Loi Travail : et maintenant, la version revue et corrigée par la droite…

Le Sénat examine à partir de mercredi le projet de loi El Khomri. L’occasion pour la droite de montrer à quelle sauce elle souhaite assaisonner le code du travail. Et pour François Hollande de la dénoncer pour tenter de remobiliser son camp…

C’est devenu une habitude au Sénat. A chaque fois qu’un texte polémique débarque dans son hémicycle, la droite – à nouveau majoritaire à la chambre haute depuis 2014 – s’en empare en se pourléchant les babines, sur l’air de « vous allez voir ce que vous allez voir ». Ce fut le cas pour la loi Macron l’an dernier, lorsque le Sénat avait « libéralisé » un peu plus le texte du ministre de l’Economie. C’est aujourd’hui au tour du très controversé projet de loi El Khomri de passer à la moulinette du Palais du Luxembourg. Plus de 430 amendements sont examinés en commission à partir de ce mercredi 1er juin, avant une séance publique qui commencera le 13. Et sans surprise, ils consistent surtout à détricoter (encore) le code du travail.

Première phase pour la droite sénatoriale : revenir autant que possible à la version initiale du texte, celle que le gouvernement avait présentée en février, suscitant une sacrée bronca à gauche. Il est vrai que le Medef aussi en avait dit beaucoup de bien… Le Sénat va donc ressusciter le plafonnement impératif (et non pas indicatif) des indemnités prud’homales, la possibilité pour les PME de mettre en place des forfaits-jours sans accord syndical ou encore la prise en compte du périmètre national pour justifier les licenciements économiques. Autant de mesures sur lesquelles le gouvernement avait revu sa copie face à la contestation.

Exit les 35 heures

Mais les sénateurs comptent aussi aller plus loin. « La logique qui est la nôtre, c’est de muscler le projet de loi », explique à Marianne le sénateur Les Républicains Jean-Baptiste Lemoyne, l’un des co-rapporteurs du texte. Un amendement prévoit ainsi de fixer branche par branche, par un accord collectif, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, et de le fixer à défaut à 39 heures par semaine. Une suppression pure et simple des 35 heures, en somme ! Autre mesure « maison » : la baisse du forfait social sur l’intéressement et la participation (qui est une contribution à la charge de l’employeur). La droite veut enfin en profiter pour s’attaquer à des dispositions jugées bien trop gauchisantes, comme le compte pénibilité ou la généralisation de la garantie jeune.

Hollande espère remobiliser son camp en pointant du doigt la teneur très libérale des propositions de la droite.

Une répétition générale avant la campagne présidentielle ? Ces mesures rappellent en tout cas furieusement les programmes économiques des candidats à la primaire de la droite. Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire ou encore le non-déclaré Nicolas Sarkozy : tous proposent par exemple de négocier le temps de travail au niveau de l’entreprise pour en finir avec les 35 heures.

Hollande, « on va lui faire le baiser qui tue »

François Hollande et Manuel Valls, qui ont dû recourir au 49-3 pour faire passer le texte en force à l’Assemblée nationale, ne voient pas d’un mauvais œil ce déplumage en règle. Le duo exécutif espère qu’en voyant la teneur très libérale des propositions de la droite, les « frondeurs » du Parti socialiste mettront en sourdine leurs critiques contre le texte plus modéré du gouvernement. « Le débat qui va s’ouvrir la semaine prochaine au Sénat sera intéressant : nous verrons ce que la droite proposera en matière de droit du travail, puisqu’elle y est majoritaire. La comparaison fera sans doute progresser la raison », a ainsi déclaré le chef de l’Etat à Sud Ouest mardi. « Ce texte va continuer ce débat au Sénat et on pourra ainsi voir les différences », a de son côté observé Manuel Valls devant l’Assemblée nationale mercredi.

A l’inverse, le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne compte bien sur la version revue et corrigée par la droite pour déstabiliser un peu plus l’exécutif :

« J’entends Hollande dire à son camp : ‘Quand vous allez voir le projet de la droite, vous allez trouver le nôtre sexy’. Au contraire, on va lui faire le baiser qui tue en montrant que si l’on va au bout de la logique du texte, on aboutit à la suppression des 35 heures. La différence, c’est que nous assumons les choses en poussant les curseurs jusqu’au bout, alors que le gouvernement a la réforme honteuse. »

L’opération de la droite est plus une tribune qu’autre chose, puisque c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot sur la loi Travail. Reste que le débat sur ce texte exhale de plus en plus un parfum de campagne présidentielle. Avec, d’un côté, une opposition qui annonce la couleur avant 2017, et de l’autre, un François Hollande essayant de remobiliser la gauche sur l’air du « Au secours, la droite revient ».

 


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