Du haut du Mont Beuvray, Arnaud Montebourg a lancé en ce lundi de Pentecôte un appel pour construire un « grand projet alternatif » mais le « petit entrepreneur » – tel qu’il aime se présenter désormais – se garde bien de dévoiler ses intentions pour 2017. Pour l’ancien ministre du Redressement productif, le but de l’opération était surtout de ne pas se faire oublier des Français, et de relancer sa petite entreprise politique…
Comme chaque année depuis douze ans à l’occasion du lundi de Pentecôte, Arnaud Montebourg a donc gravi, avec ses proches, le Mont Beuvray, à la limite de la Saône-et-Loire et de la Nièvre, terres importantes dans l’histoire du socialisme français. Un symbole parmi d’autres pour l’ex-ministre du Redressement productif, dans la droite ligne de la montée de la Roche de Solutré qu’affectionnait un ancien président de la République… François Mitterrand.
Et justement, cette édition, à un peu moins d’un an de la présidentielle, avait une couleur toute particulière. Depuis plusieurs jours, les proches d’Arnaud Montebourg expliquaient ainsi que l’ascension du Mont Beuvray constituerait une étape importante pour lui. Histoire de susciter la curiosité des journalistes… Ces derniers sont donc venus en nombre, si friands des petits phrases de celui qui avait été éjecté du gouvernement par François Hollande après sa sortie incontrôlée sur « la cuvée du redressement productif ». Dans le car qui emmène les journalistes au Mont Beuvray, l’un de ses lieutenants, François Kalfon, ancien soutien de DSK, se met ainsi à blaguer en regardant le paysage de bocage à travers les vitres : « Regardez, on est au cœur de la France, ce n’est pas le meilleur endroit pour lancer une campagne présidentielle ? »
Dès l’arrivée d’Arnaud Montebourg au pied du Mont Beuvray, une nuée de caméras et de micros l’entoure donc, l’encercle même. Un barnum médiatique qui continuera jusqu’au sommet. Au point de susciter l’irritation de la centaine de sympathisants qui ont fait spécialement le déplacement : « Ah bon, il est là ? On ne l’a pas encore vu ! », rigole l’un d’eux au cours de la montée. « Inaccessible ! » lance un autre, quelque peu dépité. Un badaud commente : « Regarde, il nous fait la miss France ». Accompagné de la députée Aurélie Filippetti, sa compagne, et du député de la Nièvre, Christian Paul, chef des frondeurs du PS, l’ex-ministre est tout de même accueilli par quelques cris de soutien : « Arnaud ! Arnaud ! », « Arnaud Président ! ». « Nous avons des fourmis dans les jambes », constate le député du Gard, Patrice Prat, avec un certain amusement.
Une fois arrivé en haut du fameux Mont, entouré des ruines archéologiques datant de la Gaule, Arnaud Montebourg prend place sur un pupitre installé pour l’occasion, avec pour horizon la campagne environnante. Se présentant comme un « petit entrepreneur », il dit vouloir « reprendre la parole » « en citoyen libre », contre « l’oligarchie », « la novlangue », et « la technostructure inamovible ». « Je suis un homme de gauche, tient-il à souligner. Mais qu’est-ce que cela veut dire ‘être de gauche’ dans ce moment où les repères ont disparu ? Etre de gauche, c’est considérer que le pouvoir politique doit être parfois supérieur au pouvoir économique. C’est vouloir faire prévaloir les décisions de la démocratie sur les excès de l’économie ». Le prophète du made in France se lance alors dans une explication de choses, citant à l’appui une vingtaine de noms qui constituent un panthéon pour le moins varié : François Mitterrand, Pierre Bourdieu, Colbert, le Pape François, Jaurès, Jean-Pierre Chevènement, Mendès-France, Voltaire, Joseph Stiglitz, Montesquieu, Foucault, Al Gore, et même la journaliste Florence Aubenas !
C’est alors qu’il annonce vouloir lancer « un appel depuis ce Mont Beuvray » : « Je vous propose de bâtir dans les mois qui viennent un grand projet alternatif pour la France ». Précisant : « Je vous propose donc d’élaborer ensemble dans les mois qui viennent le projet que nous voudrions pour la France et pour les Français, et de le faire avec tous ceux qui voudront joindre leurs efforts aux nôtres ».
Montebourg se garde donc pour l’instant de dévoiler ses intentions pour 2017. « Il s’agit d’abord d’installer dans la tête des gens qu’une candidature alternative à Hollande est possible », décrypte le député Laurent Baumel. Son compère Kalfon ajoute : « On avance étape après étape. Si on file la métaphore, on est dans le prologue ». En appelant à un « grand projet alternatif », Montebourg essaye donc de gagner du temps alors que sa stratégie pour une éventuelle candidature est loin d’être éclaircie dans son esprit. D’autant que les difficultés sont nombreuses, entre un Jean-Luc Mélenchon parti très tôt dans l’aventure de 2017, et un projet de primaire à gauche qui s’enlise semaine après semaine.
Baumel critique ainsi un « match Hollande-Mélenchon annoncé », tout en concédant « le deuil d’une primaire super organisée » et en laissant le flou sur les véritables intentions de son champion : « Si Hollande est candidat, on verra ». De son côté, Kalfon confie : « Mélenchon, il est là, il est parti tôt. Mais nous ne sommes pas dans la même logique. Il est dans une fonction tribunicienne, nous, on veut agir concrètement ». Le frondeur Christian Paul, le régional de l’étape, maintient tout de même la pression en rappelant dans son discours « la très grande responsabilité » qui incombe à Montebourg : « Chaque destin, cher Arnaud, se construit patiemment… ». En tout cas, face aux télévisions et radios qui le pressent d’annoncer la date de sa candidature, l’ancien promoteur de la « cuvée du Redressement productif » refait la démonstration de sa capacité à éluder les questions des journalistes, lançant, pas mécontent de son petit effet : « On en reparlera. Je vous passerai un petit coup de fil ».
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