PMA : "La victoire de la Manif pour tous est d'avoir congelé les ambitions sociétales de la gauche"

Il y a trois ans, la loi sur le mariage pour tous, promesse phare du candidat Hollande en 2012, était adoptée. La PMA pour toutes, elle, promesse du PS, est toujours en souffrance. Le rapporteur de la loi Taubira le député Erwann Binet, revient pour « Marianne » sur le bilan de ce quinquennat concernant les thématiques LGBT.

Marianne : Vous avez été le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous, quel bilan en tirez-vous, trois ans après sa promulgation ? Considérez-vous qu’il subsiste un risque, en cas d’alternance, qu’elle soit révoquée ?

Erwann Binet : Plus aucun risque. Le risque théorique existe par principe car ce qu’un législateur a construit, un autre peut le détruire. Il faudra donc veiller aux paroles que peuvent porter les uns et les autres dans le cadre de la primaire à droite. Mais je crois que politiquement, ce ne serait pas tenable. Aucun président, aucune majorité à l’avenir ne remettra ce texte en cause. Et je crois qu’il est d’ailleurs entré dans les mœurs à une vitesse surprenante. Je rencontre tous les jours des gens qui ont participé à des mariages de couples homosexuels et qui ont parfois changé d’avis à cette occasion. Comme je le pressentais, le mariage pour tous n’a pas seulement permis à des familles d’accéder aux mêmes droits que les autres, c’est aussi une arme contre l’homophobie. On a vraiment gagné sur tous les tableaux.

 

Plus globalement, quel bilan tirez-vous de ce quinquennat concernant les droits des personnes LGBT ?

Un bilan en demi-teinte parce que j’aurais souhaité, ce n’est pas un secret, qu’on aille plus loin sur la PMA. Les opposants à la loi Taubira ont perdu leur combat contre le mariage pour tous mais ils ont, par leur mobilisation, par leur violence parfois, engendré chez un grand nombre d’élus la crainte d’aborder à nouveau ces sujets d’ordres sociétaux ou éthiques. Je rencontre aujourd’hui des élus qui ont voté le texte mais qui désormais nous disent : « Sur les sujets sociétaux, il faut qu’on fasse attention, ce n’est pas la priorité« . La victoire de la Manif pour tous, a posteriori elle est là : les ambitions sociétales, que porte traditionnellement la gauche, sont au congélateur.

 

Vous dites que le mariage pour tous est entré dans les mœurs. Pourquoi donc ne pas avoir eu le courage d’aller au bout avec la PMA ?

Je ne pense pas qu’on ait manqué de courage. Compte tenu de l’opposition à laquelle on a fait face, on a au contraire montré collectivement du courage. Mais je pense que ne pas mettre la PMA dans le texte, c’était une erreur : cela n’a absolument rien changé au nombre d’opposants dans les manifestations. Au demeurant, nous sommes le seul pays au monde, avec le Portugal je crois, à autoriser le mariage aux couples de même sexe sans ouvrir la PMA aux couples de femmes. Avec une grande hypocrisie, car on accepte l’adoption intrafamiliale après une PMA en Belgique ou en Espagne mais on n’autorise pas à concevoir l’enfant en France.

 

Laurence Rossignol a récemment affirmé que le candidat de gauche en 2017 allait nécessairement porter la PMA pour toutes : vous y croyez ?

Ces débats-là ne dépendent pas des politiques, ils s’imposent aux politiques. Historiquement ce ne sont jamais les élus qui sont au-devant sur ces questions, c’est la société qui les devance sur les questions sociétales. Laurence Rossignol a à moitié raison : si les élus ne s’emparent pas de cette question, le débat s’emparera d’eux de toute façon. La question de la PMA pour les couples de femmes s’imposera, donc autant anticiper.

 

Donc la PMA ouverte aux couples de femmes, vous y croyez ?

Bien sûr que j’y crois, sinon j’arrêterais de faire de la politique !

 

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