L’animateur de RMC, qui tient par ailleurs une tribune dans le magazine « Valeurs actuelles », s’est lâché ce mardi 17 mai contre la mansuétude supposée du gouvernement envers les participants au mouvement « Nuit Debout », qu’il compare à la répression policière « beaucoup plus brutale » dont les manifestants anti-mariage pour tous auraient, selon lui, fait l’objet en 2013. Le tout « démontré » par une batterie de données… fausses.
« Incroyable : il y a eu plus de Manif pour Tous arrêtés en 2013 que de casseurs de la Nuit Debout« . Dans ce tweet accompagné d’une vidéo de 3 minutes, ainsi que d’une tribune du même acabit sur le site de Valeurs actuelles, le présentateur de RMC Eric Brunet s’est livré ce mardi 17 mai à un réquisitoire en règle contre « la complaisance du gouvernement vis-à-vis de Nuit debout« , qu’il rapporte à « la réponse policière beaucoup plus brutale et immédiate au mouvement des Veilleurs » s’opposant en 2013 à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Incroyable : cette tribune est un tissu de bobards ! Décryptage…
« Des chiffres viennent de tomber. Les casseurs de Nuit debout ont blessé plus de 300 policiers. Vertigineux ! Or, seulement 193 d’entre eux ont été placés en garde à vue. Moins que les cathos de La Manif pour tous, qui ne faisaient rien d’autre que lire pacifiquement des textes. Soyons précis : en 2013, les Veilleurs n’ont blessé aucun policier… Pour autant, 201 d’entre eux ont été arrêtés », écrit Eric Brunet.
FAUX – Environ 350 policiers ont en effet été blessés par des casseurs en marge du mouvement Nuit Debout. Mais selon les chiffres également rendus publics par les autorités, 1.300 interpellations ont eu lieu depuis le début des manifestations contre la loi Travail, soit… six fois plus que les 201 arrestations dont fait état Eric Brunet côté Manif pour tous ! Et sur ces 1.300 interpellés, pas moins de 819 ont été placés en garde à vue et « 60 condamnations » ont été prononcées, a indiqué François Hollande ce mardi.
Par ailleurs, il est faux de dire que « les cathos de La Manif pour tous ne faisaient rien d’autre que lire pacifiquement des textes ». Rien que leur grand raout du dimanche 26 mai 2013 s’était terminé aux Invalides par plus de deux heures de violents affrontements avec les forces de l’ordre sur l’esplanade des Invalides. Bilan : 174 interpellations mais aussi 36 blessés dont un journaliste, un manifestant et… 34 policiers et gendarmes. Soyons précis !
« Le défenseur des droits, Jacques Toubon, saisi par plusieurs avocats dès 2013, vient de juger ‘disproportionnée’ la répression policière contre les Veilleurs, évoquant même un ‘recours excessif à la force' », assène encore Eric Brunet.
FAUX – Le Défenseur des droits a bien rendu une décision sur ce sujet, le 25 novembre 2015, après avoir été saisi en 2013 par trois membres du collectif « les mères veilleuses » et de la Manif pour tous. Mais à aucun moment Jacques Toubon ne parle de « répression policière« , ni n’exprime a fortiori de point de vue général sur celle dont auraient fait l’objet les Veilleurs. Pas plus qu’il ne dénonce de « recours excessif à la force« …
Dans sa décision rendue publique début janvier, consultable sur le site Internet de l’institution, le Défenseur des droits se penche sur un cas précis, celui de trois militants qui ont subi… un « encagement« . C’est-à-dire qu’ils ont été empêchés, durant deux heures un après-midi de décembre 2013 à Paris, d’avancer sur le Champ-de-Mars par des policiers qui les avaient encerclés. Jacques Toubon, loin de dénoncer une « répression policière », recommande donc au ministère de l’Intérieur une réflexion, « pour éviter tout recours abusif (…) qui pourrait donner lieu à des limitations abusives à des libertés publiques« .
Alors, pourquoi Eric Brunet parle-t-il de « recours excessif à la force » ? En fait, l’expression apparaît dans un article récent de La Croix, qui explique notamment la décision de Jacques Toubon exposée ci-dessus. Mais le « recours excessif à la force » provient d’une tout autre instance, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), dans une délibération du 27 juin 2013 rapportée dans le même article et consultable aussi sur Internet. Comme le souligne le journal catholique, « il s’agissait initialement d’un texte visant la Turquie« , où des manifestations anti-Erdogan avaient dégénéré au printemps 2013, faisant « quatre morts, dont un policier, et presque 4.000 blessés« . Quel rapport avec la Manif pour tous ? Eh bien, comme le rapporte toujours La Croix, « une référence à la France avait été ajoutée par amendement », à la demande… « de députés du parti populaire européen (PPE)« . Les eurodéputés de droite ont ainsi abouti à ce que, dans une même décision, l’APCE « déplore les récents cas de recours excessifs à la force pour disperser les manifestants » qui avaient fait des morts en Turquie, et l’utilisation de gaz lacrymogènes en France. Un mélange d’échelles dans lequel le gouvernement avait eu beau jeu de dénoncer un « jeu politique » de la droite.
Incroyable: il y a eu plus de Manif pour Tous arrêtés en 2013 que de casseurs de la Nuit Debout. https://t.co/XtZ7UZ59nP
— Eric Brunet (@ericbrunet) 17 mai 2016
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