Interviewé par « Libération » ce 17 mai, Martial Albar, 43 ans, livre douze ans d’expérience comme inspecteur des services vétérinaires au sein des abattoirs de France. Une expérience qui l’a amené à renoncer à ce métier. « Au final, nous sommes tous complices de cette barbarie », conclut-il.
« Dans les abattoirs, ceux qui commencent à s’émouvoir sont très vite mis à l’index, même par leurs propres collègues« , témoigne Martial Albar ce 17 mai dans les colonnes de Libération. L’homme a fini par démissionner de son poste d’inspecteur des services vétérinaires en 2012. « Pourtant, j’étais fonctionnaire d’Etat, j’avais la sécurité de l’emploi, je n’avais qu’à attendre la retraite…« , confie-t-il.
Récemment, les vidéos diffusées par l’association L214 ont permis de faire parler de la maltraitance animale dans les abattoirs. Martial Albar s’en fait le relais, témoin de ces actes barbares durant un peu plus de douze ans.
La salve dénonciatrice de l’ancien inspecteur des services vétérinaires commence par l’étape de l’étourdissement, qui précède la saignée de l’animal : « Parler d’anesthésie est un pur mensonge, une tromperie« . Il y critique en effet un système « avant tout utilisé afin de favoriser le travail de l’homme« . Pour les cochons, les moutons et les chèvres, l’utilisation de l’électronarcose, qui envoie une décharge électrique à l’animal, « n’induit pas de perte de sensibilité à la douleur« . Pour Martial Albar, donc, « rien ne prouve que l’animal ne ressent pas ce qui se passe ensuite« . D’ailleurs, dans tous les abattoirs qu’il a pu visiter durant sa carrière, « presque systématiquement, les animaux reprennent conscience avant d’être saignés« .
Un constat clair qui démontre que les abattoirs ne cherchent pas à anesthésier l’animal mais bien, simplement, à l’immobiliser afin de faciliter et sécuriser le travail des employés qui doivent le suspendre ensuite par une patte arrière sur la chaîne d’abattage.
Après la saignée, la règle est d’attendre que la mort de l’animal arrive avant que « le tueur » – terme choisi par l’ancien inspecteur – ne continue « à travailler le produit« . « Ce n’est pas du tout ce qu’il se passe« , affirme-t-il :
« J’ai vu des cochons encore conscients quand ils entraient dans l’échaudeuse, le bain d’eau bouillante. Pareil pour les chèvres et les chevreaux, les agneaux et les moutons : après la saignée, on leur sectionne les quatre avant-pattes pour commencer à retirer leur peau; et bien souvent, quand l’opérateur attaque ça, l’animal n’est pas complètement mort »
Lui, a ses solutions : sectionner la moelle épinière qui « entrainerait une insensibilité totale de l’animal et permettrait une mise à mort par saignée sans souffrance« .
Dans son interview à Libération, Martial Albar met en évidence un problème propre à cette crise qui traverse les abattoirs : le manque d’humanité dans ces lieux. Il raconte un des mauvais traitements qui l’a le plus marqué durant douze ans : « Les agneaux. Avant d’être abattus, quand ils sont parqués, ils pleurent comme des bébés. On se croirait dans une crèche. Et quand on s’approche d’eux, ils veulent téter nos doigts parce qu’ils ont faim …« . En face de ces agneaux, des opérateurs, qui leurs « fracassent la tête pour aller plus vite« . Evidemment, « ils sont là pour mourir« , répondent-ils. Dans ce désordre moral, quel est le rôle des vétérinaires sanitaires mandatés par l’Etat ? Ne peuvent-ils pas influer sur ces procédés ? Pour Martial, leur poids est minime : « Les vétérinaires sanitaires contractuels et les inspecteurs de la santé publique vétérinaire assistent peu à la mise à mort des animaux et n’ont pas envie d’embêter des abattoirs avec des questions de souffrance animale« , car dans ces lieux, être sensible c’est surfait : « c’est un milieu viril« .
Le constat de l’ancien inspecteur des services vétérinaires est implacable : « En 2016, en France, on n’est toujours pas capable de tuer des animaux sans les faire souffrir« , alors « au final, nous sommes tous complices de cette barbarie« .
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