Routiers, cheminots, intermittents… Le gouvernement caresse pour déminer la grogne

Derrière sa fermeté affichée sur le projet de loi de Myriam El Khomri, l’exécutif cherche à désamorcer les contestations secteur par secteur. Et mise sur l’essoufflement du mouvement anti-loi Travail.

Officiellement, le gouvernement ne lâche rien. Pas question de revenir en arrière la loi Travail qui cristallise la grogne sociale depuis quatre mois. « Le projet de loi ne sera pas retiré. La philosophie et les principes de l’article 2 seront maintenus », martèle François Hollande dans un entretien à Sud Ouest ce mardi 31 mai, en faisant référence à la disposition du texte qui fâche le plus, celle qui fait primer l’accord d’entreprise en matière de temps de travail. Manuel Valls, lui, a répété ce week-end qu’il irait « jusqu’au bout ». Mais derrière cette fermeté affichée, le gouvernement se met en quatre pour satisfaire des revendications sectorielles qui risqueraient d’alimenter le climat de fronde et les blocages, alors que l’Euro de football commence dans dix jours. Une stratégie du salami, consistant à découper les unes après les autres les différentes contestations pour mieux les avaler.

Ce sont les chauffeurs routiers qui ont reçu la première caresse. Alors qu’ils protestaient contre la possibilité laissée par le projet de loi d’abaisser la majoration de leurs heures supplémentaires, le secrétaire d’Etat aux Transports Alain Vidalies leur a assuré le 21 mai qu’ils conserveraient leur régime dérogatoire : leurs heures sup’ ne pourront pas être majorées de moins de 25%. C’est toujours ça de pris pour tenter d’enrayer les blocages sur les routes.

Lâcher du lest

Le gouvernement s’est aussi attaqué à d’autres revendications qui sont sans rapport avec la loi El Khomri, mais ajoutent de la grogne à la grogne. Il a ainsi pris en main les rudes négociations sur le temps de travail à la SNCF, dont l’Etat est l’actionnaire. Samedi dernier, Alain Vidalies a négocié lui-même avec les syndicats, court-circuitant le patron Guillaume Pépy. Et le secrétaire d’Etat a visiblement fait des concessions que refusait la direction de la SNCF, puisque la CFDT a levé son préavis de grève, comme le rapporte L’Opinion.

Le gouvernement a court-circuité le patron de la SNCF

Lâcher du lest, le mot d’ordre est à peu près le même pour les intermittents du spectacle. Les partenaires sociaux du secteur avaient conclu fin avril un accord sur leur régime spécifique d’indemnisation. Mais ils réclamaient à l’Etat une garantie financière pour assurer sa mise en œuvre, alors que les négociateurs de l’assurance-chômage ont échoué à se mettre d’accord lundi sur le montant des économies à réaliser. Qu’à cela ne tienne : alors que la CGT menaçait déjà de bloquer les festivals estivaux, Manuel Valls a assuré dans un communiqué que le gouvernement était « prêt à prendre en charge (…) certaines des mesures de l’accord ». Autrement dit, à mettre la main au portefeuille pour sortir provisoirement de l’impasse.

Près de deux mois à tenir

L’exécutif ne se contente pas de signer des chèques pour éteindre les incendies en cours. Il surveille aussi les foyers qui pourraient s’étendre. Lundi, François Hollande a renoncé aux annulations de crédit de 134 millions d’euros qui menaçaient le budget de la recherche. Jeudi, il tentera de rassurer les maires réunis en congrès à Paris et inquiets de la baisse des dotations de l’Etat aux communes : le chef de l’Etat pourrait leur réserver une bonne nouvelle, selon le Journal du dimanche… Pendant ce temps, la ministre de l’Education nationale chouchoute des enseignants toujours agacés : Najat Vallaud-Belkacem vient de leur annoncer un milliard d’euros de hausses de salaires d’ici 2020.

Mais s’il compte appliquer son déminage catégoriel à toutes les contestations, le gouvernement a encore fort à faire. Entre la RATP, Air France, les aiguilleurs du ciel ou encore les raffineries, un conflit chasse l’autre. Sans compter que la tactique de l’exécutif n’est pas forcément payante : son intervention directe dans les négociations à la SNCF n’a pas empêché la grève illimitée qui commence ce mardi soir. Et dire qu’il reste près de deux mois avant que le Parlement ne se prononce définitivement sur la loi Travail…

 

 


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