Quick mis hors de cause après avoir été accusé d'esclavagisme

La célèbre chaîne de fast-food franco-belge était accusée, par les autorités d’outre-Quiévrain, d’avoir couvert les méthodes négrières de ses sous-traitants spécialisés dans le nettoyage des restaurants. Quick peut respirer, ce mercredi 25 mai, le tribunal l’a reconnu innocent. Mais les faits, eux, sont bien réels.

C’est une affaire à vous retourner l’estomac. Après ça, difficile de faire la fine bouche pour un résidu de ketchup séché sur un bout de table. Pendant des années, des fast-foods Quick situés en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles ont eu recours à des sociétés de nettoyage dont les employés trimaient comme des «esclaves» dans le cadre d’«une traite des êtres humains misérable et honteuse». Les termes, qu’on pensait d’un autre âge, sont de l’inspection sociale belge, l’équivalent de notre inspection du travail.

Après de multiples rebondissements judiciaires, le tribunal a finalement acquitté Quick et ses franchisés. Il a en effet considéré qu’on ne pouvait établir leur complicité avec les sociétés de nettoyage, leur connaissance de ces infractions à la législation sociale commises par ces dernières n’étant pas prouvée. Mais le tribunal a bel et bien condamné quatre patrons de sociétés de nettoyage à des peines allant de 18 mois de prison avec sursis à trois ans de prison ferme ainsi qu’à des amendes de 82.500 à 165.000 euros.

Dans l’agroalimentaire ou la construction, la compression des coûts se nourrit d’une main-d’œuvre consciente que c’est ça ou l’expulsion. Et malgré des contrôles répétés entre 2006 et 2011, et leur médiatisation, les restaurants en question ont continué à être nettoyés par des travailleurs clandestins payés 3 ou 4 € l’heure et, si nécessaire, enfermés toute la nuit pour protéger l’une des marques les plus connues de Belgique contre toute nouvelle visite inopinée de l’inspection sociale. Deux de ces sociétés de nettoyage avaient fait main basse sur le marché. Elles cassaient les prix en forçant les employés, souvent venus du Nigeria, de Guinée ou de Côte-d’Ivoire, à passer la serpillière chaque nuit de la semaine, sans aucun jour de repos et sans les déclarer. Terrorisées par la perspective d’un retour au pays, les victimes ont mis beaucoup de temps à parler.

Aux dires des autorités belges, la SA Quick a fermé les yeux, en parfaite connaissance de cause, sur les pratiques de ses prestataires. Le réquisitoire sévère tenu devant le tribunal dénonce le «mutisme de la direction» et son «abstention coupable», tout en expliquant cette longue indifférence par «un intérêt financier manifeste». En sous-traitant ces tâches ingrates et mal payées, les négriers du burger pouvaient ouvrir leurs cantines une heure de plus le soir, jusqu’à 23 heures. Des frais de ménage réduits de moitié et un tiroir-caisse gonflé en fin de journée : «tout bénef» !

Mais le tribunal a tranché. Et a jugé pour sa part qu’à « aucun moment l’inspection sociale n’a averti la SA Quick des contrôles (en 2006 et 2007). Ce n’est qu’en 2011 que les dirigeants de Quick sont entendus sur les faits« . La célèbre enseigne aurait alors diffusé une circulaire qui demandait aux franchisés de mettre fin aux contrats avec les sociétés de nettoyage en question. Et cette « abstention coupable » pour un « intérêt financier manifeste » n’aurait pas lieu d’être puis qu’apparemment « la marge n’était pas significative« . Le tribunal a donc estimé que « cet argument n’est pas pertinent à lui seul« .

Si Quick a été mis hors de cause, les faits « d’esclavagisme moderne » par des sociétés de nettoyage, eux, sont bien là et bien réels. Aux autres géants de cette économie du dumping social d’être désormais vigilants et de balayer devant leur porte.

>> Cet article de Philippe Engels a été diffusé une première fois dans le magazine Marianne du 20 mai. Il est mis à jour avec la décision du tribunal.

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