La cause des femmes est aussi celle des hommes

Après l’affaire Baupin, ce serait une erreur de croire que la liberté des femmes n’est menacée que dans le seul univers politique. Face à des dangers convergents, face à la double tenaille des obscurantismes, il s’agit donc d’agir. Dans les partis, au Parlement, mais aussi dans l’entreprise, à l’école. Partout. Réaffirmer le principe d’égalité. Réapprendre la longue lutte que les femmes durent mener pour pouvoir disposer librement de leur corps. Car c’est cet acquis indéfectible qui est aujourd’hui en péril. C’est à nous tous, hommes et femmes, de le défendre.

La justice est saisie et il lui appartient désormais de déterminer la responsabilité de Denis Baupin. Sa responsabilité pénale strictement. Pour le reste, cette affaire dans ce qu’elle révèle de notre société où la situation des femmes, en dépit de tous les discours, semble de plus en plus fragilisée est notre affaire à tous. Car les témoignages accablants des militantes et élues écologistes ne sont pas des cas isolés, ces femmes sont plus que les victimes d’égarements d’un homme perdu ou malade. Denis Baupin est davantage qu’un simple symbole du machisme d’un univers politique où la place croissante des femmes n’est que le paravent de la volonté des hommes à préserver leur domination.

Pour autant, le scandale qui secoue le parti écologiste concerne en premier lieu le petit monde de la politique. Les serments faits il y a cinq ans, au lendemain des révélations du Sofitel de New York, sur une indispensable révolution des mœurs se sont perdus dans les limbes. Il n’y a pas un avant- et un après-DSK. L’affaire Baupin et la kyrielle d’autres témoignages dans d’autres formations politiques l’attestent. Ceux de quelques journalistes aussi. Le scandaleux propos du député Pierre Lellouche (ex-UMP) parlant «d’histoires de bonnes femmes» (ce qu’il a finalement démenti), comme le silence assourdissant des ténors socialistes ou l’aveu bien tardif d’un «geste déplacé» du ministre Michel Sapin soulignent l’ampleur d’un mal qui ne peut pas être résumé au dévoiement d’un homme.

Il n’y a pas un avant- et un après-DSK​

Un mal d’autant plus grave et profond que des règles sont censées le combattre. Rappelons, puisque cela semble encore nécessaire, que l’égalité entre les hommes et les femmes est un principe inscrit dans notre Constitution et qu’une loi sur la parité en politique a été votée il y a maintenant seize ans. Or, tous les faits courageusement révélés par les victimes montrent que rien n’a changé. Dans tous les partis, l’omerta est de mise. Ils sont plus que jamais des outils de la prééminence masculine, renforcée par ce sentiment de toute-puissance, qui fait encore, et malgré les scandales successifs, la particularité du monde politique.

Mais ce serait une erreur de croire que la liberté des femmes n’est menacée que dans ce seul petit univers. Un sondage Ifop, demandé par le défenseur des droits en 2014, a révélé que 20 % des femmes ont fait face au cours de leur vie professionnelle à une situation de harcèlement sexuel. Harcèlement sexuel : ce délit qui se caractérise par le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle, dégradants et qui portent atteinte à sa dignité. Une femme sur cinq en a été victime ! Un chiffre d’autant plus saisissant qu’entre 2007 et 2010 (derniers chiffres officiels en notre possession) entre 70 et 80 condamnations seulement ont été prononcées chaque année par la justice. On le sait : à la violence des actes s’ajoute la difficulté des victimes à l’exprimer (trois victimes sur 10 en parlent à des proches) et encore plus à déposer plainte. Le journaliste Dominique Simonnet a raison quand il écrit, dans une tribune publiée par le Monde, que «partout aujourd’hui nous assistons à une régression fondamentale qui ne dit pas son nom», que l’on refuse de voir. D’autant plus que le porno le plus violent envers les femmes prolifère sur Internet et que ses représentations diffusent largement dans la publicité, les médias ou le cinéma.

Harcèlement sexuel : une femme sur cinq en a été victime !

Il y a d’autant plus urgence à affronter cette réalité et à combattre le déni que d’autres menaces pèsent et prospèrent sur les droits des femmes. Celles des radicaux qui au nom d’un islam dévoyé et criminel leur imposent de cacher leur corps, leur silhouette, et trouvent chez des grandes marques de vêtements des relais pour entretenir leur volonté de soumission. La menace aussi d’autres radicaux, puritains d’un autre temps et d’un autre monde, rêvant d’instaurer un nouvel ordre sexuel qui passerait en premier lieu par la fin du droit à l’avortement.

Face à ces dangers convergents, face à la double tenaille des obscurantismes, il s’agit donc d’agir. Dans les partis, au Parlement, mais aussi dans l’entreprise, à l’école. Partout. Réaffirmer le principe d’égalité. Réapprendre la longue lutte que les femmes durent mener pour pouvoir disposer librement de leur corps. Car c’est cet acquis indéfectible qui est aujourd’hui en péril. C’est à nous tous, hommes et femmes, de le défendre.

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