisation politique de la terreur. Quand on a des militants politiques qui mettent des rasoirs dans des boules de pétanque ou qui attaquent des policiers, on est dans du pré-terrorisme« .
Le lendemain, sur France Bleu Provence, le député LR Jean-Pierre Giran, se lâche compètement. On n’est plus dans le pré-terrorisme mais dans le terrorisme tout court : « Il faut avoir des sanctions beaucoup plus fortes. Honnêtement, il ne faut plus traiter ces casseurs comme de simples agités qui viennent dans une manifestation casser un abribus ou une vitrine. Il y a tentative de meurtre contre les gardiens de la République que sont les policiers. Cela est intolérable parce que si on laisse faire, il n’y a plus de limite et plus de société. […] De mon point de vue, ce qui se passe là, c’est du terrorisme, ce sont des ‘Daesh’ de l’intérieur. »
Etait-il possible d’aller plus loin ? Oui, grâce à Franz-Olivier Giesbert qui, le plus sérieusement du monde, écrit dans son édito de ce mercredi :
« Même si la comparaison peut paraître scabreuse, est-il si illégitime d’oser la formuler ? La France est soumise aujourd’hui à deux menaces qui, pour être différentes, n’en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT. Il va sans dire que ces deux organisations minoritaires ne sont pas de même nature, rassurons tout de suite la police de la bien-pensance. Mais, sur le plan tactique, elles peuvent avoir recours aux mêmes armes. L’intimidation, notamment. »
Merci FOG, grâce à vous, les Français savent dorénavant à quoi s’en tenir…
Avant lui, et selon une expression devenue un gimmick bien malheureux, d’autres ont assimilé les actions syndicales à une « prise d’otage ». A la manière par exemple d’Alain Juppé qui, le 24 mai, sur son compte Twitter, écrivait : « Une CGT en pleine surenchère, un pouvoir qui a perdu tout crédit et autorité. Des millions de Français pris en otages. Il faut que cela cesse. » Mais après la vraie prise d’otage à l’Hyper-Cacher, le 9 janvier 2015, qui avait coûté la vie à quatre personnes, l’utilisation de ce mot passe mal, très mal, et les internautes ne se privent pas pour lui faire savoir.
@alainjuppe Stop avec pris en otages. Regardez dans le dictionnaire la signification de ce mot. Vous êtes aussi bête que la gauche.
— Cat_Nole (@cat_nole) 24 mai 2016
@alainjuppe Et que le terme « pris en otages » cesse d’être utilisé à tout bout de champs aussi, ce serait pas mal
— Xavier (@1PichounABerlin) 24 mai 2016
@alainjuppe l’utilisation à tout propos de l’expression « pris en otage » ? Oui il faut que ça cesse.
— NathB (@NathBoiss) 24 mai 2016
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